vendredi 27 décembre 2013

Guerre et crise au Congo


 

Si à Kin, l’opposition réclame le dialogue, elle entend une CNS-bis qui dépouillerait le Président de la République à l’instar de Mobutu de tout pouvoir. 

Elle embouche le discours de la rébellion du M23 qu’officiellement, elle dit ne pas reconnaître, sur le thème de l’illégitimité des Institutions issues des élections du 28 novembre 2011, dont elle fait partie. 

Un discours de l’illégitimité qui est du point de vue du M23 une demande de reconnaissance ou de légitimation par le cercle kinois politisé. Au fond, hormis une procédure balayée en Cour Suprême de Justice, l’opposition n’avait jamais contesté les scrutins du 28 novembre 2011.
Une dépêche de l’Afp atteste. «Le calme règne après la réélection de Joseph Kabila» (17 décembre 2011).


Le pays ne vit aucun rassemblement de protestation hormis des propos dans une presse de connivence. Généralement prudente, la France a «pris note» de la victoire du président élu Joseph Kabila Kabange (48,95% des suffrages) devant dix autres candidats, dont l’opposant de 78 ans Etienne Tshisekedi arrivé deuxième (32,33%). 


Trois jours plus tard, le 20 décembre, jour de l’investiture du président de la République, la Belgique s’exprime. En exclusivité, l’ambassadeur Dominique Struye de Swielande, le déclare au Soft International: «La Belgique reconnaît les élections, reconnaît les résultats des élections malgré les déficiences constatées et la Belgique souhaite poursuivre sa collaboration avec le Gouvernement congolais» (n°1144, 21 décembre 2011).

Vinrent les félicitations du Premier ministre Elio Di Rupo au président Joseph Kabila.
Deux mois plus tard, le 16 février 2012, les Etats-Unis rejoignaient Paris et Bruxelles. 


«La position des Etats-Unis est claire: nous reconnaissons Joseph Kabila comme président de la République démocratique du Congo pour les cinq années à venir», déclarait l’ambassadeur James Entwistle lors d’une conférence de presse à Kinshasa. 

Le retard mis dans cette reconnaissance américaine s’explique par des déclarations musclées - prématurées - de la secrétaire d’Etat Hillary Clinton (on le verra plus loin) qui n’excluait nullement l’hypothèse de la victoire de Joseph Kabila. 

«Il n’est toujours pas clair si les irrégularités ont été suffisantes pour changer le résultat de l’élection», avait-elle tenu très clairement à dire, atténuant ses critiques. 

Ceci posé, si, face aux agressions répétées auxquelles le pays fait face depuis le régime Mobutu, le Congo doit aller à des concertations pour un dialogue en vue d’une plus grande cohésion nationale - cette rencontre est un lieu de démocratie (dialogue et démocratie vont de pair et renforcent la cohésion) -, que reste-il du discours de l’«illégitimité» des Institutions exprimé par un M23 aux abois, repris imprudemment mais stratégiquement par l’opposition kinoise, qui justifierait à ses yeux ces Assises?

Si on tentait une typologie des guerres, sans doute aurions-nous une meilleure intelligence des phénomènes. A partir des guerres en cours, nous pourrions dire qu’il existe deux types de guerre. Celle avec crise politique interne exacerbée ou non. 


Le cas de la guerre de Syrie où une opposition politique politico-militaire reconnue et soutenue par la communauté internationale fait face au pouvoir établi et à ses armées et brandit des revendications politiques cohérentes. 

Ensuite celle sans crise politique interne larvée ou non. Le cas de la guerre du Mali qui s’apprête à prendre fin avec une élection présidentielle dont il faudra suivre le déroulement et les suites.

Une guerre venue d’ailleurs, imposée au pays, met le pays en consensus contre elle et est, par dessus le marché, unanimement condamnée par la Communauté internationale ayant mobilisé ses forces.


A quel type de guerre appartiennent les guerres du Congo, plus exactement celle du M23? Pour comprendre la situation ubuesque que connaît notre pays, qui va de surenchère en surenchère, retour aux fondamentaux.

