mardi 5 juillet 2011

Au-delà des guerres - Enjeux géostratégiques : RDC double cible

Par Freddy Monsa Iyaka Duku 

L’heure est cruciale. Au moment où les Congolais s’apprêtent à aller aux urnes, pour la seconde fois de façon démocratique, les mutations politiques et économiques sont perceptibles à travers le monde. Certaines nations seront emportées par le courant de l’histoire, d’autres verront leurs capacités multisectorielles renforcées avant de déboucher sur une nouvelle redistribution des cartes. 

Trêve donc des discours et messages messianiques. 

Halte au néologisme politique qui galvaude le vocabulaire politique congolais, car au-delà des guerres qui caractérisent ces dernières décennies quelques régions de la planète, ce sont de nouveaux enjeux géostratégiques qui se jouent en ce moment. 

La RDC est visée. Doublement. Les prochaines élections 2011 n’ont rien de commun avec celles de 2006. Attention à la naïveté politique. 

Ceux qui ont séjourné dernièrement en Afrique du Sud ont certainement suivi des séries télévisées qui constituent le point fort des médias sud-africains. Il s’agit de «STEP UP OR SEP OUT». Traduisez : «Demeurer ou éliminer». 

La série en soi est un concours de danse. Les meilleurs restent dans la course jusqu’en finale pendant que d’autres sont purement et simplement éliminés. Sans complaisance.
Mais «STEP UP OR STEP OUT» est plus qu’un simple concours de danse. C’est tout un programme qui s’applique à tous les domaines de la vie tant sur le plan politique, économique que social. C’est à dire ; Etre, Vivre ou Disparaître. 

Les élections de 2011 sont placées sous ce signe. En fait, dans cette perspective de mieux saisir ces différentes guerres, Herman Cohen, alors Sous-secrétaire d’Etat américain aux Affaires africaines, soulignait l’importance de la démocratisation des Etats au lendemain du fameux discours de La Baule : « Ceux qui ne s’adapteront pas seront abandonnés sur la route du Progrès ». 

Des propos significatifs qui s’adressaient à cette époque au Maréchal Mobutu, lequel a fini par être emporté par le vent de l’Histoire, et qui demeurent d’actualité. En Afrique ; les « roitelets » ont été déboulonnés. 

En Europe, les empires soviétique et yougoslave ne se conjuguent plus qu’au passé. Le monde arabe est en ébullition ; les émirs, les cheiks, les princes sont tous sur des chaises éjectables. L’Amérique du Sud traverse des moments controversés quand on retient seulement que la maladie du Vénézuélien Hugo Chavez suscite déjà des commentaires en sens divers. 

PAS DE GUERRE GRATUITE 

Il est une chose que les Congolais en particulier, Africains en général, doivent retenir : il n’y a jamais eu de guerre gratuite. Les deux premières guerres mondiales se sont soldées par la conquête des espaces politiques et économiques. Elles ont divisé le monde entier en deux blocs. Les « guerres démocratiques » ne visent pratiquement que les mêmes objectifs. 

Sur ce plan, l’Occident a une sacrée avance et a étendu son influence dans tous les coins du monde. Les arabes ne vont plus «boire» seuls leur pétrole. L’Occident est là, contrôlant toutes les voies d’accès de l’or noir : du Détroit d’Ormuz à celui de Gibraltar en passant par le Canal de Panama et celui de Suez. Il en est de même du gaz avec la présence des éléments de l’Otan ou de l’Union européenne, c’est selon, dans la Mer Caspienne avec la guerre en Afghanistan et le souhait d’entrer dans l’ Union européenne des pays européens de la partie Est de l’ Europe.

L’Afrique n’échappe pas à ce contrôle. Suzanne Rice, ancienne Secrétaire d’Etat américaine paraphrasait Herman Cohen quasiment en ces termes : « L’Afrique est un terrain privilégié et fertile pour des expériences du terrorisme ». Elle soulignait l’importance stratégique de la RDC, avec ses richesses qui suscitent de nombreuses convoitises. 

Elle voulait surtout relever que l’ instauration des Etats démocratiques en Afrique était une priorité pour les Etats-Unis et que rien en Afrique ne pouvait se faire sans la RDC, interpellant ainsi les acteurs politiques congolais à prendre conscience de disposer d’un Etat organisé et bien gouverné. 

