mercredi 25 février 2015

Kubla ne serait qu'un "petit poisson"

le mercredi 25 février 2015
 
 
Belgique

Coup de tonnerre, mardi, dans le ciel politique belge. Serge Kubla, qui fut député fédéral et wallon mais aussi vice-ministre-Président du gouvernement wallon avant, en 2014, de se consacrer exclusivement au maïorat de Waterloo, a été inculpé et placé sous mandat d’arrêt pour des faits présumés de corruption au Congo.

A 67 ans, cet amateur de golf semblait promis à une existence beaucoup plus tranquille que celle qu’il avait menée plusieurs décennies durant. La justice en a décidé autrement.

Que reproche-t-on à ce libéral bon teint ? De s’être livré à des faits de corruption "sur une personne exerçant une fonction publique dans un Etat étranger". Et cela comme auteur ou coauteur. C’est le juge d’instruction de Bruxelles Michel Claise qui est en charge du dossier, a indiqué le parquet fédéral dans un communiqué.

La disparition d’un comptable

Tout commence avec la disparition mystérieuse d’un comptable belge du groupe industriel suisse Duferco.

Il existe de sérieux indices laissant croire qu’il a été assassiné. La justice enquête donc et découvre assez vite l’existence de mouvements de fonds suspects.

Pourquoi ces transferts d’argent ? Dans l’état actuel de l’enquête, il semble que Duferco ait cherché à pénétrer le marché de la sidérurgie congolaise.

Il n’y a pas réussi mais lorsqu’il lorgnait ce marché, le groupe aurait, pour avancer ses pions ou parce qu’on l’y avait aimablement invité, décidé de refinancer la société nationale congolaise de Loterie.

Et ce refinancement aurait donné lieu à divers versements de fonds dont plusieurs intermédiaires se seraient chargés. C’est dans ce cadre que Serge Kubla, qui serait en aveux, serait intervenu.

D’autres inculpations sont attendues

Les enquêteurs le soupçonnent lui et les autres acteurs du dossier (car il faut s’attendre dans les jours qui viennent à d’autres inculpations) d’avoir tenté de favoriser l’évolution des investissements de Duferco (dont les dirigeants n’ont pas voulu réagir mardi soir) en ayant recours à des manœuvres de corruption d’agents publics congolais. C’est en tout cas ce qu’indique le parquet fédéral.

Ces fonds auraient donc été transmis, au moins pour partie, par l’intermédiaire de l’ancien ministre wallon. M. Kubla est soupçonné d’avoir remis 20 000 euros à l’épouse de l’ancien Premier ministre congolais Adolphe Muzito, en exercice entre 2008 et 2012. Cette remise de fonds aurait eu lieu lors d’une rencontre, à Bruxelles, dans les salons de l’hôtel "Président".

Ces 20 000 euros n’auraient été qu’un acompte sur une somme évaluée à 500 000 euros.

A qui cet argent devait-il être remis ? Devait-il servir à "arroser" une ou plusieurs personnes ? On l’ignore pour le moment. Selon le site de "De Tijd", M. Kubla aurait lui-même reçu "plusieurs centaines de milliers d’euros" de l’entreprise sidérurgique via une société écran off-shore.

Pourquoi avoir procédé à l’arrestation de M. Kubla ? Ne pouvait-on se contenter de son inculpation ? D’après les autorités judiciaires, le mandat d’arrêt se justifierait par la crainte de risques de collusion entre M. Kubla et d’autres personnes concernées par ce dossier.

Le bourgmestre de Waterloo, dont on rappelera, qu’à ce stade de la procédure il doit être considéré comme innocent, a donc été incarcéré à la prison de Saint-Gilles.

Il devra passer dans les cinq jours devant la chambre du conseil de Bruxelles qui aura à prolonger ou non son mandat d’arrêt.

Perquisitions et auditions

L’inculpation et l’arrestation de M. Kubla ont été précédées de plusieurs perquisitions menées, mardi matin, en divers endroits du pays, par la police fédérale, à la demande du magistrat instructeur.

En vérité, le parquet fédéral a saisi le juge Claise le 17 novembre 2014. Depuis lors, de nombreux devoirs ont été exécutés et les choses se sont accélérées mardi avec les perquisitions dont il est question plus avant et l’arrestation de l’homme politique brabançon.