Pour commencer, posons les prémisses et faisons place aux paradigmes consacrés de l’après guerre froide avec la fin de la bipolarité Est-Ouest, la chute du mur de Berlin en 1989 et l’implosion du géant soviétique en 1991.


S’agissant de notre sous-région, voici ce qu’en disent deux auteurs Daniel Bach et Luc Sindjoun: «La bipolarité du monde fut une ressource importante pour Jonas Savimbi, le leader de l’UNITA dans le cadre du conflit angolais; la restructuration du monde a constitué pour lui une mauvaise affaire et une bonne affaire pour Laurent Désiré Kabila dans l’ex-Zaïre, dès lors que le soutien des Etats-Unis au régime de Mobutu n’avait plus de légitimité stratégique (...). 


Néanmoins, il convient de relativiser le propos. Les dynamiques de l’interdépendance, entre Etats africains, mais aussi entre Etats africains et acteurs étatiques ou transnationaux du système international, sont à l’œuvre dans la plupart des conflits: les soldats ougandais, tanzaniens et rwandais impliqués dans le conflit de l’ex-Zaïre, les soldats angolais envoyés au Congo Brazzaville pour combattre aux côtés de Sassou Nguesso, les mercenaires serbes et ukrainiens présents dans l’ex-Zaïre et au Congo, etc., constituent autant d’illustrations de relativité de l’autonomie des conflits en Afrique» (Ordre et désordre en Afrique).

Des mêmes auteurs, on remarque: «Il faut éviter en parlant d’autonomisation de faire le lit du discours de la marginalisation de l’Afrique. L’Afrique n’est pas laissée à elle-même; loin d’être «hors jeu», elle demeure un champ de confrontation entre les puissances occidentales, notamment la France et les Etats-Unis, mais aussi entre puissances occidentales et la puissance à vocation continentale que constitue désormais l’Afrique du Sud. 


De fait, les conflits récents dans la région des grands lacs ont engendré une redéfinition des politiques africaines de la France et des Etats-Unis, ainsi qu’une série de réflexions nouvelles sur le maintien de la paix, dans les capitales occidentales».

Toujours de Daniel Bach et Luc Sindjoun et du même essai (Ordre et désordre en Afrique), on lit: «Les conflits de l’ex-Zaïre oriental, du Congo ou du Libéria et autres résultent dans une large mesure de «bricolages tactiques» des acteurs; ils se situent au carrefour de diverses rationalités et projets qui relativisent leur cohérence. 


Si l’on fait appel aux grilles d’analyses de la théorie réaliste des relations internationales, on constate des situations de définition extensive de l’intérêt national par le biais de l’intervention. 

Si l’Angola intervient au Congo pour soutenir Sassou Nguesso contre le président Lissouba, c’est en partie parce que ce dernier soutenait des mouvements angolais rebelles tels que l’UNITA et le FLEC (Front de Libération de l’Enclave de Cabinda). 

En intervenant, il s’agit, certes, de soutenir un allié congolais mais aussi de résoudre un problème interne à l’Angola; celui du contrôle du territoire par le pouvoir central. 

De même, Sassou Nguesso, en bénéficiant du soutien de l’Angola pour renverser le régime de Lissouba se trouve-t-il impliqué dans le conflit angolais dont certains protagonistes étaient proches du président Lissouba et pouvaient utiliser le territoire congolais comme base de repli ou d’attaque. 

Dans le cas de l’ex-Zaïre, le soutien apporté par l’Ouganda, le Rwanda, le Burundi et l’Angola à l’AFDL de Laurent Désiré Kabila était également façonné par des rationalités multiples. 

La victoire de la rébellion assumée par Kabila a permis au Rwanda et au Burundi de stabiliser l’Est du Zaïre qui était le principal pôle de concentration de leurs adversaires politico-militaires Hutu; il en a été de même pour l’Ouganda, en quête de «pacification» des maquis du Nord-Ouest dont les acteurs bénéficiaient d’un accès au Zaïre. 

