vendredi 22 novembre 2013

Les USA : de la "hard" à la "soft power" en RDC

Jeudi, 21 Novembre 2013 

« Si vous trouvez que l’éducation coûte cher, essayez l’ignorance. » A. LINCOLN

Le malheur de l’Afrique, dirait Aimé Césaire, est d’être allée à la rencontre de l’Occident par le biais des capitalistes sans scrupules. Ils l’ont entraînée dans une décivilisation aux conséquences néfastes et sur l’Occident et sur l’Afrique. 




Pour rompre avec cet ensauvagement, les efforts de re-civilisation doivent être conjugués par les minorités audacieuses et courageuses et de l’Occident et de l’Afrique. Ces efforts doivent être portés par des principes humanistes. Mais aussi par des lieux de la pensée partagée. 

Sur ce point nommé, le travail des médias alternatifs est louable. Par Investig’action de Michel Collon, par exemple, un livre d’une certaine valeur historique et humaniste est proposé à notre lecture : « Chasseurs de matières premières » de Raf Custers[1]. Il peut aider à comprendre le passage que les USA sont en train d’opérer dans la région des Grands Lacs. 

Ils sont en train de passer de la « hard power » à la « soft power » sans renoncer à leur rêve impérialiste : contrôler, chez autrui, les ressources naturelles et au besoin, prendre possession des espaces qui les regorgent.

Pendant plus de deux décennies, les USA et la Grande-Bretagne (et leurs alliés cosmocrates) ont été, aux côtés du Rwanda et de l’Ouganda, les acteurs majeurs de la tragédie congolaise. 


Ils ont eu recours à une guerre de basse intensité et de prédation comme moyen d’avoir accès aux ressources naturelles de la RDC. Ils ont eu recours à la « hard power ». Les Etats profonds ces pays portés par Tony Blair et Bill Clinton ont semé la mort et la désolation dans toute la région de Grands Lacs africains. 

Les cris des hommes et femmes, victimes du « conflit des minerais de sang » ont fini par secouer la somnolence des opinions publiques de plusieurs pays du monde dont les USA et la Grande-Bretagne. 

L ’élite dominante de ces pays aurait décidé de passer de la « hard » à la « soft power » en RDC. Après plusieurs livres traitant de la tragédie congolaise, Raf Custers, dans « Chasseurs de matières premières » vient, après les victoires des FARDC sur le M23, apporter sa pierre à la compréhension des enjeux que sert l’usage de « la puissance douce » (la soft power). (Les régressions ne sont pas à exclure !)

Après la chute du mur de Berlin en 1989, les experts US crient à la fin de l’histoire et au triomphe de la démocratie du marché. 


En Afrique centrale, Mobutu, ex-ami US, fragilisé par l’application des programmes d’ajustement structurel imposés par les Institutions de Bretton Woods et sa gestion patrimonialiste du Zaïre,, tend à devenir « une créature de l’histoire ». Ses créateurs lui préfèrent « les nouveaux leaders de la renaissance africaine » : Kaguta Museveni et Kagame Paul.

Ces deux « Hitler africains » vont s’atteler à mener « la politique profonde » US en créant, en Afrique, une tolérance culturelle au meurtre et à la violence ; en plongeant l’Afrique centrale dans un ensauvagement qui ne dit pas son nom. Ils adoptent les lignes maîtresses de la politique des élites néolibérales prônant la guerre de tous contre tous au nom des intérêts des multinationales.

Pendant plus de deux décennies, la région des Grands Lacs a été saignée à blanc par un réseau transnational de prédation pour lequel tuer est bon du moment que cela rapporte de l’argent. 


Mais, deux décennies d’assassinats, de meurtres, de vol, de prédation, au vu et au su de tous, c’est trop ! Et comme les vampires ont peur du soleil (de la vérité), ils s’arrangent toujours pour rester dans l’ombre et changer de mode opératoire sans renoncer à la promotion du système néolibéral de la mort.

Dans la région des Grands Lacs, ce changement de méthode ne s’est pas fait attendre. Tout d’un coup, dans l’espace des quatre matins, une milice rwandaise a disparu dans la nature et la victoire des FARDC a été chantée dans les différents chefs lieux des provinces congolaises.

