vendredi 19 juillet 2013

Sans attendre la Brigade de l'ONU : L'armée congolaise veut régler définitivement le sort des rebelles du M23

18/07/2013


M23

Du côté gouvernemental, le moral de l’armée a été « boosté » par plusieurs mesures : l’affectation sur le front nord des meilleurs bataillons, une amélioration des soldes et des conditions de vie, une plus grande cohérence dans le commandement, surtout depuis la suspension du général Amisi.

Les FARDC ne cachent pas leur souhait de « régler » une fois pour toutes le sort du M23 et d’autres mouvements rebelles, rétablissant ainsi l’autorité de l’Etat sans attendre la Brigade d’intervention africaine qui n’en finit pas de se déployer en répétant qu’elle « ne fera pas le travail à la place des Congolais ».

Qui, de l’armée gouvernementale congolaise ou des rebelles du M23, est décidé à jouer le tout pour le tout ?
Depuis dimanche, de violents combats ont repris au nord de Goma et la capitale du Nord Kivu, durant toute la journée de lundi, a été secouée par le crépitement des tirs et l’écho des canonnades.

Selon le porte-parole du gouvernement de Kinshasa Lambert Mende, les pertes sont lourdes : 120 rebelles et dix soldats gouvernementaux auraient été tués, et de source humanitaire, on relève la présence de nombreux blessés.

Depuis plusieurs semaines, les forces du M23, qui connaissent cependant de nombreuses désertions, avaient renforcé leurs positions au nord de Goma, tandis que l’armée congolaise, sur le même front, déployait trois de ses meilleurs de ses bataillons, soit quelque 2000 hommes au total.

C’est que les deux parties ont intérêt à déclencher l’ « offensive finale » : les rebelles du M23 constatent que les pourparlers de Kampala, censés trouver une issue politique à la crise, se trouvent dans l’impasse, entre autres parce que les représentants du gouvernement, désireux de mettre fin à l’impunité, refusent désormais d’intégrer les officiers et les cadres du M23 et les leaders du mouvement estiment qu’ils n’ont pas obtenu les garanties souhaitées. Ce qui expliquerait la tentation de « jouer le tout pour le tout » et de jeter leurs dernières forces dans la bataille.

Du côté gouvernemental, le moral de l’armée a été « boosté » par plusieurs mesures, l’affectation sur le front nord des meilleurs bataillons, une amélioration des soldes et des conditions de vie, une plus grande cohérence dans le commandement, surtout depuis la suspension du général Amisi.

Soupçonné de trahison, le commandant en chef de l’armée de terre avait été suspendu et remplacé par le général François Olenga qui aurait remis de l’ordre dans les rangs.

Les FARDC ne cachent pas leur souhait de « régler » une fois pour toutes le sort du M23 et d’autres mouvements rebelles, rétablissant ainsi l’autorité de l’Etat sans attendre la Brigade d’intervention africaine qui n’en finit pas de se déployer en répétant qu’elle « ne fera pas le travail à la place des Congolais ».

Tout semble indiquer que les FARDC, dont les équipements et les stocks de munitions ont été renforcés, souhaitent reprendre le contrôle de la route de Sake et des faubourgs nord de Goma et empêcher leurs adversaires de frapper un grand coup.

La Monusco a déjà exprimé son inquiétude et les humanitaires constatent que la situation demeure extrêmement tendue dans toute la province : quatre membres d’un staff humanitaire ont disparu à Kamango d’où l’armée congolaise a chassé des rebelles ougandais, un pillage attribué aux rebelles hutus a eu lieu à Kiwanja, des combats se déroulent dans le Massis…

Tout se passe comme si tous ceux qui dans la province détenaient des armes ou une parcelle de pouvoir étaient décidés à entrer en action pour améliorer leur position avant qu’une Monusco renforcée par les 3000 hommes de la Force africaine ne vienne sonner la fin du match…

Dans un contexte aussi explosif, la partie gouvernementale réitère ses accusations faisant état de la présence de « shebabs » d’origine somalienne, ou de recrues d’origine musulmane aux côtés des forces combattantes, mais cette évocation suscite de violents démentis : Masudi Kadogo, le représentant provincial de la communauté musulmane du Nord Kivu, réitère son attachement à la paix et il énumère les nombreuses actions menées pour mettre fin à la guerre, dont un voyage à Bunagana en compagnie d’autres chefs religieux pour demander au M23 de déposer les armes.

