lundi 24 janvier 2011

Côte d'Ivoire : guerre des mots autour de la légalité

  • Par Sabine Cessou
Gbagbo

Décision "nulle, non avenue et dépourvue de tout effet juridique". C'est ainsi qu'a réagi, samedi, le porte-parole du Quai d'Orsay, à l'annonce du retrait de l'accréditation de l'ambassadeur de France en Côte d'Ivoire par le président Laurent Gbagbo. Une mesure à laquelle le diplomate Jean-Marc Simon s'attendait. Paris a en effet reconnu le 13 janvier Ali Coulibaly, envoyé par Alassane Ouattara, comme nouvel ambassadeur de Côte d'Ivoire.
Mais c'est le fait que les autorités françaises aient décidé, samedi, de donner trois jours au professeur Pierre Kipré, l'ancien ambassadeur nommé en 2008 par Laurent Gbagbo, pour faire ses valises, qui a motivé la mesure de rétorsion à Abidjan. Aucune importance pour le Quai d'Orsay: Jean-Marc Simon continue de représenter la France auprès du seul gouvernement "légitime" de Côte d'Ivoire, celui d'Alassane Ouattara. 
Une autre décision a été jugée "illégale, nulle et de nul effet" samedi, cette fois par le gouvernement Gbagbo : la démission forcée de Philippe-Henry Dacoury-Tabley, un proche de Laurent Gbagbo, du poste de gouverneur de la Banque centrale des Etats d'Afrique de l'Ouest (BCEAO). Désavoué par ses pairs ouest-africains, le gouvernement Gbagbo estime avoir encore un recours possible devant la cour de justice de l'Union économique et monétaire de l'Ouest africain (Uemoa), pour contrer cette démission. 
La guerre des mots n'est pas anodine: Laurent Gbagbo présente son maintien au pouvoir comme une opération de "sauvegarde des institutions nationales" et de défense de la légalité. Pour lui et ses partisans, il n'est pas pensable de passer outre une décision du Conseil constitutionnel. Or, la plus haute institution de Côte d'Ivoire a déclaré Gbagbo vainqueur avec 51,4 % des voix, après annulation de 600 000 voix dans des départements du nord.
"Il aurait aussi bien pu annuler 2 millions de voix, ça m'est égal, puisqu'il y a eu fraude dans le nord !" tempête Séraphin, un partisan de Laurent Gbagbo attaché au respect des lois. "Dans votre pays, vous mettez des isoloirs sur la place du village, comme on l'a vu dans le nord ? Vous avez plus de votants que d'inscrits sur les procès-verbaux ? Zéro voix pour l'un des candidats alors que ses deux assesseurs étaient présents ?"
Ce jeune qui travaille dans la communication n'est pas le seul à voir en Alassane Ouattara un dirigeant sans scrupules, accusé d'avoir levé une rébellion en 2002 pour s'emparer du nord du pays, considéré comme une zone de non-droit depuis. Relayés par la Radio télévision ivoirienne (RTI) et la presse pro-gouvernementale, ces arguments ont convaincu une partie de l'opinion ivoirienne, qui se dit prête à descendre dans la rue et en découdre avec le monde entier, en cas d'intervention armée extérieure pour déloger le président "légal" du palais présidentiel. 
© Reuters / Laurent Gbagbo le 17 janvier à Abidjan, avant de recevoir Raila Odinga, le Premier ministre kényan.

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