mardi 14 avril 2015

RD Congo – Les Clinton : Compte à rebours pour une apocalypse au Congo

lundi 13 avril 2015

La nouvelle n’a pas fait grand bruit, et pourtant elle devrait : Hilary Clinton est candidate à la présidence des Etats-Unis. Une information anodine mais qui pourrait être le point de départ des bouleversements géopolitiques catastrophiques dans la région des Grands Lacs. 


Pour rappel, c’est l’administration Clinton qui provoqua les deux Guerres du Congo derrière les présidents rwandais Paul Kagame et ougandais Yoweri Museveni, essentiellement autour de l’enjeu des gisements miniers congolais dont le coltan indispensable à la fabrication des nos téléphones portables

L’aventure meurtrière va causer la mort de six millions de Congolais, la moitié étant des enfants, et occasionné le viol de plus de cinq cent mille femmes. Si les temps ont changé, les objectifs stratégiques des Américains sur le Congo sont restés quasiment les mêmes, et ils sont terriblement nocifs. 

Le moins qu’on puisse dire est que les Clinton, en cas de victoire des démocrates en décembre 2016, reviennent à la Maison Blanche pour « finir le boulot ».

 

Ne nous berçons pas d’illusion : la justice pour les millions de morts du Congo et les centaines de femmes violées et contaminées, ce n’est pas pour demain. Le Congo est, au contraire, au point d’entrer dans les pires moments de son histoire. 


Autant on devrait être préoccupé pour les Irakiens en cas d’un retour des Bush à la Maison Blanche, autant il faut se préoccuper pour les populations congolaises en cas de retour des Clinton à la Maison Blanche.

Les objectifs des Américains sur le Congo

Lorsqu’éclate la Première Guerre du Congo en 1996, les Américains ont au moins trois objectifs stratégiques : chasser Mobutu et les Français de la région des Grands Lacs, prendre possession des gisements miniers de l’Est du Congo et entraîner le pays vers sa dislocation (balkanisation). 


Les riches régions de l’Est doivent être annexées au Rwanda de Kagame et à l’Ouganda de Museveni, ce que Herman Cohen va affirmer sans se gêner[1]. Les populations autochtones congolaises vont toutefois s’opposer aussi bien aux agressions contre leur pays qu’à l’occupation qui préparait son démembrement. 

Américains, Rwandais et Ougandais vont alors « faire simple » : cibler directement ces populations par des massacres, des viols et des déplacements forcés afin de briser leur sentiment national, tout en assurant la totale impunité aux généraux rwandais et ougandais qui organisaient ces atrocités. 

L’idée qui se dissimule à peine est qu’à force de massacrer ces populations, de les violer, de les chasser de leurs terres et de les humilier, elles finiraient par se persuader que le pouvoir de Kinshasa les a abandonnées et se soumettre, malgré elles, aux pouvoirs de leurs oppresseurs rwandais et ougandais[2]

Mais deux décennies plus tard, le projet peine à se réaliser. Les Congolais restent toujours attachés à l’unité de leur pays malgré les massacres qui se poursuivent en toute impunité, ce qui doit terriblement agacer les stratèges de la coalition américano-rwando-ougandaise.

Le retour des Clinton à la Maison Blanche va sûrement donner un coup d’accélérateur à ce projet inspiré de la stratégie du « chaos constructeur »[3]


Le malheur pour les Congolais est qu’ils ne disposent d’aucun moyen pour véritablement faire face. Ni les autorités actuelles de Kinshasa, ni l’armée nationale ne sont en situation de dissuader les Américains de relancer une nouvelle aventure meurtrière au Congo. Encore moins la Monusco (Mission des Nations unies au Congo).

Un Etat et une armée rongés de l’intérieur

Une nation ne peut efficacement faire face à une menace de l’extérieur que si elle est bâtie et structurée sur une solide cohésion intérieure. Sur ce point, le Congo, depuis l’arrivée de Joseph Kabila à la tête du pays, a créé toutes les conditions de sa propre vulnérabilité. 


Les Congolais découvrent année après année que l’homme à la tête de leurs institutions est, en réalité, un agent au service des pouvoirs tutsi/hima du Rwanda et de l’Ouganda, les deux pays par lesquels Américains et Britanniques organisent des agressions contre le Congo. 

Les Congolais découvrent également que ce qu’ils croient être leur « armée nationale » est en réalité une institution contrôlée par des généraux rwandais massivement infiltrés dans les institutions congolaises en application d’une série d’accords secrets entre Kabila et Kagame. 