Quant à l’Angola, le soutien à Kabila a privé son adversaire, l’UNITA d’un allié important qui lui permettait en partie de survivre à l’épuisement de la rente de la bipolarité Est-Ouest et à son lâchage par les Etats-Unis. 

Laurent Désiré Kabila, dont la création du mouvement rebelle AFDL était liée à l’insurrection des Banyamulengé soutenus par le régime rwandais, avait aussi des intérêts qui lui étaient propres à défendre. 

Opposant de longue date au régime de Mobutu, il a su conférer une dimension interne au conflit de l’ex-Zaïre; et conquérir le pouvoir grâce à ses alliés régionaux. 

Les exemples congolais et zaïrois illustrent bien un enchevêtrement d’intérêts qui permet à chaque partie de trouver son compte tout en servant les intérêts de l’autre. 

C’est cette interaction d’intérêts égoïstes ou cette politique du donnant-donnant qui est dissimulée lorsqu’on recourt à la charge symbolique du panafricanisme pour qualifier la coalition anti-Mobutu».

De ces mêmes auteurs: «Les conflits se déclinent également sur divers registres: ethno-culturels (le problème de l’identité des sudistes au Soudan, des Tutsi au Rwanda, etc.), politiques (la remise en cause de la légitimité du régime notamment au Soudan, au Rwanda, au Libéria, etc.), militaires (rapports entre violence publique et violence privée), ou encore économiques (contrôle de la rente pétrolière au Congo). 


De ce fait, les conflits africains peuvent exprimer dans une certaine mesure le succès de la diffusion de cultures de la criminalisation du politique. 

D’un contexte marqué par une pénétration criminelle ou mafieuse de l’Etat, l’affirmation relative des dimensions d’«Etat Kleptocrate» ou d’«Etat malfaiteur», découle un brouillage des normes particulièrement fort quand le conflit confère une légitimité charismatique aux vainqueurs (cfr. Kagame au Rwanda, Museveni en Ouganda, etc.) et permet à ses acteurs de contrôler diverses rentes dans les localités dominées (cfr. Savimbi et les mines de diamant en Angola, les seigneurs de guerre somalien et le trafic de la drogue, etc.)».

LE M23: LA GUERRE DE TROP


Venons-en à la guerre du M23 qualifiée dans ces mêmes colonnes depuis son surgissement de manière pertinente non d’une guerre de trop... mais de «la guerre de trop».


Après avoir longtemps imposé sa marque sinon sur le Continent, présenté comme l’élément de stabilisation face à l’avancée du communisme, du moins sur la région, le régime Mobutu a atteint son apogée. 


Ce facteur ajouté à la fin de la bipolarité Est-Ouest et du changement des acteurs étatiques (la Tanzanie qui avait à l’interne réussi le test démocratique, a imposé son leadership en Afrique Orientale, en Ouganda et au Rwanda) accélérait l’écroulement du régime zaïrois. De là, l’accueil que la Capitale réserva à la rébellion de l’AFDL.

La rébellion du RCD qui suit l’AFDL fait face au rejet, tout comme ses tentacules KML-Mbusa-Wamba dia Wamba, National-Lumbala, etc.). Avec en première ligne des troupes rwandaises, sa tentative de s’emparer à la Tsahal (Tsva Hagana LeIsrael, l’Armée de défense d’Israël ) de la Capitale Kinshasa se heurte à une opposition populaire mobilisée et décidée.


Face à la terreur, c’est au peuple de Kinshasa de s’assumer avec héroïsme faisant battre en retraite l’envahisseur. S’en suivirent des palabres, l’assassinat du Chef de l’Etat le 16 janvier 2001 dans son bureau de travail, l’épilogue sud-africain du dialogue de Sun City en 2002, le partage du pouvoir (le fameux 1+4), l’intégration des armées, le défi électoral, etc.


