samedi 1 juin 2013

Banditisme d’Etat : Assassinat de Chebeya & Bazana : Cambriolage au cabinet Kabengela


A droite : l’avocat Jean-Marie Kabengela Ilunga lors de la première audience du procès sur l’assassinat de F. Chebeya et F. Bazana. Images Th. Michel

Les sbires du pouvoir kabiliste ont trouvé une méthode bien particulière pour «commémorer» le troisième anniversaire de l’assassinat du regretté défenseur des droits de l’Homme, Floribert Chebeya Bahizire, et son compagnon d’infortune Fidèle Bazana Edadi. Avocat de la partie civile, maître Jean-Marie Kabengela Ilunga, a été victime, dans la nuit du mercredi 29 au jeudi 30 mai, d’un étrange cambriolage.

Les «maraudeurs» ont emporté «un sac contenant le dossier affaire Floribert Chebeya et Fidèle Bazana», indique la «VSV» dans un communiqué daté du 30 mai 2013. L’association de défense des droits humains exige «l’ouverture immédiate d’une enquête indépendante» afin de «faire la lumière sur l’insécurité dont fait l’objet Me Jean-Marie Kabengela Ilunga et le vol visiblement planifié à son cabinet, et ce, en vue d’identifier les auteurs et commanditaires afin de les sanctionner conformément à la loi».

Un vœu pieux dans ce Congo démocratique où l’appareil judiciaire n’ose même pas faire mine d’être indépendant et où les forces dites de sécurité se comportent en milices du régime en place.

Dans son communiqué, la « VSV» note que les «cambrioleurs» ont procédé à une «fouille» en règle du bureau de l’avocat Jean-Marie Kabengela Ilunga. Que cherchaient-ils? On peut gager que la «visite nocturne» du cabinet de ce juriste - qui a osé toiser l’«intouchable» John Numbi Banza Tambo – est l’œuvre des «professionnels» en la matière.

Pour brouiller les pistes, ces "voyous de la république" ont emporté un poste téléviseur, une somme d’argent et plusieurs ouvrages. Sans oublier des documents relatifs au dossier Floribert Chebeya et Fidèle Bazana.

Depuis quand les "Kuluna" s’intéressent-ils à la "paperasse". Il s’agit sans doute d’une "mission commandée". Par qui?

Avant la commission de cet acte assimilable à du banditisme d’Etat, Me Kabengela Ilunga avait enregistré plusieurs appels anonymes au moment où il entrait ou sortait de son cabinet.

Pour la «VSV», ces tentatives d’intimidation auraient un lien direct non seulement avec les «interventions percutantes» de cet avocat dans le dossier relatif à l’assassinat de Floribert Chebeya Bahizire et de Fidèle Bazana Edadi mais aussi des autres affaires dans lesquelles il intervient.

C’est le cas notamment du dossier «des personnes majoritairement originaires de la province de l’Equateur » poursuivies par la Cour militaire de Kinshasa/Gombe «pour participation au mouvement insurrectionnel ainsi que de plusieurs dossiers des détenus politiques » au Congo-Kinshasa.

«On veut me faire porter le chapeau…»

Le 2 juin 2010, l’opinion nationale congolaise apprenait avec stupeur la découverte du corps sans vie de Floribert Chebeya Bahizire, directeur exécutif de l’association de défense des droits humains «La Voix des Sans Voix pour les droits de l’Homme » (VSV). Un homme réputé pour son intégrité morale et intellectuelle.

La veille, «Floribert» avait rendez-vous avec le patron de la police nationale congolaise, le «général» John Numbi Banza Tambo. Il s’était rendu au siège de l’IG (Inspection générale) en compagnie de son chauffeur et bars droit Fidèle Bazana Edadi dont le corps n’a jamais été retrouvé.

Ce mercredi 2 juin 2013 marque la troisième "édition" de ce tragique anniversaire. Au-delà du «colonel» Daniel Mukalay wa Mateso dont le rôle de «coordonnateur» de ce double assassinat n’est plus à démontrer, il apparait que l’élimination de Chebeya a été décidée au niveau le plus élevé de l’Etat congolais. Osons le dire : "Joseph Kabila" est personnellement impliqué dans ce crime d’Etat.

Au cours de la première audience du procès, tenue en novembre 2010, Mukalay a reconnu avoir donné rendez-vous à Chebeya afin de venir rencontrer John Numbi. Il l’a fait, selon lui, en se référant à la colonelle Alaine Ilunga en charge du service du protocole et donc de l’agenda du «chef».

