vendredi 27 février 2015

Les Belges francophones et nous


La première page du "Soir" de Bruxelles daté 23.02.2015

Le ministre belge des Affaires étrangères, le libéral francophone Didier Reynders, et son collègue en charge de la Coopération, le libéral flamand Alexander De Croo, ont regagné Bruxelles à l’issue d’une "visite de travail" de quatre jours au Congo "démocratique". Visite qui les a conduit à Kinshasa et à Goma.

Dans la capitale, ils ont rencontré les représentants des forces politiques et sociales avant d’être reçu mercredi 25 février par Joseph Kabila.

Les deux ministres ont gardé de ce séjour des impressions contrastées. Rien d’étonnant. Les responsables politiques belges francophones sont réputés pour leur "sens du compromis" - à la limite de la compromission - au point de fermer les yeux sur les violences faites aux droits et libertés dans l’ex-Zaïre. 

Les Belges néerlandophones eux paraissent intransigeants sur les valeurs. D’aucuns allèguent que ceux-ci n’auraient rien à perdre. 

A tort ou à raison, les Belges francophones, à quelques exceptions près, sont qualifiés "d’affairistes".

Dans un discours prononcé dans la soirée du samedi 21 février à la résidence de l’ambassadeur de Belgique, le ministre De Croo n’est pas allé par quatre chemins en dénonçant les excès du pouvoir kabiliste: "Nous ne pouvons pas accepter le statu quo des dernières semaines en RDC. Nous ne pouvons pas accepter les arrestations aléatoires, le blocage d’internet et des communications numériques, l’instrumentalisation de la justice, etc."

Inutile de souligner que les propos de ce jeune ministre flamand sont parfaitement en phase avec "l’humeur du moment" au sein de la population. Une population congolaise qui ne fait plus mystère de son grand désamour à l’égard de l’homme qui trône à la tête de l’ex-Zaïre.

Pour la petite histoire, le francophone Didier Reynders n’était pas aux côtés de son jeune collègue. Comme quoi, on n’apprend pas les grimaces à un vieux singe...

Dans son édition daté du lundi 23 février, le quotidien bruxellois "Le Soir" publie un dossier sous le titre : "De Croo crée le malaise à Kinshasa". 

Les journalistes Colette Braeckman, Maroun Labaki et Véronique Kiesel se sont jetés à pieds joints sur l’Open VLD Alexander De Croo au nom d’un prétendu "respect réciproque" et de "non-ingérence dans les affaires intérieures" du Congo de "Joseph Kabila". 

Ne devrait-on pas parler plutôt d’hypocrisie réciproque?

Dans ce concert de duplicité, l’ancien ministre de la Coopération au développement, le PS Jean-Pascal Labille, a ajouté sa partition en fustigeant la "franchise" de son successeur sous le fallacieux prétexte qu’"en Afrique, le temps des leçons est terminé". 

Les Congolais seraient-ils de "grands enfants" auxquels il importe de raconter des sornettes pour les endormir?

Rentré à Bruxelles, Reynders a enfoncé le clou en prenant le contrepied de son collègue De Croo. Selon lui, "il y a du progrès dans le processus démocratique, avec la publication du calendrier électoral, et les groupes rebelles dans l’est du Congo sont appréhendés".

De quel "progrès" parle Reynders dans un pays où il existe une justice à deux vitesses selon qu’on est membre de la mouvance kabiliste ou opposant politique? 

Des contradicteurs de l’oligarchie au pouvoir sont jetés à la prison de Makala (Eugène Diomi Ndongala, Vano Kiboko, Bruno Kabatshi, Jean-Claude Muyambo, Christopher Ngoyi etc. ) sur base d’accusations fantaisistes.

De quel progrès parle ensuite le chef de la diplomatie belge dans un pays où la garde présidentielle et la police tirent à balles réelles sur des manifestants pacifiques comme cela a été le cas les 19, 20 et 21 janvier ôtant la vie à plusieurs dizaines de citoyens?

De quel progrès parle enfin Reynders dans un pays où tous les courants idéologiques n’ont pas accès aux médias publics?

Reynders feint-il d’ignorer que le pouvoir kabiliste n’a publié le "calendrier électoral global" que suite à la conjugaison des pressions externes et internes?

Comment ne pas parler, dès lors, de l’existence d’un vrai "mal entendu" entre les Congolais et les Belges francophones?

Depuis 1990, les Zairo-Congolais n’ont pas cessé d’appeler l’avènement d’un Etat de droit. C’est-à-dire un Etat respectueux de la vie et de la dignité de la personne humaine. Un Etat soucieux de la bonne gouvernance et du bien-être de la population.

Certains Belges francophones évoluant tant dans le monde politique que médiatique donnent l’impression que leur "problème" se limitait à Mobutu Sese Seko. Depuis la chute du "Grand Léopard" leur "combat" est terminé. Erreur.

Les Congolais eux se battent non pas contre un homme mais plutôt pour éradiquer un système. Un système politique aux antipodes des valeurs humanistes que sont : l’intérêt général, la justice, la liberté, l’égalité, le respect des droits de l’homme. 

Il n’y a pas de "bons dictateurs" et de "mauvais dictateurs". Il n’y a que des dictateurs.

Coup de chapeau à Alexander De Croo! 
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Baudouin Amba Wetshi
© Congoindépendant

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