vendredi 22 novembre 2013

A genoux, le Portugal ferme les yeux sur l’argent sale de cette fille venue d’Angola

le 11 Nov 2013

 


La revanche du colonisé ? 

Des hommes d’affaires angolais font leurs courses au Portugal, multipliant les achats dans les banques ou l’immobilier, sur fond de crise de l’ancienne métropole. Parmi eux, Isabel Dos Santos (photo), fille du président angolais. Des observateurs à Lisbonne s’inquiètent des origines douteuses de certains capitaux.

Isabel Dos Santos, la « fille à papa »

« Ils achètent des entreprises, ils lavent leur argent, ils s’emparent de médias portugais », s’inquiète la socialiste Ana Gomes, l’une des rares voix dissonantes au sein du PS portugais. 


La formation de José Sócrates s’était montrée, lorsqu’elle était au pouvoir jusqu’en 2011, peu regardante avec les investissements des proches du régime angolais.

« Le Portugal est la seule ancienne métropole d’Europe qui se trouve utilisée par l’élite économique de son ancienne colonie comme un point d’appui pour l’accumulation, le blanchiment et le recyclage de ses capitaux », estime de son côté Jorge Costa, du Bloc de gauche, qui s’apprête à publier un livre, en début d’année prochaine, sur « les propriétaires angolais du Portugal ».

Pour l’ex-journaliste portugais Pedro Rosa Mendes, désormais universitaire à l’EHESS, cette pratique de blanchiment des capitaux remonte à plus loin que la crise actuelle. Elle s’amorce en fait dès la fin des années 1990, lorsque l’Angola, alors en pleine guerre civile, ouvre de nouvelles concessions sur ses réserves pétrolières. 


La décision entraîne l’explosion de la production d’or noir dans le pays, renfloue les caisses de l’État et renforce d’un coup son influence sur la scène internationale. La récession des pays d’Europe du Sud, à partir de 2008, n’a fait qu’accélérer la grande transformation des relations entre l’Angola et le Portugal.

Combien sont-ils à ainsi vouloir faire main basse sur les joyaux de l’ancienne métropole ? Des familles proches de la présidence à Luanda – quelques centaines de personnes tout au plus – sont à l’offensive, qui disposent de visas angolais et portugais.


« Les journaux parlent des “cercles présidentiels”. Mais c’est avant tout Dos Santos lui-même, et sa propre famille, qui figurent aux avant-postes », estime Pedro Rosa Mendes.

Isabel Dos Santos en couverture de l’hebdomadaire portugais Visão

 


Sa « propre famille », et surtout la fille aînée : Isabel Dos Santos, 40 ans, diplômée du King’s College de Londres,la seule femme milliardaire d’Afrique, est l’un des personnages clés de cette sulfureuse saga post-coloniale. 

À en croire la presse officielle angolaise, elle serait la preuve vivante que l’Angola, pays où 70 % des habitants vivent avec moins de deux dollars par jour, peut aussi fabriquer des success stories au cœur de la finance internationale.

L’héritière, née d’un premier mariage de Dos Santos, détient aujourd’hui au Portugal un portefeuille d’actifs vertigineux. En quelques années, elle s’est emparée de la moitié du capital d’un géant des télécoms (issu de la fusion entre ZON et Optimus) et d’une bonne part de la banque portugaise BPI – dont elle est, à hauteur de 19,4 %, la deuxième actionnaire. 


Elle est aussi présente au conseil d’administration d’un autre établissement financier, BIC Portugal, et possède des parts dans Amorim Energia, qui contrôle près de 40 % de Galp, l’un des principaux groupes gaziers et pétroliers d’Europe.

« La princesse » est aujourd’hui la troisième personne la plus riche par la valeur de son portefeuille d’actions cotées à la bourse de Lisbonne. Avec une fortune estimée à 1,7 milliard de dollars, elle est devenue incontournable dans le paysage économique portugais. 


À première vue, difficile de ne pas se réjouir de l’arrivée massive de ces capitaux frais, alors que le pays est exsangue…

Mais l’affaire se complique si l’on s’intéresse aux origines douteuses de la fortune d’« Isabel ». C’est ce qu’a tenté de faire le magazine américain Forbes dans une enquête fleuve publiée en septembre dernier, qui a fait beaucoup de bruit à Lisbonne – un peu moins à Luanda (à lire ici). 


Sa conclusion est imparable : « La fille à papa » est une créature inventée de toutes pièces par son père afin d’accaparer, au profit de son« clan », une partie des revenus des biens publics, du pétrole aux diamants, avant de sécuriser cet argent à l’étranger – destination Portugal.

Les diamants ? C’est sur décision du président angolais qu’est renégocié, à la fin des années 1990, le partenariat public-privé qui exploite les mines du nord du pays. 


La fille aînée du président empochera alors une part de 24,5 % de la société, dont on ignore tout du financement, et qu’elle revendra par la suite à sa mère. Idem pour le secteur des télécoms : Isabel Dos Santos obtient 25 % du géant Unitel, après la décision de son père d’en privatiser une partie, au début des années 2000. 

Là encore, impossible de savoir combien l’intéressée a payé, mais sa part est aujourd’hui valorisée à un milliard de dollars…

Un débat étouffé au Portugal

À partir de 2005, elle va aussi faire fortune dans la banque, prenant un quart des parts de l’établissement BIC Angola, qui profitera, notamment, de prêts massifs, à des taux très confortables, au gouvernement angolais… 


La liste est encore longue, de ces opérations menées en toute opacité, mais qui finissent toujours par enrichir la fille du président, en un temps record : Isabel Dos Santos est devenue milliardaire en moins de dix ans.

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