vendredi 18 mars 2011

Une plainte conteste l'attribution du port de Conakry à Bolloré


Par Augustin Scalbert | Rue89 | 18/03/2011 | 11H55

Alpha Condé quitte la grande mosquée de Conakry, le 3 décembre 2010 (Joseph Penney/Reuters).
Un concurrent français vient de déposer une plainte contestant l'attribution, le 10 mars par décret du président guinéen Alpha Condé, de la gestion du port de Conakry au groupe Bolloré. Ce concurrent, Getma, gérait ce port depuis 2008. La plainte, qui ne vise officiellement personne, parle de « corruption » et de « vol en bande organisée », notamment.
Par la voix de son avocat, Me Olivier Baratelli, le groupe Bolloré assure avoir reçu ce marché dans des conditions normales : Getma étant « défaillant », Bolloré, arrivé deuxième lors de l'appel d'offres de 2008 remporté par son concurrent (pour une durée de 25 ans), a donc récupéré le marché « conformément aux règles internationales ». Le groupe a constitué un consortium avec le troisième, le danois Maersk.
De son côté, Me Cédric Fischer, qui organisait jeudi une conférence de presse avec son associé Me Pierre-Olivier Sur, s'étonne que leur client Getma International ait été « évincé », de manière « extrêmement brusque », de la gestion du port. Getma est une filiale de NCT-Necotrans, un groupe français qui vise les mêmes marchés que Bolloré en Afrique (gestion de ports, concessions automobiles, transports…)

Getma souligne les liens de Bolloré avec Condé

L'avocat raconte que le 9 mars, il était avec Me Sur à Conakry, où ils étaient reçus par le nouveau président Alpha Condé, en fonction depuis décembre. Me Sur connaît bien le président Condé, qu'il défendait quand il était dans l'opposition :
« Il nous a annoncé qu'il allait résilier l'appel d'offres. »
L'avocat ajoute que Vincent Bolloré a rendu visite peu auparavant à Alpha Condé. Ce dernier, qui fera une visite officielle en France le 22 mars, sera d'ailleurs honoré dans une réception organisée par l'agence événementielle Euro RSCG, qui a assuré sa communication pendant sa campagne présidentielle, ajoute Me Fischer. « Or, Euro RSCG appartient à Vincent Bolloré. »
Me Baratelli souligne qu'il est normal pour un homme d'affaires de rencontrer les chefs d'Etats où son groupe travaille, et que Euro RSCG « faisait la même chose pour François Mitterrand ou Ségolène Royal ».

« L'armée a réquisitionné le matériel »

Son adversaire raconte comment Getma a été « évincée » du port de Conakry, très convoité car il offre de grandes perspectives de transport vers des pays enclavés, comme le Mali :
« Dès que la résiliation du contrat a été annoncée, l'armée a réquisitionné le matériel et les travailleurs du port, et a empêché les cadres de Getma d'entrer sur le site.
A l'inverse, les militaires ont laissé les cadres de Bolloré entrer. Ils ont pu avoir accès aux ordinateurs et récupérer des documents et correspondances de Getma. Même les villas habitées par les cadres de Getma ont été réquisitionnées. »
Pour l'avocat, « le préjudice est considérable » : environ 50 millions d'euros en investissement et en chiffres d'affaires sur un an, et 100 millions de plus en perte de revenus et préjudice d'image. Il va donc réclamer 150 millions d'euros.

« Bolloré est […] choqué par ces accusation mensongères »

En plus de la procédure au civil pour « concurrence déloyale » qu'ils s'apprêtent à lancer, les avocats de Getma ont déposé une plainte simple auprès du procureur de la République de Paris pour « corruption », mais aussi « vol en bande organisée, recel, violation de domicile, vol en réunion avec violence, introduction dans des systèmes automatisés de données. »
Côté Bolloré, Me Baratelli affirme que « si le groupe Getma n'est plus attributaire, c'est qu'il a été totalement défaillant » :
« Vincent Bolloré est extrêmement choqué de ces accusations totalement mensongères, et lancera des actions en diffamation contre toute personne les relayant. »
NouvelObs.com, l'Agefi, Afrik.com et Jeune Afrique devraient donc être l'objet de plaintes pour avoir associé dans leurs articles les mots « groupe Bolloré » avec « corruption ».
Photo : Alpha Condé quitte la grande mosquée de Conakry, le 3 décembre 2010 (Joseph Penney/Reuters).

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