29/01/2013

Poubelle de Kin
Pourquoi sommes-nous si sales ? La question est d'abord d'éthique. De morale. Il faut éduquer la population. Les médias, surtout la télévision, au lieu de nous montrer à tout moment des danses obscènes, devraient penser à éduquer la population.
Lorsque des gens qui défèquent sur la place publique ou jettent des saletés dans des caniveaux ne se reprochent rien du tout en vous répondant même hautainement qu'il s'agit de la rue de l'Etat, il y a là un réel problème d'éducation.
Au cours d'une émission très célèbre dans une chaîne de télé française, émission qui est en fait un jeu-concours, une question fut une fois posée, celle de savoir quelle était la ville la plus sale du monde.
Un des joueurs répondit que c'était Kinshasa, la capitale de la République Démocratique du Congo. La réponse fut incroyablement celle qu'attendait le jury de l'émission.
Comme ils sont habitués (conditionnés ?), les Congolais ont simplement ri avant de tourner la page. Loin de nous faire rire, ou même de nous pousser à crier au racisme, cette réponse devrait nous conduire à une profonde introspection.
Comment est-il possible d'entendre une telle monstruosité concernant cette ville que tant de grands chanteurs ont jadis appelée " Poto moïndo " ? Comment peut-elle aujourd'hui être classée parmi les plus sales de la planète ?
Au fait, pourquoi sommes-nous si sales ? La question est d'abord d'éthique. De morale. Il faut éduquer la population. Les médias, surtout la télévision, au lieu de nous montrer à tout moment des danses obscènes, devraient penser à éduquer la population.
Un monsieur, la soixantaine, qui était en train de pisser à la tombée de la nuit dans un caniveau récemment réhabilité à N'djili, nous rétorqua : " Foutez-moi la paix. C'est la rue de l'Etat ".
Les kinois ont pris la vilaine habitude de déverser des immondices sur la rue. Il n'est pas rare à Kinshasa de trouver une décharge dans une rue alors qu'elle n'existait pas quelques jours seulement plus tôt. L'une des conséquences est que le taux de mortalité liée au paludisme est de plus en plus élevé à Kinshasa et dans tout le pays d'une manière générale.
Outre la campagne de sensibilisation et d'éducation, l'on doit également prévoir des mécanismes de sanction. Lorsque Kinshasa était propre, il y avait l'action salutaire des agents sanitaires qu'on appelait communément les " minganga ". Ce n'était pas de grands messieurs, au sens occidental du terme, la plupart n'ayant effectué que des études primaires. Mais ces valeureux hommes provoquaient une peur bleue au sein de la population.
En tout cas, ils intimaient respect. Lorsqu'il avait reçu un avis de passage de ces agents, tout parent laissait des instructions sévères à sa famille le matin avant d'aller au service. Car ces agents étaient sévères et incorruptibles. Kinshasa était alors Kin-la-belle, et la malaria n'avait pas son actuelle ampleur.
Les bonnes habitudes, on les acquiert. Le Président Mobutu avait instauré une heureuse pratique, le Salongo, qui avait porté ses fruits. Qu'en avons-nous fait ?
Le Gouverneur de la Ville de Kinshasa a repris cette pratique. Mais les kinois ont du mal à la respecter, alors qu'elle est dans leur propre intérêt. Les policiers chargés d'appliquer cette mesure préfèrent monnayer leurs services.
Ils exigent de l'argent à ceux qui préfèrent fouler aux pieds la recommandation de l'autorité urbaine en se livrant à leur commerce comme si de rien n'était. Et puisque la corruption affaiblit le corrompu, ces vendeurs ne font pas leur salongo hebdomadaire.
Mme Makaya, qui a passé quelques années en Europe, s'indigne : " Voyez-vous, en Europe -et je suppose que c'est le cas dans tous les pays civilisés- tout le monde est policier quelque part. Lorsqu'un individu commet une entorse à l'ordre public, n'importe quel citoyen qui le voit appelle la Police.
Mais ici, si vous le faites, on risque de vous taxer de méchant, pourquoi pas de sorcier. C'est grave ! Lorsque quelqu'un jette des immondices dans un caniveau, il faut le signaler à la Police. Malheureusement, cette Police aussi… ". Elle préfère laisser la phrase en suspens.
Le Gouvernement a lancé depuis quelques années le programme de construction et de réhabilitation des routes dans le pays, mais surtout à Kinshasa. La route étant un tout, les caniveaux sont également construits. Mais à peine construit, les caniveaux posent déjà de graves problèmes de salubrité.
Par manque de culture conséquente, les ménagères y balancent carrément des immondices à longueurs de journées. Beaucoup sont donc déjà bouchés, empêchant ainsi la libre circulation des eaux. Celles-ci se déversent donc sur la chaussée, abîmant ainsi le bitume.
