samedi 20 juillet 2013

L’opposant Diomi Ndongala dans le viseur du régime

Le leader de Démocratie chrétienne, qui dénonce les conditions de la réélection de Kabila, est incarcéré dans un état critique depuis avril.

«Aucun scrupule». Depuis le 8 avril, Diomi Ndongala est retenu à la célèbre prison de Makala, dans la capitale de la république démocratique du Congo. Interpellé sans mandat d’arrêt, l’opposant a vu depuis sa santé se détériorer rapidement.

«Il a de fortes fièvres, des maux de tête terribles et on le bourre d’aspirine. Même le médecin de la prison a préconisé de l’envoyer à l’hôpital, mais le procureur général refuse», souligne Patrizia Ndongala, qui a pu voir son mari pendant les heures de visite, mais se sent aussi impuissante qu’abandonnée.

Car certains des principaux soutiens de son époux ont eu eux aussi quelques ennuis : Freddy Kita Bukusu, le secrétaire général du parti de Diomi Ndongala, a dû fuir en France après avoir été poursuivi par une Mazda bleue dans les rues de Kinshasa le 26 avril.  

«Je n’ai dû mon salut qu’au fait de me réfugier précipitamment à l’ambassade de France», explique ce grand gaillard qui dénonce «un pouvoir qui règle ses comptes sans plus aucun scrupule».

Quant à l’avocat de Diomi Ndongala, Me Yala Tutu, il fait lui aussi l’objet d’un mandat d’arrêt et affirme avoir reçu des menaces de mort après avoir accordé une interview à l’hebdomadaire Jeune Afrique, publiée le 24 juin.

Mais qu’est-ce qui vaut donc à Eugène Diomi Ndongala de s’être attiré ainsi les foudres du pouvoir ?

Proche de l’opposant historique Etienne Tshisekedi, qui revendique depuis 2011 la victoire des urnes, «Diomi», comme l’appellent ses proches, s’est montré très actif pour dénoncer la fraude qui aurait permis la réélection de Joseph Kabila, au pouvoir depuis l’assassinat de son père, Laurent-Désiré Kabila, en 2001.

Elu lui-même député et devenu le porte-parole de l’opposition, Ndongala tentait d’organiser une plateforme commune des partis d’opposition lorsqu’il s’est retrouvé soudain accusé du viol de deux adolescentes.  

«Un dossier grotesque, le soi-disant père des deux jeunes mineures s’est rétracté et les prétendues preuves, dont des capotes usagées qui auraient été retrouvées dans son bureau, ne tenaient pas la route», accuse aujourd’hui Freddy Kita Bukusu.

Mais Diomi n’aura pas le temps de se défendre. Il disparaît le 22 juin 2012, enlevé à proximité de l’église Notre-Dame de Kinshasa. On apprendra rapidement, mais jamais de source officielle, qu’il est retenu par les services secrets.

Ndongala réapparaît miraculeusement, jeté au bord d’une route en pleine nuit, à la veille de l’arrivée de François Hollande au sommet de la Francophonie qui s’est déroulé en octobre à Kinshasa.

C’est alors que Libération l’avait rencontré : déjà affaibli à l’époque, il envisageait de se faire hospitaliser et devait suivre un long traitement. Mais il était à nouveau libre, aux côtés de sa femme et de ses enfants. Jusqu’à ce 8 avril où il est à nouveau interpellé.

«Peine de mort». Aux accusations de viol, s’ajoutent cette fois-ci celles de complot contre l’Etat : Eugène Diomi Ndongala serait ainsi à la tête d’un mouvement insurrectionnel baptisé «Imperium», chargé d’assassiner le président Kabila.

Puis le 18 juin, le mandat de député de Diomi est soudain invalidé «pour cause d’absence prolongée au Parlement».

Quatre autres députés sont visés. Mais l’argument est assez singulier concernant un homme incarcéré et qui pour la période précédente avait fourni tous les certificats médicaux nécessaires prouvant qu’il était alité suite à son enlèvement.

Désormais privé de son immunité, Diomi «est passible de la peine de mort s’il est reconnu coupable», souligne un communiqué de l’Union parlementaire, l’organisation internationale des Parlements.

Une délégation de ce groupe se trouvait justement à Kinshasa mi-juin, «ébranlée» par la privation du mandat du député, affirmant même publiquement que sa vie était désormais «en danger». 

«Diomi paye pour sa trop forte popularité. Le régime en a fait un cas personnel et refuse de le libérer alors même que la Cour suprême s’est prononcée à trois reprises pour son placement en résidence surveillée», rappelle Freddy Kita Bukusu.

Même s’il est le plus flagrant, le cas de Diomi n’est pas le seul à témoigner de la crispation du régime : à Kinshasa, l’Union parlementaire a plaidé d’autres situations arbitraires visant des députés de l’opposition.

Libération.fr

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