mardi 24 décembre 2013

Centrafrique – RD Congo : Comme un air de déjà vu… au Kivu

Mardi 24 décembre 2013

La République Démocratique du Congo sort péniblement d’un cycle « apocalyptique » déclenché par la guerre du Rwanda, à l’Est, et doit faire face au chaos qui dévaste un autre voisin, la République centrafricaine, au Nord-ouest. 


Il y a encore quelques semaines, personne n’aurait imaginé qu’un pays aussi mal en point puisse être mis en contribution pour voler au secours d’un autre pays. 

Sa situation paraissait pire que tout ce qu’on trouvait ailleurs, conséquence d’une interminable guerre de massacres, de pillages et de viols de grande ampleur. Et pourtant...



La dégradation de la situation en Centrafrique est en train d’obliger les Congolais à « s’acquitter » d’un sacrifice dont ils auraient imaginé ne jamais devoir s’acquitter, persuadé qu’il ne pouvait pas y avoir pire que chez eux.

Quand on pense que ça ne peut pas être pire…

Selon le gouvernement congolais, 50 mille Centrafricains ont trouvé refuge de l’autre côté du fleuve Oubangui en République Démocratique du Congo. Et l’afflux continue, tellement la situation se dégrade à Bangui, la capitale centrafricaine.

Se pose, naturellement, la question des conditions de vie dans lesquelles ces populations vont se retrouver. La Province congolaise de l’Équateur où ces réfugiés s’installent est exsangue. Selon la Banque Mondiale, la pauvreté y atteint des proportions effarantes.


 Ici, 93% de la population vit en-dessous du seuil de pauvreté. Comment ces autochtones, même de bonne foi, vont-ils s’y prendre pour supporter le poids des nouveaux arrivants ?

Seulement voilà ! Il n’y a rien d’autre à faire. Les Centrafricains fuient les massacres en cours dans leur pays et les conséquences d’un Etat qui s’est complètement effondré. Les Congolais doivent les accueillir puisqu’ils n’ont nulle part d’autre où aller.

A Kinshasa, même sentiment de fait accompli. Le gouvernement congolais, qui peine à rétablir la sécurité sur son vaste territoire national, où fourmillent des miliciens de tous poils, découvre qu’il y a pire, juste de l’autre côté de la frontière. Il ne peut pas rester les bras croisés.

Le porte-parole du gouvernement annonce l’envoi de 850 soldats de Kinshasa à Bangui, pour participer à la Mission internationale de soutien à la Centrafrique (Misca), et ce, malgré les critiques. 


Les Congolais sont évidemment dans un tel besoin de leurs soldats que, même appuyées par les 20 mille casques bleus de la Monusco, les autorités de Kinshasa peinent toujours à venir à bout des milices qui terrorisent la population. 

Mais rester les bras croisés signifie prendre le risque que la crise en Centrafrique affecte l’autre rive du fleuve et plonge le Congo dans un nouveau cycle de violence.

Pourtant, les Congolais ont une histoire angoissante avec l’hospitalité et la générosité avec des populations en détresse.

Donner un poisson, recevoir un serpent ?

En effet, il y a 19 ans, les Congolais s’étaient retrouvés face à une situation comparable. Une guerre atroce ravageait le Rwanda. Les Rwandais s’entretuaient comme les Centrafricains aujourd’hui. Mobutu et la France essayèrent de faire quelque chose mais c’était trop tard. De milliers de désespérés franchirent la frontière.

Les Congolais (Zaïrois à l’époque) avaient leurs problèmes. Ils essayaient de sortir de 32 ans du règne de Mobutu qui avait mis le pays sur la paille. La situation du Zaïre était catastrophique, mais, comme avec la Centrafrique, il y avait, étonnamment, pire dans la région : le génocide au Rwanda.

Les familles zaïroises accueillirent les premiers arrivants : les Tutsis qui fuyaient les massacres. Quelques mois plus tard, elles accueillirent une deuxième vague : les Hutus qui fuyaient le régime tutsi qui avait pris le pouvoir à Kigali. La suite, on la connait.

Les Congolais payeront leur générosité par 17 ans de guerre, plus de six millions de morts et une menace, toujours en cours, de démantèlement de leur pays.

S’il y a un peuple à qui on ne devrait plus demander le sacrifice de la générosité et de l’hospitalité, c’est sûrement celui-là. Mais comment fermer la porte aux Centrafricains ?

On ne sait pas qui a pris le risque d’allumer la mèche en Centrafrique, ni pourquoi la communauté internationale a laissé la situation se dégrader à ce point. 


On sait, en revanche, que le risque de contagion est bien réel, et que la RD Congo est encore trop fragile pour faire face au péril de l’effet domino.
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Boniface MUSAVULI

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