A Bumbu, la route réhabilitée est encore bonne, mais elle donne déjà l'impression de dater de plusieurs années, tellement elle n'est pas entretenue. Des bancs de sable couvrent le bitume sur la chaussée, compliquant inutilement la circulation.
Cette situation est également perceptible dans plusieurs autres quartiers de la ville. Pourquoi les différents bourgmestres ne suivent-ils pas l'exemple de l'Hôtel de Ville qui utilise depuis un certain temps des cantoniers qui entretiennent les voies publiques ?
Le Stade des Martyrs a reçu un coup de jouvence à l'occasion des festivités du 14ème Sommet de la Francophonie qui s'est tenu à Kinshasa il y quelques mois. Il faut espérer que l'habitude soit pérennisée car avant cette toilette, des répugnantes immondices ornaient un coin de ce temple de sport.
Certains édifices, dont plusieurs écoles, à Kinshasa et à l'intérieur du pays, qui datent d'avant l'indépendance, étaient des bijoux, à la propreté impeccable, parce qu'ils étaient tenus par des Blancs.
Aujourd'hui, qu'ils sont sous la gestion des Congolais, ils sont dans un état crasseux. Le campus de l'Université de Kinshasa, l'un des sites de formation de l'élite du pays, n'échappe pas à cet épineux constat. "
D'ailleurs ici, avoue un étudiant, nous déféquons régulièrement à l'air libre, dans un endroit que nous avons artistiquement baptisé " Home 40 ", parce que le home 40 n'existe pas ".
Il est scandaleux de voir comment les Congolais étalent les produits vivriers qu'ils offrent à la consommation de leurs compatriotes. De la tomate, du piment, des oignons et divers autres épices sont étalés sur un petit sac posé à même le sol, pour le plus grand plaisir des mouches vecteurs des maladies diverses. Et souvent, ce sol est boueux. On imagine facilement l'implication sur la santé des consommateurs.
Rendre l'environnement propre n'est nullement un miracle. Il s'agit d'un peu de prise de conscience, mais surtout d'une bonne éducation. Lorsque des gens qui défèquent sur la place publique ou jettent des saletés dans des caniveaux ne se reprochent rien du tout en vous répondant même hautainement qu'il s'agit de la rue de l'Etat, il y a là un réel problème d'éducation.
[Jean-Claude Ntuala]
© KongoTimes
Poubelle de Kin
Pourquoi sommes-nous si sales ? La question est d'abord d'éthique. De morale. Il faut éduquer la population. Les médias, surtout la télévision, au lieu de nous montrer à tout moment des danses obscènes, devraient penser à éduquer la population.
Lorsque des gens qui défèquent sur la place publique ou jettent des saletés dans des caniveaux ne se reprochent rien du tout en vous répondant même hautainement qu'il s'agit de la rue de l'Etat, il y a là un réel problème d'éducation.
Au cours d'une émission très célèbre dans une chaîne de télé française, émission qui est en fait un jeu-concours, une question fut une fois posée, celle de savoir quelle était la ville la plus sale du monde.
Un des joueurs répondit que c'était Kinshasa, la capitale de la République Démocratique du Congo. La réponse fut incroyablement celle qu'attendait le jury de l'émission.
Comme ils sont habitués (conditionnés ?), les Congolais ont simplement ri avant de tourner la page. Loin de nous faire rire, ou même de nous pousser à crier au racisme, cette réponse devrait nous conduire à une profonde introspection.
Comment est-il possible d'entendre une telle monstruosité concernant cette ville que tant de grands chanteurs ont jadis appelée " Poto moïndo " ? Comment peut-elle aujourd'hui être classée parmi les plus sales de la planète ?
Au fait, pourquoi sommes-nous si sales ? La question est d'abord d'éthique. De morale. Il faut éduquer la population. Les médias, surtout la télévision, au lieu de nous montrer à tout moment des danses obscènes, devraient penser à éduquer la population.
Un monsieur, la soixantaine, qui était en train de pisser à la tombée de la nuit dans un caniveau récemment réhabilité à N'djili, nous rétorqua : " Foutez-moi la paix. C'est la rue de l'Etat ".
Les kinois ont pris la vilaine habitude de déverser des immondices sur la rue. Il n'est pas rare à Kinshasa de trouver une décharge dans une rue alors qu'elle n'existait pas quelques jours seulement plus tôt. L'une des conséquences est que le taux de mortalité liée au paludisme est de plus en plus élevé à Kinshasa et dans tout le pays d'une manière générale.
Outre la campagne de sensibilisation et d'éducation, l'on doit également prévoir des mécanismes de sanction. Lorsque Kinshasa était propre, il y avait l'action salutaire des agents sanitaires qu'on appelait communément les " minganga ". Ce n'était pas de grands messieurs, au sens occidental du terme, la plupart n'ayant effectué que des études primaires. Mais ces valeureux hommes provoquaient une peur bleue au sein de la population.