Le Congo s’espère sorti de son trou. C’est sans compter avec le même Rwanda. Aux RCD (Goma, Mbusa, Lumbala, etc.) vont succéder des Jules Mutebutsi, des Laurent Nkunda, des Thomas Lubanga Dyilo, des CNDP, des UPC, des Maï-Maï, etc. Il y eut Goma et sa conférence sur la paix et la sécurité dans les Kivu. Vint le M23!


Face au besoin sécuritaire légitime du régime de Kigali présenté comme une question vitale, insatisfait ou trahi par d’anciens alliés, Kigali montait une énième rébellion, désignait un faire-valoir congolais.


Toujours le même mode opératoire.


Après Ernest Wamba dia Wamba, Arthur Z’Ahidi Ngoma, Vincent de Paul Lunda Bululu, Emile Ilunga Kalambo, Adolphe Onosumba Yemba, Azarias Ruberwa Manywa, etc., au tour de Mutebutsi, Nkunda(Batware), Bosco Ntaganda, Jean-Marie Runiga, Sultani Makenga, Bertrand Bisimwa. Parmi eux, nombre furent de toutes les rébellions: Nkunda(Batware), Ntaganda, Runiga, Makenga, Bisimwa qui avaient assumé des rôles plus ou moins importants.


Oubliés et abandonnés dans les Kivu quand d’autres se précipitèrent à la mangeoire à Kinshasa, ils attendaient leur tour, convaincus que le jeu était loin d’avoir pris fin. Comme leurs devanciers, ils recevront armes, bagages, soldats, instructeurs. Oubliant qu’il y a un temps pour tout, que le monde évolue, que les acteurs étatiques changent.


A Londres, Tony Blair a fait place à David William Donald Cameron; à Washington, William Jefferson Clinton a pris congé des affaires. Au tour de Barack Obama, fils d’étudiant kenyan, qui parle le Swahili tanzanien. Signe de sa parfaite connaissance sociologique des enjeux africains. Qui plus, accomplit son deuxième et dernier mandat...


Or, cela est connu de tous les spécialistes des Relations internationales. C’est lors de leur second mandat que les présidents américains font le plus souvent preuve d’audace et d’autorité dans leur politique étrangère et s’emploient à marquer leur passage à la Maison Blanche. Guère soucieux de réélection, ils sont poussés par la seule volonté de marquer l’Histoire, en laissant une trace indélébile.

DEMANDES DE
LEGITIMATION


Les Rwandais n’auraient pas intégré cette donne. Aveuglés par l’abominable génocide présenté comme un fonds de commerce, ils se croyaient exonérés. Maîtres dans l’art de l’esquive, ils mettaient en avant une efficacité économique factice sans volume.


Au plus fort de la confrontation armée avec le RCD et ses alliés rwandais et ougandais, Laurent-Désiré Kabila avait prophétiquement prédit une guerre du Congo longue. Sans douter du camp d’où viendrait la victoire.


Comme le RCD, comme l’UPC, comme le CNDP, comme d’autres innombrables groupes armés, le M23 ne pouvait avoir la chance de l’emporter face à la détermination du Congo de s’assumer en refusant d’accepter de se laisser tailler des croupières.


Ce pays est comme un ballon qui s’ouvre, vous enferme et vous brise.


La rébellion de trop a été vaincue, plombée par une impopularité et une illégitimité d’ADN. S’il tente maladroitement de récupérer le discours kinois de connivence (Tshisekedi, mal gouvernance, élections truquées, Lumbala du même RCD, etc.), il cherche à ne pas périr trop tôt mais cela ne lui fait pas gagner un millimètre de popularité. 


Les accusations qui pleuvent sur les atrocités qui se commettent dans son morceau de territoire réduit désormais dramatiquement à une portion congrue avec la montée en puissance de l’armée nationale (Le Soft International, n°1236, éd. vendredi 19 juillet 2013) et la concentration dans la région des forces internationales, des meurtres, des exécutions extra-judiciaires massives,des recrutements forcés et des détentions illégales de civils, y compris des enfants, ne sauraient être pour consolider sa position de négociation.

