lundi 9 février 2015

Alternance 2016: « La personne de Kabila est devenue le problème »


Jean Omasombo Tshonda

Dans une interview accordée à la journaliste Marie-France Cros (voir La Libre Belgique datée jeudi 05.02.2015), Jean Omasombo Tshonda, 57 ans, professeur à l’Université de Kinshasa et chercheur au Musée royal d’Afrique centrale à Tervuren, en Belgique, analyse l’évolution de la situation politique à la lumière des manifestations des 19, 20 et 21 janvier à Kinshasa. 

«Pour les Congolais, l’essentiel est que Joseph Kabila n’aille pas plus loin que 2016. C’est sa personne qui est devenue le problème».

Plus de deux semaines après la répression sanglante des manifestations des 19, 20 et 21 janvier derniers dans la capitale congolaise, «Joseph Kabila» se mure dans un silence assourdissant. 

Politiquement immature, l’homme paraît incapable de revêtir, dans des moments difficiles, les "habits" de chef de l’Etat - autrement dit, ceux de père de famille - pour exprimer la «compassion nationale» aux citoyens en détresse. 

C’est le cas des parents et proches des victimes des derniers événements. L’usage excessif de la force par des policiers et les éléments de sa garde prétorienne lui est indifférent.

Une détestation sans précédent

Les Congolais ont désagréablement été surpris d’apprendre que le «raïs taiseux» a eu le temps d’aller en Guinée Equatoriale. But avoué : «encourager» les joueurs de l’équipe nationale «Les Léopards». 

Un encouragement interprété par les uns comme la démonstration d’un penchant pour la frivolité. Pour les autres, un acte de «récupération politique» pour rebondir dans l’opinion.

Après la défaite de l’équipe nationale, mercredi 04 février, face aux Eléphants de la Côte d’Ivoire, des voix se sont élevées ici et là accusant «Kabila» de placer son appétit pour le pouvoir au-dessus de l’intérêt national. 

L’analyse des conversations entre Congolais tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays, laisse apparaitre un niveau de détestation sans précédent du successeur de Mzee. 

Il n’est plus rare d’entendre des réflexions du genre : "Il faut le forcer à quitter le pouvoir dès cette année 2015".

Commentant les manifestations qui viennent de secouer la ville de Kinshasa, Jean Omasombo a estimé que celles-ci traduisent non seulement «le rejet du président Kabila par l’opposition mais aussi le délitement de la majorité» au sein de laquelle l’unanimité n’est plus ce qu’elle était.

Pour lui, la stratégie de «Joseph Kabila» consistant à faire arrêter les représentants des forces politiques et sociales pour des «délits» ne paie qu’en partie. Cette stratégie, dit-il, «affaiblit certes l’opposition, mais intimide également la majorité».

Ouvrons la parenthèse. 

Plusieurs personnalités de l’opposition sont depuis plusieurs mois ou semaines embastillés dans la prison centrale de Makala. C’est le cas notamment de : Eugène Diomi Ndongala (Démocratie chrétienne), Jean-Bertrand Ewanga Is’Ewanga Iwoka (UNC), Bruno Kabatshi (UDPS). 

Récemment, Pascaline Kudura a été interpellée durant plus de 24 heures avant d’être relâchée. 

Dans le "système Kabila", il est rarissime qu’on sache les motifs de son arrestation. Encore moins, celle de la remise en liberté. Ancien membre de la fameuse « majorité présidentielle », l’avocat Jean-Claude Muyambo Kyassa se trouve depuis le 20 janvier à Makala. 

Son «dossier judiciaire» ne contiendrait jusqu’ici qu’une seule pièce. A savoir : le mandat d’arrêt provisoire établit par le procureur général de la République Flory Kabange Numbi. 

Et pourtant, cet ancien bâtonnier du barreau de Lubumbashi a été cueilli à son domicile à l’aube par des éléments de la garde prétorienne de «Joseph Kabila». «Interpeller d’abord, trouver l’infraction après», semble être la règle. 

Muyambo a été précédé à Makala par l’ancien député national... PPRD Vano Kiboko. 

Coïncidence ou pas, tous les deux ont eu à affirmer bruyamment leur opposition à toute révision constitutionnelle pour permettre à l’actuel chef de l’Etat de briguer un troisième mandat. 

D’autre part, les activistes des droits humains sont sans nouvelles de leur camarade Christopher Ngoy Mutamba. Celui-ci a été arrêté lors des événements des 19, 20 et 21 janvier. Fermons la parenthèse.

"Le chaos et le pillage"

Pour Omasombo, les récents événements montrent qu’«on entame la fin de Kabila». Selon lui, le «raïs» a échoué dans sa tentative d’«enjamber» la loi électorale. 

Comme pour tempérer cette position, «Jean» reconnait néanmoins que l’homme «n’a sûrement pas dit son dernier mot».

Il note, par ailleurs, que tout en accusant un déficit de «leader naturel», l’opposition, à travers Vital Kamerhe, a marqué des points. 

Et de souligner : « Cela ne veut pas dire que, face à Kabila, c’est le vide : face à lui, il y a la Constitution. Or celle-ci place Kengo dans une bonne position en cas de vacance au sommet de l’Etat (…)». 

Le « Prof » n’exclut pas de voir l’actuel président du Sénat diriger une «transition» et organiser des élections . Un rôle, selon lui, qui aurait dû revenir à Etienne Tshisekedi.

En conclusion, Jean Omasombo Tshondo lance trois hypothèses. 

La première : « Joseph Kabila ne va pas jusqu’à la fin de son mandat ». Pour lui, les Congolais ne demandent pas un départ anticipé du «raïs». Ouvrons la parenthèse. Le professeur Omasombo semble confondre ici l’opinion généralement exprimée par la grande majorité des Congolais - il est vrai, de manière informelle - à celle de la très nébuleuse «communauté internationale». «Joseph Kabila doit quitter le pouvoir avant 2016 », entend-on dire dans les milieux congolais tant à l’étranger qu’à l’intérieur. «Joseph Kabila doit terminer son mandat pour permettre une passation de pouvoir dans le respect de la Constitution», répète-t-on dans les milieux diplomatiques. Ceux-ci d’ajouter : « Les Congolais ne doivent pas compter sur l’Occident pour chasser Kabila du pouvoir avant les échéances constitutionnelles. Toutefois, si l’actuel président était évincé du pouvoir suite à une révolution, nous prendrons acte... ». Fermons la parenthèse. 

La deuxième : "il respecte la Constitution et se prépare à partir en 2016 - mais pourra-t-il organiser les élections? (...)". 

La troisième et dernière hypothèse : «Kabila s’impose après 2016, il n’y a pas d’élections». 

Dans ce cas, conclut Omasombo, «je m’attends au chaos et au pillage ». 
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B.A.W
© Congoindépendant

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