En tout cas, ils intimaient respect. Lorsqu'il avait reçu un avis de passage de ces agents, tout parent laissait des instructions sévères à sa famille le matin avant d'aller au service. Car ces agents étaient sévères et incorruptibles. Kinshasa était alors Kin-la-belle, et la malaria n'avait pas son actuelle ampleur.
Les bonnes habitudes, on les acquiert. Le Président Mobutu avait instauré une heureuse pratique, le Salongo, qui avait porté ses fruits. Qu'en avons-nous fait ?
Le Gouverneur de la Ville de Kinshasa a repris cette pratique. Mais les kinois ont du mal à la respecter, alors qu'elle est dans leur propre intérêt. Les policiers chargés d'appliquer cette mesure préfèrent monnayer leurs services.
Ils exigent de l'argent à ceux qui préfèrent fouler aux pieds la recommandation de l'autorité urbaine en se livrant à leur commerce comme si de rien n'était. Et puisque la corruption affaiblit le corrompu, ces vendeurs ne font pas leur salongo hebdomadaire.
Mme Makaya, qui a passé quelques années en Europe, s'indigne : " Voyez-vous, en Europe -et je suppose que c'est le cas dans tous les pays civilisés- tout le monde est policier quelque part. Lorsqu'un individu commet une entorse à l'ordre public, n'importe quel citoyen qui le voit appelle la Police.
Mais ici, si vous le faites, on risque de vous taxer de méchant, pourquoi pas de sorcier. C'est grave ! Lorsque quelqu'un jette des immondices dans un caniveau, il faut le signaler à la Police. Malheureusement, cette Police aussi… ". Elle préfère laisser la phrase en suspens.
Le Gouvernement a lancé depuis quelques années le programme de construction et de réhabilitation des routes dans le pays, mais surtout à Kinshasa. La route étant un tout, les caniveaux sont également construits. Mais à peine construit, les caniveaux posent déjà de graves problèmes de salubrité.
Par manque de culture conséquente, les ménagères y balancent carrément des immondices à longueurs de journées. Beaucoup sont donc déjà bouchés, empêchant ainsi la libre circulation des eaux. Celles-ci se déversent donc sur la chaussée, abîmant ainsi le bitume.
A Bumbu, la route réhabilitée est encore bonne, mais elle donne déjà l'impression de dater de plusieurs années, tellement elle n'est pas entretenue. Des bancs de sable couvrent le bitume sur la chaussée, compliquant inutilement la circulation.
Cette situation est également perceptible dans plusieurs autres quartiers de la ville. Pourquoi les différents bourgmestres ne suivent-ils pas l'exemple de l'Hôtel de Ville qui utilise depuis un certain temps des cantoniers qui entretiennent les voies publiques ?
Le Stade des Martyrs a reçu un coup de jouvence à l'occasion des festivités du 14ème Sommet de la Francophonie qui s'est tenu à Kinshasa il y quelques mois. Il faut espérer que l'habitude soit pérennisée car avant cette toilette, des répugnantes immondices ornaient un coin de ce temple de sport.
Certains édifices, dont plusieurs écoles, à Kinshasa et à l'intérieur du pays, qui datent d'avant l'indépendance, étaient des bijoux, à la propreté impeccable, parce qu'ils étaient tenus par des Blancs.
Aujourd'hui, qu'ils sont sous la gestion des Congolais, ils sont dans un état crasseux. Le campus de l'Université de Kinshasa, l'un des sites de formation de l'élite du pays, n'échappe pas à cet épineux constat. "
D'ailleurs ici, avoue un étudiant, nous déféquons régulièrement à l'air libre, dans un endroit que nous avons artistiquement baptisé " Home 40 ", parce que le home 40 n'existe pas ".
Il est scandaleux de voir comment les Congolais étalent les produits vivriers qu'ils offrent à la consommation de leurs compatriotes. De la tomate, du piment, des oignons et divers autres épices sont étalés sur un petit sac posé à même le sol, pour le plus grand plaisir des mouches vecteurs des maladies diverses. Et souvent, ce sol est boueux. On imagine facilement l'implication sur la santé des consommateurs.
Rendre l'environnement propre n'est nullement un miracle. Il s'agit d'un peu de prise de conscience, mais surtout d'une bonne éducation. Lorsque des gens qui défèquent sur la place publique ou jettent des saletés dans des caniveaux ne se reprochent rien du tout en vous répondant même hautainement qu'il s'agit de la rue de l'Etat, il y a là un réel problème d'éducation.
[Jean-Claude Ntuala]
© KongoTimes
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