Déjà, la rébellion paraît avoir disparu des écrans de télévision et des ondes de radio périphériques.


Lors des années RCD, alors que le mouvement rebelle régnait en maître absolu à Goma, tout analyste savait que le RCD avait beau être expurgé de tous ceux d’ailleurs, cela n’aurait pas fait gagner un centimètre de popularité au mouvement rebelle. Transformée en parti politique, l’ex-rébellion ne dispose d’aucun élu démocratique et vit son déclin. Broyée, elle ne remue plus...


A Kinshasa, l’opposition réclame le dialogue, en réalité, elle réclame une CNS-bis qui dépouillerait le Président de la République de tout pouvoir.


Elle mise sur l’«illégitimité du régime issu des élections du 28 novembre 2011». Un discours repris du mouvement rebelle 23. Qui fut une demande de reconnaissance-légitimation. Le M23 dont on voit l’essence et le type...


Hormis une procédure vite vidée en Cour Suprême de Justice, l’opposition n’avait jamais contesté les scrutins du pasteur Daniel Ngoy Mulunda.


Une dépêche de l’Afp datée du 17 décembre 2011 à 14h53’ atteste: «Le calme règne après la réélection de Joseph Kabila».


Après l’annonce de la Cour suprême, la France a «pris note» de la victoire du président Kabila (48,95% des suffrages) devant dix autres candidats, dont l’opposant de 78 ans Etienne Tshisekedi (32,33%) arrivé deuxième. Elle appelait «au calme et au dialogue»


Trois jours plus tard, le 20 décembre, jour de l’investiture du président élu, au tour de la Belgique de s’exprimer. L’ambassadeur Dominique Struye de Swielande, le dit au Soft International.


«La Belgique reconnaît les élections, reconnaît les résultats des élections malgré les déficiences constatées et la Belgique souhaite poursuivre sa collaboration avec le Gouvernement congolais».


Sur Tshisekedi, le diplomate était, le moins que l’on puisse dire, limpide.


«Je lui dis de devenir membre d’une opposition constructive pour le bien-être du Congo. Dans toute démocratie, l’opposition a un rôle à jouer et il est à souhaiter qu’elle soit une opposition critique veillant au bien-être de tous les Congolais» (n°1144 daté 21 décembre 2011). Vinrent les félicitations du Premier ministre Elio Di Rupo au président Kabila.


Deux mois plus tard, le 16 février 2012, les Etats-Unis rejoignaient Paris et Bruxelles.


«La position des Etats-Unis est claire: nous reconnaissons Joseph Kabila comme président de la République démocratique du Congo pour les cinq années à venir», déclarait l’ambassadeur James Entwistle.


Ajoutant: «Nous espérons que les irrégularités constatées le 28 novembre 2011 seront évitées aux prochaines élections provinciales, locales et autres».


Si la secrétaire d’Etat Hillary Clinton a regretté que la Cour Suprême de Justice n’ait pas évalué «pleinement les nombreux rapports faisant état d’irrégularités», elle n’avait nullement douté de la victoire de Joseph Kabila. «Il n’est toujours pas clair si les irrégularités ont été suffisantes pour changer le résultat de l’élection», avait-elle très clairement déclaré.


Entre-temps, Tshisekedi s’est autoproclamé «président élu» - rien de bien nouveau! - disant avoir cessé d’être opposant.


Au tout début de cette guerre, le Chef de l’Etat a offert trois voies de sortie de crise: diplomatique, militaire, politique. Les deux premières paraissent désormais lui sourire pleinement.


Les États-Unis ont rallié la position tanzanienne qui consiste à appeler au déploiement d’une stratégie globale de règlement de la crise des grands lacs.


Si Kinshasa doit dialoguer avec son opposition armée, l’Ouganda doit faire de même avec la sienne - les ADF (Allied Democratic Forces)-NALU - tout comme le Rwanda devrait être encouragé à parler avec ses FDLR. 


Quand la crise affecte toute la sous-région, quel sens aura un règlement politique limité au seul Congo? A l’heure de l’évaluation de l’accord-cadre d’Addis-Abeba, l’équation doit être posée clairement.