«Je ne lui ai jamais communiqué l’emploi de temps du général Numbi», protestait avec véhémence la colonelle Ilunga. Numbi de nier avoir invité le défenseur des droits humains à venir le rencontrer. Ces deux prises de position font bondir Mukalay.

«Je suis victime de plusieurs tentatives de vouloir me faire porter le chapeau que je n’ai jamais porté», tonne-t-il comme s’il se sentait lâché par sa hiérarchie. «Pour le besoin de gestion de l’opinion publique et pour les agendas que les autres savent, on a tendance à me faire porter le chapeau», ajoutait-il avec une étrange pointe de «sincérité».

A qui pensait-il? Est-ce à John Numbi? Est-ce à "Joseph Kabila" qui semble être "l’ordonnateur" de l’assassinat de Chebeya?

Jacques Mugabo, alias «Amisi Mugangu», et Paul Mwilabwe

Trois années après la mort de Floribert Chebeya et de Fidèle Bazana, une part de vérité est sortie du témoignage de deux policiers. Deux témoins privilégiés.

Le premier, le sous-commissaire Jacques Mugabo, mieux connu sous le sobriquet d’Amisi Mugangu. Membre du fameux «Bataillon Simba», dirigé par le «major» Christian Ngoy, «le petit Jacques», comme l’appelait ce dernier, était un proche à Daniel Mukalay.

Après l’arrestation de ses collègues par des hommes du Conseil national de sécurité de Pierre Lumbi, le policier Mugabo, aidé par John Numbi, a fui en Ouganda. De Kampala, il a contacté des diplomates en poste à Kinshasa.

«J’ai participé à l’exécution de Floribert Chebeya et de son collaborateur, disait-il. Je suis prêt à témoigner à condition que ma sécurité soit garantie».

Contacté par l’auteur de ces lignes, «Amisi Mugangu» n’est pas allé par quatre chemins : «L’ordre d’exécuter Chebeya a été donné à l’IG (Entendez : l’inspecteur général) par la haute hiérarchie.

Le 31 mai 2010 à 10 heures, le général Numbi est passé au bureau. C’est à cette occasion qu’il a transmis cet ordre au colonel Daniel». «Chebeya a été tué par étouffement», ajoutera-t-il. S’agissant du mobile, le policier dira : « Chebeya faisait des rapports contre le régime de notre président ».

A en croire Jacques Mugabo, alias Amisi Mugangu, le corps de Bazana aurait été immergé dans le fleuve Congo au niveau de Kinsuka. Depuis le 26 novembre 2010, Jacques Mugabo a disparu. Il a été aperçu, la dernière fois, à Kampala, au moment où il prenait place dans un véhicule diplomatique immatriculé "CD18".

La veille, il avait confié à l’auteur de ces lignes qu’il devait rejoindre son "chef", le major Christian "quelque part". Interviewé par le cinéaste belge Thierry Michel, le policier Paul Mwilabwe assure avoir vu - à partir de son écran de surveillance -, le policier Christian Ngoy couvrir la tête de Chebeya avec un sac en plastique. C’est le second témoin.

Selon lui, Bazana était déjà mort. «L’ordre vient de la haute hiérarchie», lui dira Christian Ngoy en soulignant qu’il s’agissait d’«un ordre militaire» qui requiert de la discrétion absolue.

Un « intouchable » nommé John Numbi

Lors de la première audience du procès sur l’assassinat de Chebeya et Bazana, Daniel Mukalay a répondu par un tonitruant «Affirmatif !» à la question du premier président de la Cour militaire le colonel Masungi Muna d’être l’homme qui avait fixé rendez-vous à Chebeya.

Après ce semi-aveu, tous les prévenus ont prétendu que le directeur exécutif de la VSV et son collaborateur n’ont jamais mis les pieds au siège de l’Inspection générale de la police. "Namona ye te, nayebi ye te", dira en lingala le policier Blaise Mandiangu. Bref, ni vu ni connu.

Pour enfoncer le clou, John Numbi clamera sans rire : « Il n’y a pas eu d’invitation adressée à Monsieur Chebeya. Personne ne l’a poussé à venir me voir ». Et d’ajouter : «Je ne sais pas pourquoi M. Chebeya voulait me rencontrer».

