mardi 20 janvier 2015

Congo: Tshisekedi appelle à la mobilisation contre le "régime finissant"

le mardi 20 janvier 2015

De quatre à quatorze personnes ont perdu la vie lundi dans des affrontements à Kinshasa entre forces de l'ordre et jeunes manifestants anti-Kabila, d'après radio Okapi. Internet et les réseaux mobiles ont été coupés par les autorités de la République Démocratique du Congo (RDC). 

Une "chasse à l'homme" à la recherche des opposants serait en cours. Certaines sources non confirmées parlent de 20 morts en deux jours. Plusieurs opposants ont été arrêtés. 

La Belgique exprime sa préoccupation et appelle au respect d'un calendrier électoral. Etienne Tshisekedi, l'opposant historique, appelle à la mobilisation contre le "régime finissant" de M. Kabila


Une rue de Kinshasa, lundi 19 janvier - PAPY MULONGO - BELGAIMAGE

Les manifestations de lundi contre la nouvelle loi électorale ont fait au moins quatre morts, selon un bilan livré à la Radio-Télévision nationale congolaise (RTNC) par le porte-parole du gouvernement, Lambert Mende Omalanga.

Un policier et trois manifestants font partie des victimes, a précisé Lambert Mende, démentant les allégations d'usage des balles réelles imputées aux forces de l'ordre.

Du côté de l'opposition, on avance un bilan plus lourd. Le député national Albert Fabrice Puela, président du Parti pour la Renaissance du Congo (Reco), affirme avoir dénombré au moins quatorze morts.

"Nous-mêmes, nous étions témoins lorsque le jeune Denis Makengo a reçu une balle qui lui a traversé la poitrine. Nous l'avons emmené à (l'hôpital général de référence de Kinshasa) Mama Yemo. C'est là qu'on nous a dit d'aller au niveau de la morgue parce qu'on venait d'y déposer dix corps... et cela hormis le policier qui a été tué, hormis le cas des deux étudiants qui ont été tués au niveau de Righini (un quartier de Kinshasa) et sur le campus (de l'Université de Kinshasa, l'Unikin), et le cas d'un infortuné dont on venait de nous donner l'identité", a-t-il indiqué.

Congo: de quatre à quatorze morts lundi à Kinshasa

Avertissement: ces images peuvent être choquantes.

Les manifestations ont repris mardi à Kinshasa, où des soldats de la garde républicaine (GR) ont tiré en l'air pour disperser un groupe de pilleurs qui s'en prenaient à un magasin tenu par des Chinois, selon un photographe de l'AFP. 

Des journalistes de l'AFP ont aussi vu un mini-bus brûler. A la mi-journée, des milliers de personnes quittaient le centre-ville pour regagner leur quartier, en l'absence de transports en commun.

A Bruxelles, lors d'un sit in devant l'ambassade du Congo, un des manifestants raconte que les parlementaires se sont vus proposer 50 000 dollars pour voter la loi électorale contestée (et 60 000 dollars pour les sénateurs). Face à la RTBF, ce manifestant a appelé un député au Congo qui lui a confirmé que c'est une pratique courante dans le pays.

La situation reste très tendue alors que les forces de l'ordre procédaient à plusieurs arrestations peu avant midi. Dans le "Quartier 1", les policiers ont été visés par des lanceurs de pierre embusqués dont on ne parvenait pas à déterminer le nombre, a indiqué cette journaliste.

Une "chasse à l'homme" est en cours

D’après Paul Nsapu, secrétaire général de la FIDH fédération des droits de l’homme en RDC, les forces de l’ordre opèrent une "chasse à l’homme" à la recherche des opposants qui ont appelé à manifester lundi. La plupart d’entre eux n’ont pas dormi chez eux.

Jean-Claude Muyambo, l’ex-bâtonnier de Lubumbashi a été cueilli à l’aube à son domicile et on est sans nouvelles de lui. Il s'agit d'un proche du gouverneur du Katanga Moise Katumbi, qui s’est envolé il y a 48 heures pour Londres, officiellement pour des raisons médicales. Les autres leaders de l’opposition avaient pris soin de ne pas loger chez eux.

Didier Reynders se montre inquiet

Le ministre des Affaires étrangères s'est montré préoccupé par les événements qui secouent la RDC et désire éviter un glissement du calendrier électoral causé par les manifestations violentes.