Priorité relève de quatre objectifs de la « Stratégie de sécurité nationale » des Etats-Unis : soutenir l’instauration des Etats démocratiques ; accroître la puissance économique, financière et militaire des USA ; contrôler l’informatique pour empêcher que le message « révolutionnaire » ne passe et ne soit une menace pour le peuple américain ; et enfin, de contrer toute menace extérieure contre les Etats-Unis et le peuple américain. 

Mais la récession économique, la crise financière internationale ont engendré plusieurs projets, donnant ainsi un coup d’accélération à la « guerre de la conquête des espaces économiques». 

La RDC paie la facture la plus salée à cause du coltan, du diamant, de la cassitérite, et bientôt le nickel avec les guerres de 1996 et 1998 ; celle du Kivu en 2007, en plus de l’invasion du pays par plusieurs truands au service des sociétés multinationales pour piller les richesses congolaises. 

En plus, de nombreux «plans» ont été et sont envisagés dans le but d’imposer des «voies de marché» à la RDC afin d’écouler ses produits. Voire de partager, certainement sous pression, ses richesses avec des Etats parias. 

L’autorité de l’ Etat étant inefficace, la RDC perd chaque année des milliards de dollars. L’enquête menée par le Sénat a démontré à suffisance qu’en ce qui concerne seulement des minerais du Katanga, plus de 490 millions de dollars par mois échappent au contrôle de l’Etat.

La balkanisation de la RDC est donc en marche. Elle se déroule sous plusieurs formes, allant de l’agression extérieure à la manipulation interne. Il ne serait pas du tout étonnant que les élections 2011 soient truffées d’agendas cachés dans l’hypothèse d’une victoire des uns et de la défaite des autres. 

Tout pourrait arriver, car les Congolais sont encore déboussolés. Ils ont perdu tous les repères dans la mesure où plusieurs acteurs politiques sont malléables à souhait, brillant par une versatilité criminelle. 

D’autre part, les « guerres démocratiques» dans les pays arabes ont également une finalité économique : le pétrole. Certes, il est question, d’une façon ou d’une autre, de priver AL Qaïda de ressources financières importantes obtenus auprès des régimes qui soutenaient le mouvement. Mais il est aussi vrai que l’Occident a pris le contrôle de tout le circuit pétrolier. 

Comme quoi, il n’y a jamais eu de guerres gratuites. 

ELECTIONS 2011 : VIVRE OU DISPARAITRE 

Ces différents éléments, poussent à la conscientisation, à une réflexion profonde. Ce serait une grave erreur politique de croire que les élections 2011 ressemblent à celles de 2006. Non.
Les élections 2011 se dérouleront à un moment crucial dans le monde. 

Moment marqué par des mutations politiques, économiques. Mais surtout par cette crise financière internationale qui crée du désordre social en Occident, lequel a désormais les «caisses vides» et des yeux tournés vers la Chine. Le pays de «Dragon» est aujourd’hui une puissance économique qui prête de l’argent à tout le monde. 

La Chine est venue au secours de l’Espagne, de la Hongrie, pendant ce temps, la Grèce se débat pour se remettre à flots sans certitude immédiate. La Chine a acheté de nombreux «Bons de trésor» auprès des banques américaines. La France a signé des contrats se chiffrant à des milliards de dollars avec la Chine. 

Ce ne sont pas de «faits divers». Mais des événements qui vont influencer toutes les élections. L’Afrique du Sud l’ a déjà compris en accordant une importance particulière aux dernières élections «municipales» (la base de tout pouvoir ) pour renforcer les institutions nationales. 

C’est à cause de ces institutions nationales et régionales dépersonnalisées, fortes, que l’Afrique du sud séduit et attire pour bâtir et consolider un Etat moderne et puissant en Afrique. Elle est désormais « un partenaire » de toutes les grandes puissances. 

Les élections 2011 doivent être analysées sous cet angle. Il n’y a plus de «période de grâce» pour la RDC. Non ! Voilà pourquoi les élections 2011 sont placées sous le signe de VIVRE ou DISPARAITRE » (STEP UP OR STEP OUT). 

Vivre, c’est confirmer l’existence d’un Etat congolais, d’une Nation congolaise dans la perspective de prendre part au prochain concert des Nations après ceux de Yalta et de Berlin. Disparaître, c’est prêter le flanc aux politiques véreux, aux nationalistes d’opérette et aux criminels économiques. 

Au demeurant, les discours messianiques, des campagnes électorales sur fond des « dons » sans substance, plus porteurs de malheur que de bonheur, ponctuées d’un néologisme abject qui souligne encore l’analphabétisme politique, sont d’un autre âge. Elles dénaturent le vote 2011. Elles faussent le verdict 2011.

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