vendredi 27 février 2015

Ne laissons pas tomber les Congolais!

le jeudi 26 février 2015


Une opinion d'Axelle Fischer de la Commission Justice et Paix Belgique francophone.

Les propos de M. De Croo ont irrité le pouvoir en RDC, mais ont plu à la société civile. Après les événements violents de janvier, le temps est venu d’appuyer le Congo dans son processus électoral.

Les propos de notre vice-Premier et ministre de la Coopération au développement Alexander De Croo le week-end passé, en RDC, ont surpris les observateurs et sans doute irrité le pouvoir en place. Il n’en reste pas moins que certains membres de la société civile locale s’en sont félicités. 

C’est que les attentes sont grandes vis-à-vis de la Belgique : on attend de notre pays une plus grande présence non seulement économique, mais aussi politique. 

Un interlocuteur de la société civile s’exclamait : "Pourquoi la Belgique ne dit-elle rien face aux arrestations arbitraires et au blocage de l’Internet ? Le pouvoir a besoin d’un langage clair de la communauté internationale !"

Voilà qui est donc fait ! Samedi soir à l’Ambassade belge à Kinshasa, la capitale congolaise, Monsieur De Croo, s’exprimant face à des Belges résidant sur place, a accusé ouvertement le gouvernement de Joseph Kabila.

Notre ministre faisait référence aux malheureux événements des 19 au 21 janvier qui ont eu lieu non seulement à la capitale, mais aussi à l’est du pays. La majorité prévoyait une mesure conditionnant la prochaine élection présidentielle aux résultats d’un recensement général de la population. 

Face à cette nouvelle tentative de la majorité de ne pas respecter l’alternance démocratique prévue dans la Constitution congolaise, le peuple s’est enhardi. Le pouvoir en place, dépassé par l’ampleur de la grogne sociale, a donné l’ordre de tirer. 

Bilan : 27 morts et de nombreuses arrestations arbitraires. Afin de limiter les communications, Internet et le réseau SMS ont été coupés. Aujourd’hui, nombreux sont ceux qui demandent qu’une enquête impartiale soit menée. 

A ce titre, il faut plaider pour l’installation effective d’une Commission nationale des droits de l’homme (CNDH) indépendante dont la sélection des membres serait faite conformément aux principes de Paris et qui aurait pour mission de protéger et de promouvoir les droits de l’homme. Ce ne serait pas un luxe, alors que le procès Chebeya, du nom de cet activiste des droits de l’homme assassiné en juin 2010, piétine.

Avec le recul, la société civile congolaise fait le constat que la population est fatiguée d’attendre les changements économiques et sociaux tant promis. 

Le processus électoral congolais ne laisserait donc pas indifférents les citoyens. "Le peuple est une force. Quand il se soulève, il est irrésistible", souffle-t-on du côté de la société civile.

Aujourd’hui, la loi électorale est promulguée sans la fameuse mesure qui a tant échauffé les esprits et le calendrier électoral publié. Il ne reste plus qu’à organiser concrètement les … 11 scrutins dont 5 directs (élections provinciales, communales et locales ; élections présidentielle et législatives) qui devraient amener entre octobre 2015 et fin 2016, 40 millions d’électeurs congolais à aller voter. Une gageure colossale ! 

Parmi les défis, signalons d’abord le nécessaire recensement des jeunes ayant aujourd’hui plus de 18 ans ; ensuite, grande nouveauté, la prise en compte des Congolais à l’étranger qui pourront élire un nouveau président et leurs députés nationaux. Cette nouvelle ne devrait pas laisser indifférents les nombreux expatriés habitant en Belgique.

Certaines voix s’élèvent déjà pour mettre en doute la faisabilité d’un tel processus, dans un pays aussi grand et peu habitué à l’exercice démocratique (les élections locales tant attendues n’ont pas eu lieu ni en 2006, ni en 2011). 

D’autres s’inquiètent : mal préparées, les élections locales ne seront-elles pas source de soulèvements populaires et de violences ?

Car les Congolais ont soif de démocratie. Et ils ne se la laisseront pas voler. Le défi est de passer d’une démocratie que certains estiment peu représentative à une démocratie participative, à la base. 

"Nous vous avons donné nos oreilles, nos yeux, notre bouche. Qu’en avez-vous fait ? ", scande un participant à une rencontre associative. Le Congo a des moyens humains importants : entre autres, une société civile organisée, dont un réseau de l’Eglise catholique, habituée à avoir une parole politique qui fait autorité. 

Sur cette base, il est encore temps de mener une éducation civique pour que les élections se déroulent dans l’ensemble du pays avec calme et de préparer des mécanismes d’observation électorale, garante de la transparence nécessaire.

Le rôle de la Monusco dans ce processus doit être fort, et ce malgré les tensions actuelles avec le gouvernement qui ne voit pas d’un bon œil la prétendue "ingérence" de la Mission des Nations unies sur l’opération de désarmement de groupes armés dans l’instable région de l’Est. 

Il est vrai, comme l’a signalé le Président congolais Joseph Kabila, que le pays n’est pas sous la tutelle de la Monusco. Il n’en reste pas moins que son aide faciliterait grandement la logistique et le maintien de la sécurité.

Pour organiser ces élections, manquent encore les moyens financiers. Car cette opération nécessaire est aussi coûteuse : 1,145 milliard de dollars est prévu. Et même si des économies sont possibles, l’aide internationale est incontournable. 

Raison de plus pour que la Belgique prenne sa place en jouant un rôle dans les mois à venir. Mais pour cela, il faut que le dialogue avec le pouvoir en place soit maintenu. 

La Belgique (ses autorités, et sa société civile) doivent s’engager aux côtés des Congolais pour les aider à mener à bien ce processus électoral aux conséquences, on le souhaite, positives pour la paix et la sécurité de la région. 

D’ici là, il s’agit de rester vigilants et de porter une attention particulière aux défenseurs des droits humains et journalistes locaux qui auront pour tâche d’informer leurs concitoyens et la communauté internationale. 
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Contribution externe
 

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