lundi 19 mai 2014

La bière à la narine

19/05/2014

 
L'oeil de Glez. © Glez

Les buveurs africains consomment relativement peu d’alcool. Mais certaines boissons qu’on trouve sur le continent sont particulièrement toxiques. Et l’évolution des modes de consommation n’inspire pas l’optimisme.

Souvent rébarbatives, les statistiques ont tout de même l’avantage de démentir des clichés qui ont la vie dure. 

Les Africains n’ont-ils pas la réputation d’être parmi les plus grands consommateurs d’alcool, oppressés qu’ils seraient par un contexte socio-économique ingrat, abreuvés par des boissons aux prix modérément taxés et déshydratés par un climat caniculaire ? 

Si les "maquis" ne semblent jamais désemplir, c’est peut-être parce que les Africains ont davantage l’alcool social que l’alcoolisme honteux.

>> Lire aussi : Koutoukou, Lotoko, Chang'aa... ces alcools africains qui font des ravages

Dans les faits, si les boissons alcoolisées tuent une personne toutes les 10 secondes dans le monde, les ressortissants du continent noir n’en sont pas les plus grands consommateurs. 

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) vient de publier un classement mondial des plus gros buveurs. Les dix premiers du classement sont tous européens. 

Sur le podium : la Biélorussie, la Moldavie et la Lituanie. Pour les brasseries, le froid serait donc un bien meilleur allié que la chaleur…

Si, au niveau mondial, la consommation moyenne annuelle d’alcool est de 6,2 litres par habitant de plus de 15 ans, elle est, en Afrique, inférieure à 2,5 litres par an. Et stable. Il faut dire que certains pays ont toujours des velléités de prohibition. 

Les gosiers des Algériens ont en mémoire le débat qui agita leur pays en novembre 2003. Le parlement algérien venait de voter une loi interdisant l’importation de boissons alcoolisées, au grand dam d’associations étrangères comme le Deutsch-Algerische Business Services (Dabs), la structure chargée de promouvoir les échanges économiques entre l’Allemagne et l’Algérie.

Quand les boissons tuent à petit feu certains Européens, elles foudroient littéralement les ressortissants du Sud de la planète.

L’alcool cultive peut-être davantage les cirrhoses occidentales qu’africaines. Mais quand les boissons tuent à petit feu certains Européens, elles foudroient littéralement les ressortissants du Sud de la planète. Car il y a le "bon" alcool et la contrefaçon. 

La prohibition, d’ailleurs, promeut bien souvent les gnôles frelatées. En mars 2013, dans une Libye où la vente et la consommation de boissons alcoolisées étaient interdites, le ministère de la Santé déplora la mort de 51 personnes empoisonnées par de l’alcool de contrebande.


Attention, "ne pas sniffer"

En mai dernier, c’est au Kenya que plus de 80 personnes décédaient d'un empoisonnement comparable. Comme en Libye, et comme en Ouganda avec son "waragi" au goût de banane, la boisson incriminée avait été coupée avec du méthanol, produit toxique utilisé comme solvant dans les peintures ou vernis. 

C’est le prix bas de l’alcool artisanal qui attire les consommateurs vers ces distillations de maïs fermenté ou de sorgho dont on augmente brutalement le taux d’alcool. Quand le méthanol –qui constitue parfois plus de 95% de la boisson– ne tue pas, il entraîne la cécité ou le coma.

Les chantres d’un commerce germano-africain débridé ne devraient pas s’inquiéter seulement de l’alcool que l’Allemagne n’exporte pas. Ils devraient s'alarmer de celui que l’Allemagne pourrait importer. 

En avril dernier, un chargement de "vin de Porto" de contrefaçon était intercepté aux portes de l’Europe et détruit. Originaires d'Afrique du Sud, les bouteilles étaient destinées au marché… germanique.

C’est ainsi : le Nord et le Sud n’échangent pas toujours ce qu’ils ont de meilleur. 

Quels effets pourrait avoir, en Afrique, l’alcool en poudre qui est sur le point de faire son entrée dans les commerces américains, ce "Palcohol" déjà vendu au Japon et dans certains pays européens ?

La dilution spontanée de cocktails par un consommateur de plus en plus saoul est une bombe à retardement. Tout comme d’inédites méthodes d’ingurgitation. "Ne pas sniffer", prévient naïvement la société Lipsmark…
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Damien Glez
Jeune Afrique

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