Oui. Le passage à la « soft power » venait de triompher et la PPA (Public-Private Alliance for Responsible Minerals Trade (Alliance public-privé pour un commerce responsable des minéraux) donnait l’impression de réussir à s’implanter à l’est de la RDC.

Après que certaines lois sur le Congo aient été votées aux USA, une initiative gérée par l’USAID[2] risque, si elle est réellement mise en œuvre, de priver la RDC du « droit de regard sur le sol », sur son sol. 


La PPA viserait fondamentalement le contrôle des ressources naturelles des Kivu, de l’Ituri et du Katanga. L’USAID a travaillé à la réalisation de cette initiative au cours de l’année 2011. 

Et voici les partenaires de la PPA : « le groupe des pays de la région des Grands Lacs, quatre groupes de pression de l’industrie (électronique, étain, or…), onze entreprises et cinq groupes de lobbying ou de pression. » (p. 212)

Avant d’en arriver à la PPA , plusieurs lois ont été votées au Sénat US sur le Congo. Comme si le Congo était une province US ! 


L’une de ces lois, le « Congo Conflit Mineral Act », a été présentée au Sénat par trois sénateurs dont le récent envoyé spécial US dans les Grands Lacs, Russel Feingold. (Rappelons-nous que Feingold est le récent envoyé spécial US dans la région des Grands Lacs.C’est par lui que nous avons appris que le texte de l’accord de Kampala étati déjà prêt avant que le M23 ne renonce à la guerre.) 

Et le terrain pour préparer la prise de l’initiative PPA a été déblayé par certains experts de l’ONU (Jason Stearns et Hege). L’autre a été présentée au Sénat par le Barack Obama. Toutes ces lois avalisées par les différents gouvernements fantoches de la RDC soutiennent les interventions directes US dans « les zones grises du Congo. »

Disons que la PPA est une sorte de recours à la « soft power » fait par les élites anglo-saxonnes et leurs alliés garder leur mainmise sur la RDC avec la complicité des élites compradores de ce pays. (Qui peut, un seul instant, imaginer, des interventions directes des gouvernants congolais aux USA ?) Comment cet état des choses est-il justifié par les élites américaines ?

Elles soutiennent que le Congo est « un intérêt permanent » pour leur pays.

Cela ne date pas d’hier. Dans le passé, le Président américain Nixon avait fait des réserves en cuivre à Tenke Fungurume en attendant le jour où l’industrie américaine chercherait à mettre la main dessus.

Avec la PPA , les USA vont jouer leur jeu (presque) au grand jour. S’ils tiennent à tout pris à réaliser cette initiative, ils vont kosoviser la province orientale de la RDC. Il est important que cela soit connu de la majorité des Congolais(es) afin qu’elle sache sur quel pied danser.

Les luttes et les débats internes à la RDC ne devraient pas constituer un handicap à la popularisation de cette initiative de la mort : transformer une partie d’un pays souverain en une colonie des USA, de la Grande-Bretagne et de leurs alliés au nom de la nécessité de « protéger et contrôler » ses ressources naturelles. 


Tel est le prix que les élites dominantes de ces pays tiennent à faire payer au Congo après la guerre de basse intensité et de prédation qu’ils y ont initiée et entretenue. 

Malgré certains points de vue discutables de Raf Custers sur la marche de la RDC , son livre, « Chasseurs de matières premières » mérite de devenir un livre de référence pour les lieux de la pensée congolais. 

Raf Custers a l’avantage de connaître certains acteurs externes et internes de la tragédie congolaise. Après plusieurs autres livres, « chasseurs de matières premières » vient aider les Congolais(es) à mieux connaître leurs véritables adversaires et à travailler à la montée des masses critiques. 
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Mbelu Babanya Kabudi 
Congoone 
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[1] R. CUSTERS, Chasseurs de matières premières, Bruxelles, Investig’action, 2013.

[2] Ceux et celles d’entre nous qui ont accès à Internet et qui voudraient en savoir un peu plus sur cette « agence de développement US » peuvent aller sur Investig’action (Michel Collon) et taper USAID dans « rechercher ». Ils seront désagréablement surpris en découvrant le boulot qu’elle fait depuis plus de cinq décennies : elles participent à la déstabilisation des peuples et aux coups d’Etat. Elle a été chassée de certains pays soucieux de préserver leur souveraineté.

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