lundi 19 janvier 2015

Epreuve de force :Ambiance pré-insurrectionnelle à Kinshasa...


Une vue du boulevard du 30 juin, un jour normal.

La ville quadrillée par des policiers et des membres de la garde présidentielle. Magasins fermés. Ecoles fermées. Trois bus de la société "Transcom" incendiés. 

Un policier grièvement blessé. Des magasins appartenant à des chinois pillés. Des bureaux de certains professeurs pillés à l’université de Kinshasa. Bilan : plusieurs blessés. D’aucuns parlent de morts. 

Une information difficile à confirmer. Depuis l’arrivée de "Joseph Kabila" au pouvoir, un certain 26 janvier 2001, c’est la première fois que la ville de Kinshasa est paralysée par une "manifestation citoyenne". 

La population congolaise en générale et kinoise en particulier, exige le retrait, pur et simple, du projet de loi portant modification de la loi électorale, adopté le samedi 17 janvier à l’Assemblée nationale. 

Il y a une sorte de "fatigue". Les gens ne veulent plus de "Joseph Kabila" à la tête du pays. Scène inhabituelle : des policiers qui reculent avant de détaler face à des manifestants qui leur lancent des pierres. La peur a-t-elle changé de camp? 

Il est bien trop tôt pour répondre par l’affirmative. Il reste que la capitale congolaise a vécu une situation inhabituelle ce lundi 19 janvier 2015. 

Arrivé à Kin le même lundi 19 janvier, le chef de l’Etat angolais, José Edouardo dos Santos, a dû prendre un hélicoptère pour rejoindre le Fleuve Congo Hôtel.

Le jeudi 15 janvier, des représentants des forces politiques et sociales opposées tant à la révision constitutionnelle qu’à la modification de la loi électorale avait invité la population kinoise à investir le Palais du peuple, lundi 19 janvier. 

Objectif : empêcher l’adoption du projet de loi portant amendement de ce texte. Un texte qui "décrète" dans une de ses dispositions que le recensement de la population est un "préalable" avant l’organisation des élections. Un cas flagrant de violation de la Constitution dans ses articles 70 et 73.

Prenant de vitesse les opposants, le président de l’Assemblée nationale, le PPRD Aubin Minaku, décide de convoquer la séance plénière un jour férié, en l’occurrence le samedi 17 janvier. Le projet de loi présenté par le ministre de l’Intérieur Evariste Boshab est ainsi adopté vers 23h30. Le texte a été envoyé au Sénat pour une seconde lecture.

Séquestration

La chambre haute du Parlement devait commencer sa "lecture", article par article, ce lundi 19. Selon une source, les sénateurs auraient souhaité que leur séance plénière soit télévisée afin que chaque sénateur assume la responsabilité de ses propos.

Connaissant les méthodes de "Joseph Kabila" et de son appareil répressif, des leaders de certains partis de l’opposition avaient jugé bon de passer la nuit dans les bureaux de leurs formations politiques. 

Des bureaux situés pour la plupart à quelques deux ou trois kilomètres du Parlement. C’est le cas de Vital Kamerhe et de Jean-Claude Muyambo qui ont "emménagé", en compagnie de vingt-quatre "combattants", au siège de l’UNC/Kinshasa. C’est le cas également du lumumbiste Franck Diongo.

Vers 1h00 du matin, des policiers et des membres de la garde présidentielle ont été déployés dans le périmètre autour du Palais du peuple. Ils ont pris soins de "cadenasser" les portails d’entrée des sièges des partis politiques séquestrant du coup les occupants. Près du Palais du peuple, aucun rassemblement n’était autorisé.

Dès les premières heures de la journée, des jeunes kinois ont déferlé dans les rues de plusieurs communes : Kasa Vubu, Kalamu, Masina, Lemba, Mont Ngafula. Des pillages ciblés sont signalés. C’est le cas de magasins tenus par des Chinois notamment à Lemba (Livulu) et ailleurs.

Selon la presse kinoise, plusieurs bureaux de professeurs, étiquetés PPRD, ont été vandalisés par des étudiants à l’université de Kinshasa. Des policiers ont tiré à balle réelle. Bilan : plusieurs étudiants blessés.

Dans certains quartiers de la capitale, les badauds ont assisté à une scène sans précédent depuis l’arrivée de "Joseph Kabila" au pouvoir. 

"Des Kinois ont été ahuris de voir des policiers reculer avant de fuir à toutes jambes face à des manifestants munis uniquement de pierres", raconte un Kinois joint lundi au téléphone.

Ailleurs, des éléments de la garde présidentielle et des policiers ont dispersé le moindre rassemblement à coup de grenades lacrymogènes y compris par des tirs à balle réelle. 

"La ville de Kinshasa a été paralysée aujourd’hui à 80%, commente un cadre d’une entreprise privée. Les écoles et les magasins étaient fermés". 

Et d’ajouter : "Arrivé à Kinshasa ce lundi, José Edouardo dos Santos a dû prendre un hélicoptère de l’aéroport de Ndjili pour rejoindre le Fleuve Congo Hôtel.

Tension au Nord Kivu et au Katanga

Des observateurs conviennent que le climat est tendu aux quatre coins du pays. A Goma, au Nord Kivu, une manifestation contre la modification de la loi électorale a été réprimée lundi. "Les gens en ont marre, commente un protestataire. Ils veulent que Kabila s’en aille".

Au Katanga, des membres de la "jeunesse" du parti Unafec (Union des nationalistes fédéralistes du Congo) de Gabriel Kyungu wa Kumwanza, président de l’Assemblée provinciale du Katanga, ont été arrêtés, dimanche 18 janvier, à Kasumbalesa. 

Ils sont accusés d’appartenir à une "milice". Lors de son monologue devant des notables katangais, "Joseph Kabila" avait invité les "milices " à "s’auto-dissoudre". L’Unafec dénonce, pour sa part, "une arrestation arbitraire" et exige la "libération sans conditions" de ses partisans.

Au moment de boucler ces lignes, on apprenait que Vital Kamerhe et Jean-Claude Muyambo ont été (finalement) "libérés" vers 16h30. 

Joint au téléphone par l’auteur de ces lignes, l’avocat lushois, apparemment revigoré, a eu ces mots : "Joseph Kabila a intérêt à faire retirer purement et simplement le projet de loi adopté par l’Assemblée nationale. Dans le cas contraire, il entendra à nouveau parler des forces politiques de l’opposition... ".

Un confrère kinois d’exulter littéralement : "C’est une ambiance pré-insurrectionnelle sans précédent qui a régné aujourd’hui à Kinshasa. C’est la première fois qu’un mouvement populaire bouscule, au propre comme au figuré, le pouvoir kabiliste. 

J’espère que Kabila et les durs de son régime ont capté le message cinq sur cinq. Lambert Mende qui ironisait le 12 janvier sur une prétendue incapacité de l’opposition à mobiliser devrait à l’avenir nuancer ses propos". 
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Baudouin Amba Wetshi
© Congoindépendant

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