dimanche 2 août 2015

Deuxième guerre au Congo-Kinshasa: 2 Aôut 1998-2 Aôut 2015

IL Y A 17 ANS ECLATAIT LA DEUXIEME GUERRE DU CONGO.
 
L'occasion de saluer deux patriotes qui m'ont particulièrement marqué : Didier Mumengi, ministre de la Communication et héro de la résistance populaire de Kinshasa contre les agresseurs (communes patriotiques de Kimbanseke, Masina et Ndjili), et notre incontournable Patrick Mbeko.

Un extrait de son ouvrage : « C'est très tard que le Président congolais (Laurent-Désiré Kabila, ndlr) s'aperçoit de la ruse rwandaise. Il se rend compte que ses alliés tutsis jouent un double jeu et ont un agenda caché à avancer au Congo. 


Les relations entre le Rwanda et la RD Congo s'enveniment. Kabila se sent de plus en plus quadrillé par les tutsis au moment où il fait face à la grogne des siens qui le critiquent sévèrement pour avoir livré le pays aux tutsis rwandais et à leurs frères Banyamulenge. 

Déjà à cette période, les tutsis venus dans les bagages de l'AFDL tentèrent en vain, d'éliminer le président congolais, un pion qu'ils pensaient contrôler à leur guise, mais qui s'est révélé être incontrôlable. 

Le 18 juillet 1998, Laurent-Désiré Kabila demande à ses encombrants alliés de regagner leur pays. Étrangement, la panique s'empare aussitôt des Banyamulenge alors que le ministre congolais de la Justice avait clairement indiqué lors d'un point de presse que Banyamulenge, les Burundais, les Ougandais, les Rwandais et d’autres étrangers sont libres de vaquer à leurs occupations quotidiennes et le respect de leurs droits sera parfaitement garanti par les instances étatiques. 

Tous les Banyamulenge travaillant dans les hautes instances du gouvernement et des entreprises publiques disparurent sans laisser de trace. (…) James Kabarebe qui fut le chef d'état-major de l'armée congolaise, va se retrouver des semaines après à la tête de l'APR. 

Parallèlement, Laurent Kabila résilie plusieurs contrats miniers signés avec les firmes occidentales qui ont financé son effort de guerre. La mesure s'applique aussi aux officiers rwandais et ougandais qui se payaient sur la bête.

Deux semaines plus tard, éclate une nouvelle guerre à l'Est du pays (Kivu) à la frontière rwandaise. Les amis d'hier deviennent les ennemis de celui qu'ils ont porté au pouvoir un an auparavant. Ainsi est née la rébellion du Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD), une émanation de Kigali. 


Raison invoquée : la sécurité des Banyamulenge et la présence des Interahamwe au Congo. Des revendications fallacieuses qui cachent mal un besoin beaucoup plus belliqueux : Kagame veut contrôler la RD Congo. 

L'ancien Procureur général rwandais, membre du noyau fondateur du FPR, Monsieur Gérard Gahima, en rupture avec Kigali, apporte un éclairage sur les réelles motivations de cette seconde invasion : « Kagame voulait à tout prix chasser Laurent-Désiré Kabila, qu'il venait de mettre au pouvoir un an plus tôt. 

Cette démarche était surtout inspirée par l'orgueil, il voulait diriger le Congo à distance, ce que Kabila refusait... ». Les Banyamulenge et leurs frères de l'Armée patriotique rwandaise seront le fer de lance de Kagame dans sa nouvelle guerre contre le Congo. 

Les Banyamulenge avaient trahi encore une fois. « Nous ne voulons pas utiliser de grands mots pour décrire notre déception », déclarera L-D Kabila. 

Didier Mumengi, le ministre de l'Information, a très bien résumé le sentiment général qui habitait la classe politique congolaise face à la trahison des Banyamulenge : « L'hospitalité que le Congo a toujours réservée aux ressortissants étrangers et aux Rwandais en particulier, mérite-t-elle une si tragique trahison ? », s'était-il interrogé. 

Et d'ajouter : « Plus qu'une surprise, ce fut une terrible déception, surtout dans le cas de notre collègue Bizima Karaha, auquel nous faisions totalement confiance. » Le sentiment d'être poignardé dans le dos par des tutsis ayant vécu au Congo est encore très vif aujourd'hui en RDC. 

En tout état de cause, explique le Professeur J-C Willame, un conflit majeur était inévitable. Au cours d'une longue causerie à bâtons rompus à Libreville, Kabila explique : « Ces gens-là sont insupportables, ce sont des criminels... ils voulaient dominer notre pays, ils ont commencé à dire que c'était eux qui ont porté Kabila au pouvoir, qu'ils pouvaient placer qui ils voulaient au sommet de l'État, désigner un cabinet ministériel, proposer je ne sais quoi à tel ou tel ou tel ministre... Ces messieurs sont très rusés. 

Leurs contacts personnels avec les gens qui sont dans l'armée sont basés sur des cajoleries, de la flatterie (...). Ils montaient beaucoup de gens contre le pouvoir... Mais ce qu'ils ne connaissaient pas c'était que nous étions mieux organisés qu'ils le pensaient, que nous avions un service d'intelligence très affiné. Eux ne pensaient plus de rien. 

Et puis on surveillait tous les mouvements, tous les discours, tous les propos qu'ils avaient tenus dans des conférences avec les étrangers, surtout des contacts personnels avec les gens qui sont dans l'armée... et finalement beaucoup d'officiers sont venus me chuchoter à l'oreille: "Président, il faut faire attention avec ces gens... il y a un danger contre les institutions de l'État", c'est-à-dire, on travaillait avec eux mais ils complotaient. (...) Ils faisaient la vedette, les belles voitures c'était à eux, une fois qu'ils ont assassiné les nôtres. Nos belles femmes là-bas (au Kivu), c'était pour eux. Ils enlevaient tout... Ils tuaient, ils prenaient des voitures. Lorsqu'il fallait les arrêter, ils complotaient. J'ai trouvé que c'était trop. La criminalité était trop grande. 

En même temps, ils continuaient à traquer les gens pour les tuer. Tuer notre peuple. Naturellement, ils ne pouvaient pas accepter de rentrer chez eux. Ils étaient venus pour rester avec des plans d'annexion, d'avoir un Bizimungu à la tête du Congo... Nous avons vu que c'était trop fort et que cela n'était pas possible » ».
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Musavuli Boniface avec Patrick Mbeko
  Patrick Mbeko, Le Canada dans les guerres en Afrique centrale – Génocides & Pillages des ressources minières du Congo par Rwanda interposé, Le Nègre Editeur, 2012, pp. 452-454.

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