Reste ce dialogue congolo-congolais que le Chef de l’Etat a annoncé à ses compatriotes et qui pourrait être un gros malentendu.


Dès le jour de son investiture, Kabila a affirmé qu’il acceptait de travailler avec tous ses compatriotes qui avaient «la passion du Congo». Depuis, il n’a fait que confirmer cette ligne. 


Au Gouvernement siègent des ethnies et des communautés qui restent de réelles forces dans le pays, dont celles qui s’entre-déchirent au Kivu, mais aussi des membres des partis d’opposition.

Cela donne une plus large assise à l’Exécutif. Faut-il faire plus? Kabila ne paraissait pas y voir un inconvénient si cela permet une plus grande cohésion nationale recherchée.


A demi-mots, le ministres des Affaires étrangères Raymond Tshibanda l’a déclaré à une réunion de haut niveau à New York face au secrétaire d’Etat américain John Kerry. Mais si dialogue va de pair avec démocratie et vice-versa, il faut savoir jusqu’où il faut aller plus loin sans parjure...

BONGO PREFERE A LAURENT KABILA


Tel le débat sur la médiation (ou la facilitation) internationale.


Sous Mobutu, un certain Abdoulaye Wade médiateur, avait été éconduit par Tshisekedi avant que celui qui devint plus tard président du Sénégal ne déclare qu’il avait trouvé au Zaïre «l’opposition la plus bête au monde».


L’opposition réclame désormais le président Denis Sassou Nguesso.
Kabila n’y verrait aucun mal.


Il a fait des déplacements à Brazzaville et montré ses meilleures dispositions.
Lors de la crise de Brazzaville, quand des bombes brazzavilloises sont lâchées sur Kinshasa pour l’inviter à entrer en guerre, Laurent-Désiré Kabila offre sa médiation dans une crise brazza-brazzavilloise.


Ce fut El Hadj Omar Bongo Ondimba du Gabon qui lui fut préféré...


Ce conflit «a suscité deux offres de médiation concurrentes: l’une plus ancienne et devenue réalité, celle du président gabonais Omar Bongo; l’autre tardive et restée au stade de l’énonciation, proposée par le président Kabila de la RDC» (Ordre et désordre en Afrique).
 

Réciprocité, respect, dignité sont sacro-saints en diplomatie...
Sur la médiation, il n’est pas sans intérêt de faire part de sa théorie et des risques que l’opération comporte.


«Les relations de concurrence s’avèrent d’autant plus intenses que la résolution des conflits est porteuse d’enjeux de domination. La résolution des conflits marque, d’une certaine façon, le leadership des acteurs de l’ordre sur les belligérants. 


Dans un contexte social international structuré par la paix comme modèle de conduite collective, l’implication d’un acteur dans la résolution des conflits lui confère un avantage symbolique ou un bénéfice de «gardien des normes» de l’éthique des relations internationales. 

Face aux parties belligérantes, le médiateur se trouve ainsi placé dans une posture qui les transcende (cfr. les exemples de Bongo vis-à-vis de Lissouba et de Sassou Nguesso, de Mandela vis-à-vis de Mobutu et de Kabila lors de la crise zaïroise, de Toumani Touré en Centrafrique). 

C’est là une conséquence, mais aussi peut-être une source de la médiation (...). La résolution des conflits devient ainsi révélatrice des positions de force dans des situations concrètes. 

La crise zaïroise, au moment des négociations entre les parties au conflit, a eu pour effet d’afficher la montée en puissance de l’Afrique du Sud et des Etats-Unis, dans un contexte de redéfinition de l’influence de la France. 

La régulation des conflits apparaît donc comme relevant d’un champ complexe déterminé par les politiques de puissance dans une certaine mesure» (des mêmes auteurs).
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Prof. Tryphon Kin-kiey Mulumba
Dr. en Science Politique, Spécialiste en Communication politique, Université de Paris-Sorbonne.

Le Soft International

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