mercredi 25 février 2015

Question à Patrick Mbeko: Martin Luther King roulait-il pour les Occidentaux ?

20 fév, 2013 
 


Question d’un compatriote guinéen à Mr Mbeko : « M. Patrick Mbeko, dans l’une de vos réflexions sur les leaders africains, vous dites que les Occidentaux ne rendent hommage qu’aux personnalités noires qui roulent pour eux. Vous avez même cité Mandela! Et que dire alors de Martin Luther King? »

Il est vrai que le docteur Martin Luther King est l’une des personnalités noires qui ont beaucoup milité pour la cause des Afro-américains. Je ne doute pas de son combat, mais je pense que la question qu’il faudrait peut-être se poser est celle de savoir pourquoi un personnage comme Malcolm X n’a pas reçu le même traitement de la part des Occidentaux?

Quand on analyse froidement les évènements, on se rend compte que la lutte de Martin Luther King (MLK), bien que noble à certains égards, ne dérangeait en rien l’ossature du système dominant. 

Mr King ne remettait pas en question le système d’apartheid qui prévalait aux États-Unis; il voulait simplement que les Noirs soient comme des blancs, qu’ils aient les mêmes privilèges qu’eux. Il voulait que les Noirs puissent profiter de l’ordre établi au lieu d’être parqués dans des ghettos. 

Quand Martin Luther parlait « d’Afro-Américains », Malcolm X parlait de « 22 millions de Noirs en Amérique d’origine africaine »; lorsque King parlait « d’Afro-Américains victimes d’injustice », X parlait « des Noirs en Amérique victimes du colonialisme et de l’impérialisme américains »; lorsque King parlait du « combat pour les droits civiques », X disait qu’il ne s’agissait pas d’« un problème de droits civiques mais de droits humains. » 

MLK prônait des arrangements au sein du système dominant établi. Il ne parlait pas de la culture originelle des Africains vivant aux États-Unis; il prônait l’intégration des Noirs dans la culture blanche. 

Alors que pour Malcolm X, les Noirs devaient tout d’abord se réconcilier avec eux-mêmes avant de tenter de se réconcilier avec les autres; pour lui, seule une révolution pouvait renverser l’ordre établi. 

Il voulait changer la société américaine et ne limitait pas son combat aux conditions des seuls Noirs vivant en Amérique. Il avait compris que les Africains aussi subissaient les affres du même système dominant américain. 

Malcolm X est un Africain vivant en Amérique, alors que King est un Afro-Américain. 

À la mort d président Kennedy, King se prosterna alors que X, sans vouloir provoquer, rappelait simplement que les États-Unis étaient à l’origine de l’assassinat de nombreux chefs d’État à travers le monde dont Patrice Lumumba.

Il faut également s’intéresser à la lutte non-violente que mène et prône Martin Luther King pour comprendre l’attitude des Occidentaux à son endroit contrairement à Malcolm X. 

Cette lutte, bien que juste, ne dérangeait pas l’ordre injuste établi. Voilà pourquoi les élites blanches l’ont soutenu contrairement à ce que la plupart des Africains pensent.

Par « lutte non-violente », on sous-entend qu’il existe une lutte par la violence, pour ne pas dire une « lutte violente ». Comme celle qu’on attribuait à Malcolm X par exemple. 

Pourtant, l’histoire nous montre qu’il n’a jamais été question de « lutte violente » mais d’« auto-défense ». 

C’est parce que les peuples opprimés usent de violence pour répondre à l’oppression des élites qu’on parle de « lutte violente ». La seule « violence » acceptable est celle exercée par les peuples opprimés réclamant leurs droits. Elle est légitime.

Ceux qui sont à la base des injustices, des guerres et tant d’autres maux que connaît notre monde se révèlent être les « faiseurs de mots ». Ce sont eux qui définissent les limites du discours acceptable. 

Des pauvres Palestiniens sont devenus des terroristes parce qu’ils se défendent contre le terrorisme d’État pratiqué par l’État raciste d’Israël. 

Pour avoir soutenu des mouvements nationalistes luttant pour leur émancipation, Kadhafi fut décrit comme le « parrain du terrorisme international ». 

Pour avoir prôné « l’auto-défense » des Noirs face à la brutalité gratuite de l’Amérique blanche, Malcolm X fut dépeint comme un individu très violent. La presse continua de le marginaliser comme un extrémiste, un violent qui veut armer les Noirs. 

Pourtant il n’a jamais été impliqué dans quelques formes de violences que ce soit, si ce n’est celles dont il a été la victime.

Quand Luther King disait « non-violence », Malcolm X rétorquait « auto-défense ».

A-t-on le droit de se défendre par la force quand on est attaqué gratuitement par la force? C’est à cette question que X a répondu « OUI ». 

Aucune nation ne s’est affranchie du système dominant en prônant ce que certains appellent la « non-violence ». Tout système d’exploitation repose sur la violence. 

Dans un monde où les plus forts cherchent à se nourrir des plus faibles, l’ « auto-défense » demeure (ra) le seul langage que les exploitants comprennent. 

La « lutte non-violente » n’a jamais renversé le système dominant. 

Dans presque tous les pays du monde où les « exploités » ont obtenu des mains des « exploitants » une « indépendance clé à la main » sans aucune lutte, dans presque tous les pays où l’on professa la « non-violence » pour parvenir à la liberté, les fondements du système dominant sont restés quasiment intacts. 

Les droits civiques aux États-Unis n’ont jamais mis fin l’injustice dont sont victimes quotidiennement les Noirs; la lutte « non-violente » de Gandhi n’a pas sorti l’Inde du fondamentalisme néolibéral.

Dans toutes les luttes des peuples, il a toujours été question d’impérialisme et de capitalisme. Après tout, l’esclavage ne fut-il pas la première manifestation du système libéral? 

Malcolm X l’avait compris contrairement à Martin Luther King. Voilà pourquoi il dit : « Mieux vaut un blanc du ku klux klan qu’un Noir libéral. » 

Plus la pensée de Malcolm s’affinait et s’emplissait de vérité et d’efficacité, plus il devenait un danger pour la société blanche américaine. Pour le contrer et anesthésier une certaine conscience noire, on opposa à son combat et à sa noble vision la « lutte non-violente » menée par un Martin Luther King, beaucoup plus docile et dont le mouvement était soutenu par une partie de l’élite blanche. 

Ce qui n’enlève toutefois pas au King le respect que nous lui devons tous pour son combat.
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Patrick Mbeko

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