samedi 28 décembre 2013

ABIDJAN: LA PROSTITUTION EN MILIEU SCOLAIRE



Sao, Toutou, Bordelle, Gbêlêche etc sont les noms qu’on donnaient aux prostituées. Mais aujourd’hui, ces appellations s’éclipsent, car le secteur se professionnalise avec l’arrivée incessante des étudiantes et élèves. Pas possible de se déplacer en Abidjan sans voir des jeunes élèves s’adonner au commerce du sexe, qui n’est d’ailleurs plus un sujet tabou.

Nous sommes dans la commune Plateau centre des affaires, en pleine matinée. Dans l’une des boutiques chiques tenues par une dame, nous voyons un petit monde de jeunes filles, qui essaient de choisir les modèles de leur goût. 


Fait bizarre, les demoiselles arborent directement leur nouveau vêtement en vogue en discutant et se taquinant. « Jupe paysane, pantacourt, bar slim, titanic, chien m’a mordu, matiko… » sont quelques appellations des tenues qu’elles portent. Pas de facture à payer à la sortie, mais un cahier pour émarger.

Selon M K, l’une des demoiselles, élèves en classe de Tle, les filles louent les vêtements avec la propriétaire de la boutique, moyennant 5000 ou 10000f la journée. En réalité la dame de la boutique les habille et les envoient dans les bureaux déjà ciblés, pour séduire les hommes. 


M K nous fait savoir que dans la journée elle se retrouve parfois avec 100000F en poche. Habillée dans un décolleté rouge et un pantalon noir moulant, avec une chaussure Docksides de couleur rouge bordeau, elle souligne que les jours de traites sont les Mercredi, Jeudi, Vendredi. 

« Ce que nous faisons est encore mieux que nos sœurs qui jettent les foulards en Zone 4 et au 2 plateaux » rétorque-t-elle, pour se justifier.

Direction Yopougon, aux environs de 21H, dans un bar climatisé, sise au quartier Maroc. Rien n’indique qu’il y a quelques choses d’extraordinaire à l’intérieur. L’entrée donne sur une grande piste de danse avec des places assises aux alentours. 


Nous apercevons le comptoir de la gérante, à côté est postée la cabine du maître de cérémonie ou DJ et les toilettes. En arrière poste des toilettes, existe un couloir qui mène à une autre salle. Dès que nous la franchissons, nous sommes accueillis par des jeunes filles en tenue d’Adam, qui nous installent et nous servent à boire.

Pendant que nous nous rafraîchissons, l’une d’elle se met sur un miniscule podium sur lequel est fixé une barre de fer. Elle exécute des pas de danse d’une chanson funk, elle monte et glisse sur la barre de fer. Après des grimaces, elle jette un foulard à notre siège, pour dire qu’elle est prête à se livrer à nous, au cas où nous tiendrions le foulard. 


Suite à notre désintérêt, elle insiste en s’asseyant à notre table et se livre à un véritable film X. Elle nous fait savoir que nous pouvons aller dans les toilettes, pour un plaisir, si nous avons honte. Cette fille répond au nom de O. Annick et est en classe de Seconde A. 

C’est pendant ses heures libres qu’elle fréquente le bar. 

Elle a choisi de s’exhiber moyennant 7000/jour comme prime, sans compter les pourboires que les clients leur offrent (14000à 30000/jour). L’une des filles trouvent notre attitude étrange, car généralement les clients ne résistent pas à leur tentation. 

« Ce n’est pas un coin pour les hommes décents, si vous vous sentez gêner, la porte est grande ouverte » déclare Chantal G l’une des strip-teaseuses. Elle porte un gigantesque colier au cou, des faux cils de couleur verte, ses dix doigts sont couverts de bague, la langue et le nombril percés, toute nue. 

C’est la doyenne du bar et c’est elle qui recrute les filles. Chantal a des proches dans certains établissements de la place qui lui envoient les filles. Mais les candidates doivent répondre à des critères : être belle, de teint claire ou bronzé, propre, taille 1m 70, forme moyenne, dynamique, savoir danser, savoir s’exprimer, niveau d’étude de la Seconde à la Terminale.

A la question de savoir pourquoi elle choisi les élèves, Chantal nous fait remarquer qu’avec les élève l’entente y est, mais les étudiantes sont très compliquées.

Mais l’une des formes privilégiées aujourd’hui, et qui ne dit pas son nom, c’est la prostitution à travers internet. Dans des sites comme www. 123love.fr, www.kydas.com ou encore www.Tchatche.com, nous trouvons des annonces édifiantes : « 15000F pour une partie de jambe en l’air ça vous dit », « qui est chaud pour ce soir 20000F » ou encore « qui veut passer la soirée avec moi pour 25000F ? ».

Une anecdote, Kouakou Anderson raconte qu’à travers Internet il a donné rendez-vous à une fille, pour une partie de plaisir et à sa grande surprise c’est sa copine. 


Les deux ont utilisés des pseudonymes pour communiquer : Justin pour l’homme et chancelle pour sa copine. « elle me dit à chaque fois qu’elle va étudier chez sa voisine compte tenu de l’examen du Baccalauréat qui approche, or c’est pour se prostituer » nous confie-t-il en plaisantant.

Les formes de prostitution en milieu scolaire, il existe de plusieurs manières et généralement les jeunes filles prennent pour cause la prise en charge des études, c’est le cas de M. K, pour qui les parents sont décédés dans un accident de circulation alors qu’elle était en classe de 1ére, voulant à tout prix continuer les cours, elle décide d’offrir son corps dans l’espoir de payer sa scolarité qui s’élève, selon elle à 150000F.

Quant à O. ANNICK, c’est avec cette pratique qu’elle arrive à nourrir sa famille, car le père est au chômage et la mère ne vit plus.

De l’avis de certaines internautes comme Dago Liliane, l’envie de s’habiller comme ses camarades et fréquenter les lieux chiques l’amène à se tourner vers la recherche du gain facile en livrant son corps au premier intéressé. 


Il arrive des fois où elle part rencontrer ses clients dans d’autres communes. N. Aurélie abonde dans le même sens que sa collègue : « Aujourd’hui, sans l’argent tu n’es rien, tu n’es pas considéré par ta famille, ni par tes camarades, pour ne pas se fait humilier, on est obligé de vendre notre précieux corps à n’importe qui, c’est triste, mais c’est ça la vie».

Le métier, auquel se livrent ces jeunes filles, court beaucoup de risque. Du point de vue de la santé, elles font face aux risques des Infections Sexuellement Transmissibles, la stérilité…D’autres parmi elles n’auront plus une bonne image dans la société.

Dago Liliane, elle, raconte qu’elle a été une fois victime d’une agression. Non seulement son client (un internaute avec qui elle a communiquer à travers Internet) à satisfaire sa libido, en plus, avec un couteau, il lui a dépouillé de son portable sa chaîne en or et son argent de poche.

Aujourd’hui, la prostitution prend des allures inquiétantes et les jeunes filles n’hésitent plus à s’offrir à visage découvert sans aucune pudeur.
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Kamagaté Issouf


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