On l’a dit, d’autres auditions d’autres suspects sont programmées dans les prochaines heures. Avec sans doute d’autres inculpations à la clé.

Car, de source proche de l’enquête, il apparaît que M. Kubla n’aurait été "qu’un petit poisson" et que les transferts de fonds concernent des sommes qui se compteraient en millions d’euros.

Me Roland Forestini, le conseil de M. Kubla, a confirmé à lalibre.be que son client n’avait pas joué un rôle central dans cette affaire.

Selon lui, M. Kubla était chargé de trouver de nouveaux clients pour Duferco et il prospectait le marché à cette fin.

Me Forestini, qui a vu M. Kubla, mardi soir, "dans un endroit où je n’ai habituellement pas l’habitude de le rencontrer", a estimé que l’interrogatoire de M. Kubla s’est déroulé "de manière courtoise, entre personnes courtoises".

L’avocat a aussi déploré l’attention médiatique que l’on porte à son client. "Je vais tenter de consoler mon client et ferai tout pour qu’il soit libéré le plus rapidement possible", a-t-il conclu.

"Duferco voulait avoir Maluku"

"Duferco était intéressé par la Sosider", explique un ancien ministre congolais qui avoue ne pas "vraiment" comprendre l’intérêt pour cette aciérie située à Maluku, dans la large périphérie de Kinshasa.

"La demande d’acier, dans un pays comme le nôtre, est énorme", reconnaît un autre ancien ministre du Plan. "La Sosider pourrait être une réponse. 

Le problème, c’est que les matières premières et les intrants sont tous situés très très loin. Le projet a en effet été conçu à l’origine pour traiter le fer du gisement de Banalia, en Province orientale, à plus de 1 500 km."

Ce qui explique aussi que cette usine n’ait jamais réellement fonctionné. " Vous vous imaginez qu’elle a été inaugurée en 1974 et que la ligne à froid a été interrompue deux ans plus tard. Le projet consistait en une joint-venture entre l’Etat zaïrois, Finsider Demag (Allemagne) et le consortium Italipianti (Italie). 

A l’époque, l’aciérie était dotée d’un laminoir à chaud d’une capacité de 100 000 tonnes/an, qui a cessé ses activités en 1988 après n’avoir produit que 68 000 t en quinze ans. 

Depuis, cet éléphant blanc voulu par le Maréchal Mobutu au sommet de sa volonté de développer à tout prix, et même au-delà du raisonnable, le made in Congo, tourne plus qu’au ralenti",poursuit notre ex-ministre qui se souvient d’avoir vu passer "au moins cinq projets" pour ce mastodonte… Mais rien n’a jamais abouti. 

"Des Belges étaient déjà présents en 2002 ou 2003 aux côtés d’investisseurs Kazakhs. " Parmi les projets, il épingle celui du groupe industriel sud-africain Batman qui avait proposé de reprendre la gestion de ce complexe en ruines, mais en laissant la tâche au gouvernement congolais d’injecter les fonds nécessaires à son fonctionnement. 

On est en 2002 et les caisses de l’Etat sont alors encore bien plus vides qu’elles le sont aujourd’hui.

Damned, encore raté !

"L’Etat congolais pensait avoir déniché l’oiseau rare en 2003 avec le groupe Alferon. Un vrai jackpot", se souvient notre politicien. 

"Investissement proposé : 25 millions de dollars sur 5 ans et des rentrées fixes garanties de 1,5 million minimum par an pour l’Etat. Un conte de fées. Pourtant l’affaire va capoter. 

En cause ? Le boss de Alferon Management, Johannes Sittard qui, un an plus tôt, a fait la Une des journaux britanniques dans le cadre d’une énorme affaire de corruption qui a atteint le parti travailliste de Tony Blair. Sittard travaillait régulièrement avec des Kazakhs. 

L’un d’eux, naturalisé belge, devait habiter Waterloo…", poursuit l’ex-ministre qui enchaîne : "Dans un Etat normal, avec des infrastructures normales, le projet pourrait peut-être être viable. 

Mais l’investissement de base est énorme et plus le temps passe, plus il le sera. Ce sont surtout les intermédiaires qui gagnent leur vie sur ce type de projet." 
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Jacques Laruelle et Jean-Claude Matgen

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