A noter que, si des shebabs se trouvent au Nord Kivu, ils auraient plutôt été recrutés par le mouvement rebelle ougandais ADF qui fait régner l’insécurité autour de Beni.

Rappelons cependant que des sources humanitaires, présentes sur le terrain, assurent n’avoir aucune connaissance de cette intervention de shebabs qui assurent-elles, seraient très facilement reconnaissables…

La virulence des réactions aux informations de ce type et la vigueur des démentis montre aussi à quel point les évènements actuels portent à nouveau à incandescence les sentiments d’appartenance communautaire…

[Colette Breackman]

JULIEN PALUKU, Gouverneur du Nord-Kivu : « LES ISLAMISTES SHEBAB COMBATTENT AUX CÔTÉS DU M23 ET DE L'ADF-NALU »

Le crépitement des balles et des armes lourdes résonnent de nouveau aux alentours de la ville de Goma. À une dizaine de kilomètres au Nord-ouest de la capitale du Nord-Kivu, sur les collines de Mutaho, des combats opposent depuis le 14 juillet l’armée congolaise aux insurgés du Mouvement du 23 mars (M23).

Des affrontements qui interviennent au lendemain des incursions des rebelles ougandais de l’ADF-Nalu (Forces démocratiques alliées – Armée de libération de l’Ouganda) à Kamango et à Kikingi, deux localités du territoire de Beni, plus au Nord de Goma.

Dans cette recrudescence de violences dans le Nord-Kivu, Julien Paluku, le gouverneur de province, affirme que des rebelles islamistes Shebab sont entrés en action aux côtés des groupes armés qui pullulent dans l’Est de la RDC, notamment le M23 et l’ADF-Nalu. Interview.

Vous soutenez que les Shebab se battent aux côtés des rebelles du M23 et de l’ADF-Nalu au Nord-Kivu ?

De son côté, le M23 vous accuse de considérer comme islamiste tout Congolais de confession musulmane, et notamment son chargé de mobilisation, Ali Musagara, que vous auriez accusé de faciliter le recrutement dans le milieu jihadiste...

Non, je ne taxe pas tout musulman congolais d’islamiste, encore moins de rebelle, mais on ne doit pas non plus dédouaner quelqu’un, sous prétexte qu’il est musulman. Aujourd’hui, nous avons constaté que les groupes armés cherchent de plus en plus à recruter dans la communauté musulmane.

C’est pourquoi nous nous considérons en droit de « contrôler » toute personne suspecte. Il ne s’agit nullement d’une quelconque stigmatisation de tous les musulmans sous l’étiquette « islamiste ».

Depuis le 14 juillet, les affrontements à l’artillerie lourde ont éclaté entre les rebelles du M23 et l’armée congolaise à Mutaho, à 12 km de Goma. Ces combats vont-ils continuer jusqu’à la neutralisation du M23 ?

Nous avons déjà les troupes de la brigade internationale d’intervention de la Monusco à Goma. Nous n’allons pas nous-mêmes commencer à trouver la solution aux problèmes alors que nous avons déjà recours aux forces onusiennes.

La prochaine étape sera plutôt la mise en place d’une opération coordonnée entre les FARDC [Forces armées de la RDC] et les soldats tanzaniens, sud-africains et malawites qui composent la brigade d’intervention.

Ce que l’armée congolaise a pu faire à Mutaho, c’était juste une réplique à la provocation des rebelles du M23 qui cherchaient à marcher de nouveau sur Goma en espérant forcer le gouvernement congolais à répondre favorablement à toutes leurs revendications dans les discussions de Kampala.

Du côté de Beni où les assaillants ougandais de l’ADF-Nalu ont attaqué deux localités congolaises, les FARDC les ont déjà chassés de Kamango et sont en train de se déployer à Kikingi.

Mais dans la « réplique » de l’armée congolaise, deux bombes sont tombées, le 15 juillet, à Gisenyi, au Rwanda. Kigali parle d’une « provocation délibérée »…

Nous avons des unités spéciales formées dans l’artillerie. Elles ne peuvent pas se tromper de cibles et bombarder la localité de Gisenyi.

Ce sont des rebelles du M23 qui ont jeté des bombes au Rwanda pour tenter d’obtenir officiellement l’entrée des RDF [Forces de défense rwandaises] au Kivu, sous prétexte d’un éventuel droit des poursuites sur les rebelles des Forces démocratiques pour la libération du Rwanda (FDLR).

[Interview, Jeune Afrique]
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© KongoTimes

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