Didier Reynders "appelle tous les acteurs au calme et à la retenue". Il rappelle aussi que "le soutien de la Belgique au processus électoral dépend de la fourniture d’un calendrier clair conforme à la constitution, et d’un budget".

L'ONU déplore les pertes humaines

Le chef de la Misison des Nations unies pour la stabilisation de la RDC (Monusco), Martin Kobler, a pour sa part déploré mardi "les morts et les blessés à la suite des incidents qui se sont produits lundi matin à la suite des violentes manifestations, et l'usage de la force létale par les forces de sécurité qui s'en est suivi.

"L'usage de la force par les forces de l'ordre doit toujours être proportionné, imposé par la nécessité, et en dernier recours", a-t-il souligné dans un communiqué.

"Je lance également un appel à l'opposition à manifester pacifiquement. Toute manifestation doit se faire dans le calme et dans les limites autorisées par la loi", a conclu le chef de la Monusco.

SMS et Internet coupés

Suite aux affrontements, les autorités ont ordonné la coupure des services de télécommunications : internet, SMS et la 3G. 

"L'Agence nationale du renseignement (ANR) nous a donné l'ordre de couper internet pour Kinshasa jusqu'à nouvel ordre", a déclaré à l'AFP le responsable d'un opérateur sous le couvert de l'anonymat. "A ma connaissance, cela s'applique à tous les opérateurs", a indiqué un autre.

Air France a annulé son vol pour Kinshasa, et le vol Brussels Airlines fera escale à Luanda comme prévu, la compagnie évaluera ce soir si elle poursuit jusqu'à Kinshasa ou pas.

Une mairie d'un quartier sud de Kinshasa incendiée par des jeunes

Les jeunes émeutiers ont pris d'assaut puis mis le feu à la mairie de la commune de Ngaba, un quartier sud de la capitale, et sont restés plus d'une demi-heure à regarder l'incendie ravager ce bâtiment symbole de l'Etat. Les forces de l'ordre étaient absentes, et les rues alentour désertes.

Plusieurs détenus enfermés dans une annexe du bâtiment se sont échappés et les émeutiers se sont emparés d'armes à feu de la police stockées sur place, selon des témoins.

"Nous sommes fatigués de Kabila. Il faut qu'il parte, nous continuerons à manifester", a déclaré à l'AFP l'un des jeunes, alors que six véhicules garés près du bâtiment, dont deux appartenant aux pompiers, étaient aussi consumés par les flammes.

Etienne Tshisekedi monte au créneau

L'opposant historique congolais Etienne Tshisekedi a appelé mardi à une mobilisation des Congolais pour forcer le "régime finissant" du président Joseph Kabila à quitter le pouvoir, alors que Kinshasa, la capitale de la République démocratique du Congo (RDC), connaissait une seconde journée consécutive de violences contre une nouvelle loi électorale qualifiée de "coup d'Etat constitutionnel" par l'opposition.

"Je lance un appel solennel à notre peuple de demeurer mobilisé, de manière permanente, pour contraindre ce régime finissant à quitter le pouvoir en utilisant tous les moyens que nous confère l'article 64 de la Constitution congolaise", a affirmé M. Tshisekedi, qui préside le principal parti congolais d'opposition, l'Union pour la Démocratie et le Progrès social (UDPS), dans un communiqué adressé à l'agence Belga.

Cet article stipule que "tout Congolais a le devoir de faire échec à tout individu ou groupe d'individus qui prend le pouvoir par la force ou qui l'exerce en violation des dispositions de la présente Constitution" datant de 2006.

"Le régime d'imposture en place à Kinshasa ne cesse de multiplier les actes irresponsables de provocation, plongeant ainsi la nation (congolaise) dans une impasse totale qui risque d'installer un climat de chaos généralisé", a ajouté M. Tshisekedi, 82 ans, qui séjourne en Belgique depuis le mois d'août dernier pour poursuivre sa convalescence.

Etienne Tshisekedi est un vétéran de la politique congolaise - il avait été ministre de la Justice en 1960, peu après l'indépendance de l'ex-Congo belge avant de devenir opposant au maréchal Mobutu Sese Seko puis à Laurent-Désiré Kabila, le père de l'actuel chef de l'Etat. 

Il s'était auto-proclamé vainqueur de l'élection présidentielle de novembre 2011 et ses partisans le qualifient de "président élu" de la République démocratique du Congo (RDC). 

Mais les résultats officiels de ce scrutin controversé et entaché de fraudes avaient donné la victoire au président sortant Joseph Kabila.
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avec agences

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