Ceux qui ont pu visionner le film-documentaire « Affaire Chebeya, crime d’Etat ? », du cinéaste belge Thierry Michel n’ont pas manqué d’apprécier la très pertinente remarque de Me Kabengela en direction de la Cour militaire : «Il (Ndlr : John Numbi) peut mentir, il peut se contredire, la Cour est désarmée contre lui. Monsieur le Président, lorsque nous sommes dans un système d’impunité où il y a des intouchables, vous ne pouvez pas le juger, vous ne pouvez pas instruire à sa charge ».

L’avocat Kabengela Ilunga avait provoqué l’ire du premier président Masungi Muna. A bout d’argument, celui-ci s’est contenté de rappeler que la Cour ne pouvait pas « convertir » le « renseignant» Numbi en «prévenu» menaçant au passage de retirer la parole au courageux avocat qui semblait appliquer ces propos que Floribert Chebeya aimait répéter : «Il n’y a pas des droits de l’Homme sans justice ».

Le cambriolage du cabinet de Me Kabengela a sans aucun doute été commandité par le sommet de l’Etat et exécuté par les «super faucons» du régime. Le sang de Chebeya et Bazana continue et continuera à réclamer Justice. N’en déplaise à «Joseph Kabila» …

Baudouin Amba Wetshi

Ci-après, le texte intégral du communiqué de la VSV :


Communiqué de presse N°016/RDC/VSV/CE/2013


Procès assassinat Floribert Chebeya Bahizire et Fidèle Bazana Edadi : Vol visiblement planifié au cabinet de Me Jean-Marie Kabengela Ilunga

La Voix des Sans Voix pour les Droits de l’Homme (VSV) réitère une fois de plus ses vives préoccupations consécutivement à l’insécurité récurrente qui pèse sur les avocats des parties civiles dans l’affaire du double assassinat des Défenseurs des Droits de l’Homme (DDH) et membres effectifs de la VSV en l’occurrence, messieurs Floribert Chebeya Bahizire et Fidèle Bazana Edadi.

La dernière illustration en date est le vol visiblement planifié opéré dans la nuit du mercredi 29 au jeudi 30 mai 2013, au cabinet de Maître Jean-Marie Kabengela Ilunga situé au 10ème étage de l’Immeuble Flamboyant sis avenue du Port à Kinshasa/Gombe, par des personnes non autrement identifiées qui s’y sont introduites par effraction, après avoir cassé la grille d’entrée principale ainsi que trois (3) autres portes dont celle du bureau de Me Jean-Marie Kabengela Ilunga.

Il s’en est suivi une fouille du bureau de Maître Jean-Marie Kabengela Ilunga où ont été emportés : Un poste téléviseur, une somme d’argent, des ouvrages, un sac contenant le dossier affaire Floribert Chebeya et Fidèle Bazana, assassinés dans les installations de l’Inspection Générale de la Police Nationale Congolaise (IG-PNC) dans la nuit du 01 au 02 juin 2010 et dont le procès en appel se poursuit devant la Haute Cour Militaire (HCM),…

Il convient de noter qu’auparavant, Me Jean-Marie Kabengela Ilunga a reçu des appels anonymes dont des correspondants au bout de fil ne disent un mot, et ce, curieusement au moment où il veut entrer ou sortir de son cabinet.

Il sied de souligner que l’insécurité dont fait l’objet Me Kabengela Ilunga serait liée à ses interventions percutantes lors des plaidoiries dans plusieurs dossiers judiciaires notamment l’affaire « assassinat Floribert Chebeya Bahizire et Fidèle Bazana Edadi», le dossier des personnes majoritairement originaires de la province de l’Equateur poursuivies par la Cour Militaire de Kinshasa/Gombe pour “participation au mouvement insurrectionnel’’ ainsi que plusieurs dossiers des détenus politiques en RDCongo.

Eu égard à ce qui précède, la VSV exige aux autorités congolaises en général et celles de la justice en particulier :

- l’ouverture immédiate d’une enquête indépendante pour faire la lumière sur l’insécurité dont fait l’objet Me Jean-Marie Kabengela Ilunga et le vol visiblement planifié à son cabinet, et ce, en vue d’identifier les auteurs et commanditaires afin de les sanctionner conformément à la loi ;

- la sécurisation des avocats des parties civiles au procès « assassinat Floribert Chebeya Bahizire et Fidèle Bazana Edadi» en général et de Me Jean-Marie Kabengela Ilunga en particulier.

Fait à Kinshasa, le 30 mai 2013
LA VOIX DES SANS VOIX POUR LES DROITS DE L’HOMME (VSV)
© Congoindépendant

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