Cette armée-là est si peu fiable qu’en dépit de la bravoure de nombreux soldats, au front, les Congolais sont une nation condamnée d’avance à des défaites face aux agresseurs rwando-ougandais. 

Ils contrôlent la hiérarchie de l’armée qui, sur ordre de Kigali ou de Kampala, sabotent sans état d’âme les opérations sur terrain. Cette armée-là ne protégera donc pas la population, et c’est le moins qu’on puisse dire.

Les amis du peuple congolais ?

Les Congolais peuvent-ils compter sur des pays amis ? Pas si sûr. Depuis la création du Congo en 1885, les puissances occidentales aiment le Congo pour ses richesses mais pas pour ses habitants, quelle que soit l’ampleur des massacres qui se déroulent dans le pays. 


Quant aux pays africains, trop peu ont les moyens et la motivation d’intervenir pour aider la population. En 2013, les soldats tanzaniens sont vigoureusement intervenus dans le Kivu pour chasser les hommes de Kagame. 

Mais il ne s’agissait pas de venir aider les populations congolaises. Il s’agissait, pour le président tanzanien Jakaya Kikwete de montrer ses muscles à Paul Kagame avec qui il était en conflit ouvert. Depuis, les Tanzaniens ont amorcé un processus d’apaisement avec le régime de Kagame. 

Les Congolais doivent donc inventer d’autres moyens de se protéger, ce qui n’est pas évident. Leurs propres autorités sont tellement impliquées dans les complots contre le Congo qu’elles n’attendent que le signal pour livrer le territoire national à l’ennemi et abandonner leurs populations à la merci des agresseurs, comme elles ont pu le faire à de trop nombreuses occasions[4].

Comment donc ce peuple peut-il se protéger contre la menace américaine puisqu’il ne peut même pas compter sur ses dirigeants ? C’est la question à laquelle il va falloir méditer d’ici au retour annoncé des Clinton à la Maison Blanche. 


Mais même si le Congo avait un Etat crédible et une armée solide, on ne l’imagine pas pouvoir faire face à la poussée destructrice des Américains. 

La destruction de la Libye de Kadhafi en 2011 et de l’Irak de Saddam Hussein en 2003 nous enseigne qu’il faut un autre niveau de capacités militaires pour dissuader les Américains.

La piste de Moscou ?

En désespoir de cause, on peut envisager le scenario d’une alliance stratégique entre le Congo et la Russie, la seule puissance à l’heure actuelle capable de tenir tête aux Américains. Mais une telle alliance est le produit de difficiles négociations entre chefs d’Etat. 


On n’imagine pas Joseph Kabila allant rencontrer Vladimir Poutine pour le prier de venir en aide aux populations congolaises dont la vie est maintenant menacée par les changements annoncés à la Maison Blanche. 

Non seulement les hommes de Kagame qui contrôlent les institutions de Kinshasa ne laisseraient pas Kabila faire venir les Russes au Congo, mais surtout les Russes ne sont pas dupes. Ils ne vont pas risquer la vie de leurs agents dans un pays où les autorités ont sciemment fait entrer les ennemis de leurs populations dans tous les rouages de l’appareil d’Etat. 

Il faudrait avant tout que les Congolais se débarrassent des infiltrés. Un casse-tête. La dernière fois qu’ils l’ont fait, le pays a sombré dans la Guerre, la Deuxième Guerre du Congo, le conflit le plus meurtrier depuis la Seconde Guerre Mondiale. Et le président qui a fait partir les infiltrés, Laurent-Désiré Kabila, a été assassiné dans son palais[5]. On en est donc là.

Un pays est menacé dans son intégrité, des populations vont être massacrées, violées et chassées de leur terre, mais aucune mesure préventive n’est envisageable. Il faudra juste, au fil de la campagne présidentielle américaine, habituer les Congolais à l’idée que « la mort arrive ». Une fois de plus. 


Mais, curieusement, peu de politiciens de Kinshasa perçoivent la menace. Par opportunisme ou ignorance, ils sont nombreux à se rendre à Washington pour solliciter de devenir calife à la place du « calife Kabila ». Ils oublient naïvement que les Américains ne peuvent aider un dirigeant congolais à devenir « le prochain président » que si celui-ci souscrit à leurs objectifs stratégiques qui passent par le démantèlement du pays, le pillage de ses ressources et l’anéantissement de ses populations[6]

Si Dieu existe, c’est au Congo qu’il va falloir le loger dans la perspective du retour des Clinton à la Maison Blanche. A défaut, préparons-nous à visionner de nouvelles images macabres en provenance du Congo.
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Boniface MUSAVULI



[1] Herman Cohen : « Au département d’Etat, le Kivu fait partie du Rwanda », congoforum.be, 12 août 2011 ; L’interview est disponible sur http://www.youtube.com/watch?v=PBiOcW-vNjk.

[2] « … une bonne partie de la région de l'Ituri est de facto sous contrôle de l'Ouganda. Sans tambour ni trompette. Dans tout l'Ituri (Mahagi, Aru, Ariwara, Watsha...) la monnaie officielle d'échange et de consommation est le shilling ougandais ! Certains travaux publics de réfection de route et des bâtiments publics de l'État sont assumés par le pouvoir ougandais. Les postes frontaliers d'immigration et de douane sont contrôlés par des agents et des officiers ougandais. Des terres arables sont cédées aux fermiers ougandais qui font venir la main d'œuvre de l'Ouganda pour occuper le terrain. Plus grave, de plus en plus de congolais autochtones (…) approuvent cette forme « douce » de l'occupation, s'estimant trahis et abandonnés par le pouvoir central et leurs propres députés ». P. Mbeko, H. Ngbanda, Stratégie du chaos et du mensonge – poker menteur en Afrique des Grands Lacs, Ed. de l’Erablière, 2014, pp. 554.

[3] Le modus operandi de la stratégie du chaos chère aux stratèges américains : On cible une région riche et convoitée. On choisit un Etat pivot à proximité. A partir de cet Etat (en l’occurrence le Rwanda, dans le cas du Congo), on provoque et on entretient les conflits. On encourage les viols, on occasionne des déplacements des populations, on génère la famine, des maladies, bref, on engendre une atmosphère de désolation. De ce chaos doit émerger un ordre nouveau reposant sur l'anéantissement des peuples et la perte de contrôle des populations sur leurs richesses naturelles qui passent sous le contrôle de l’économie de la prédation. Cette prédation permet à la minorité des privilégiés en Occident (les fameux 1%) de maintenir leur train de vie princier. Les agressions répétées contre le Congo et l’anéantissement des populations dans l’Est du pays sont une application jusqu’à l’abjection de cette stratégie du chaos. Cf. P. Mbeko, H. Ngbanda, Stratégie du chaos et du mensonge – poker menteur en Afrique des Grands lacs, Ed. de l’Erablière, 2014.

[4] La prise de Goma par l’armée rwandaise sous couvert du M23 en novembre 2012 a été orchestrée par les généraux des FARDC (armée congolaise) qui ont ordonné l’abandon de la ville à l’ennemi. Cf. JJ. Wondo, Les Forces armées de la RD Congo : Une armée irréformable ?, Bilan – Autopsie de la défaite du M23 – Prospective, Ed. www.desc-wondo.org, décembre 2014, pp. 49 – 62.

[5] La piste d’un assassinat organisé par les Américains et le régime de Kagame a été accrédité par Pierre Péan dans Carnages – Les guerres secrètes des grandes puissances en Afrique, Éd. Fayard, 2010, pp. 410 et svts. De son côté, Théogène Rudasingwa, l’ancien chef de cabinet de Paul Kagame, a affirmé le 31 mars 2012, au cours d’un meeting des partis FDU et RNC (opposition rwandaise) à Bruxelles : « Je le dis, c’est aujourd’hui que je le dis clairement, c’est Paul Kagame qui a assassiné le président congolais, le président Laurent Désiré Kabila, le président Kagame est l’assassin du président congolais Kabila ». Cf. Jean Mitari, « Rwanda : ‘’Kagame a assassiné Kabila’’, Rudasingwa », jambonews.net, 1er avril 2012.

[6] A l’attention des politiciens de Kinshasa, il faudrait toujours rappeler que la dernière fois qu’un dirigeant congolais a eu besoin des Américains pour accéder à la présidence en espérant pouvoir faire autre chose que l’agenda qui lui avait été imposé, il l’a payé de sa vie. Laurent-Désiré Kabila avait pourtant été prévenu par Mobutu lors de la rencontre qui avait été organisée sur le navire sud-africain Outeniqua en mai 1997. « Ces gens qui vous utilisent pour m’humilier, je les connais et je connais ce que j’ai fait pour eux. Vous, vous ne les connaissez pas, et vous ne pourrez jamais faire pour eux autant que moi. Ils vous feront subir ce qu’il me font subir ». Quinze moins plus tard, Laurent-Désiré Kabila et le peuple congolais subissaient une guerre d’agression qui finit par coûter la vie au Mzee en janvier 2001.


 

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