mardi 3 décembre 2013
« Il faut sauver le soldat M23 ! » C’est en tout cas le message qu’on peut retenir de la dernière visite, insoupçonnable, de Joseph Kabila en Ouganda, dans le cadre des pourparlers de Kampala, que son propre gouvernement avait pourtant considérés comme sans intérêt, le M23 étant militairement vaincu et politiquement disloqué.
Ainsi la démarche du Président congolais fait-elle penser à une tentative consistant à ressusciter, à tout prix, un « ennemi » déjà mort.
Démarche aberrante, en apparence, mais tout à fait explicable s’agissant de l’homme, Kabila, son parcours et le « système » auquel il doit son arrivée et son maintien au pouvoir.
Les Congolais se sont sûrement trop emballés et trop vite autour de la victoire, bien réelle, de leurs soldats, oubliant, le temps d’une liesse, dans quelles mains se trouvait leur pays.
« Leur » propre Président entretient toujours des liens étroits avec les parrains du M23 (Museveni et Kagamé) et une certaine communauté internationale déterminés à sauver le noyau dur des combattants du M23 (Mary Robinson, Russ Feingold).
Les combattants du M23 sont pourtant bel et bien rentrés « chez eux » !
Ces combattants sont pourtant notoirement reconnus comme étant des soldats rwandais et ougandais et qu’ils n’ont pas à être mis à la charge du Congo, bien au contraire.
Le général rwandais en exil, Faustin Kayumba[1] l’a dernièrement réaffirmé en qualifiant le M23 de « soldats de Kagame », ce mouvement, à ses yeux, n’ayant jamais existé.
Et il n’est pas le seul, puisque les experts de l’ONU, les ONG et des chercheurs sérieux ont, depuis longtemps, déjà abouti à peu près à la même conclusion.
Mais pourquoi Joseph Kabila, Yoweri Museveni, et des personnalités comme Mary Robinson et Russ Feingold (représentant de Barack Obama), tiennent-elles à ce point à faire aboutir les pourparlers de Kampala ?
Pourquoi tiennent-elles à ce qu’un Etat souverain (RDC) se soumette jusqu’au bout à des négociations avec un mouvement que la Communauté internationale a, elle-même, considéré comme une organisation criminelle ?
Pourquoi insiste-t-on pour que les autorités congolaises apposent leurs signatures sur un même document que les membres d’une telle organisation, de surcroit, en débandade ?
On a oublié la balkanisation du Congo
C’est qu’en réalité, la guerre du M23, débutée par l’AFDL (1996), poursuivie par le RCD (1998) et le CNDP (2004), en vue de démanteler le Congo (balkanisation) est loin d’être finie.
Il faut continuer à préserver le « noyau dur » des combattants, devant, le moment venu, relancer cette mission[2]. Les propos du représentant du Président américain, Russ Feingold, pour qui le Congo ne serait pas un Etat souverain[3], de même que ceux de Madame Robinson pour qui les membres du M23 (des soldats rwandais, selon Kayumba) ne se sentiraient pas « chez eux »[4] au Congo ( ?) expliquent à peu près ce qui se passe à Kampala.
Et le Président Kabila doit être tout à fait en accord avec cette vision, sinon il aurait, depuis longtemps, renoncé à ces humiliantes négociations de Kampala.
Officiellement, le voyage de Joseph Kabila en Ouganda vise à trouver une solution à l’avenir des combattants du M23 retranchés au Rwanda et en Ouganda. Une démarche qui sent le piège les autorités ougandaises ayant artificiellement fait gonfler les effectifs des derniers combattants passant d’une centaine à 1.600.
On apprend que le Rwanda, de son côté, abrite 600[5] membres du M23. Des chiffres fantaisistes mais qui semblent annoncer que des forces se reconstituent et que le moment venu, il suffira de dire, comme d’habitude, que des « Tutsis congolais, « réfugiés dans les pays voisins », ont repris les armes pour rentrer chez eux.
La trahison, c’est maintenant ! et par la grande porte
On n’y est pas encore, mais, pour le moment, et comme d’habitude, Joseph Kabila essaie de trouver un moyen de ramener ces « dangereux » personnages au Congo où, selon plusieurs sources, ils auront le choix entre intégrer les rangs de l’armée et retourner à la vie civile.
Mais comment feraient-ils pour retourner à la vie civile puisqu’en tant que soldats rwandais et ougandais, ils ne viennent au Congo que pour y faire la guerre. Ils ne sont originaires d’aucun village et d’aucune ville du Congo. Il faut bien voir les choses comme elles sont.
Les membres du M23, revenus au Congo, finiront dans les rangs des forces armées, le « seul Congo » qu’ils connaissent depuis la première agression du Congo/Zaïre en 1996.
Les « soldats congolais » commençaient pourtant à croire qu’ils avaient réglé la question des infiltrations et des trahisons qui ont tellement fait mal à l’armée et au moral du peuple congolais… Eh bien non, visiblement. Les trahisons risquent d’être de retour, et elles rentreront par la grande porte.
Le Président dans tout ça ?
A la décharge du Président Kabila, on entend dire que si ces combattants étaient laissés dans la nature, ils risqueraient de reprendre les armes. Mais pourquoi parle-t-on de les « laisser dans la nature » ? Et les crimes qu’ils ont commis ? Et leurs victimes ?
A quoi servent les prisons, les cours et les tribunaux à travers le monde si c’est pour entendre dire que les auteurs de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité, voire de génocide, seraient « laissés dans la nature » ?
Sous d’autres cieux, le Président congolais serait en première ligne pour réclamer inlassablement l’extradition des membres du M23. Des procès seraient déjà en cours dans l’Est du Congo où ces individus ont endeuillé des centaines de familles, violés autant de femmes, pillé la population et provoqué de gigantesques catastrophes humanitaires en répétition.
Mais il faut, hélas, voir les choses en face. Ce n’est que le Congo, disait Susan Rice[6]. Le « Congo de Kabila » à qui on impose n’importe quoi et qui, fidèle à lui-même, est toujours prêt à signer n’importe quoi.
Signer, même lorsqu’il s’agit de signer un véritable « arrêt de mort » du peuple congolais, comme ces cauchemardesques accords du 23 mars 2009[7]. Et il va encore signer à Kampala.
Vivement 2016 !
________________
Boniface MUSAVULI
[1] http://allafrica.com/stories/201311...
[2] Le texte proposé par le facilitateur ougandais stipule que le M23 (avec ou sans sa dénomination actuelle) devrait se transformer en parti politique (article 4). Une mutation qui lui permettrait de revendiquer une présence ostentatoire, sur la scène politique et sur le terrain, notamment dans les territoires qu’il occupait militairement, peu importe l’opposition de ses victimes. Ses membres auront obtenu la garantie d’impunité, l’amnistie figurant à l’article 1.
[3] Dans une interview à RFI, le Représentant de Barack Obama, Russ Feingold, a laissé entendre, au sujet des négociations avec les groupes armés, que le Congo ne serait pas une nation souveraine, contrairement au Rwanda. Lien http://www.rfi.fr/afrique/20131028-russell-feingold-rfi-effort-militaire-pousse-rdc-risque-mettre-peril-pourparlers-kampala-m23-kabila-grands-lacs
[4] http://www.liberation.fr/monde/2013...
[5] http://www.tv5.org/cms/chaine-francophone/info/Les-dossiers-de-la-redaction/Congo-2013/p-26909-Republique-democratique-du-Congo-les-rebelles-du-M23-vaincus-et-apres-.htm
[6] Selon lepoint.fr, citant la revue américaine Foreign Affairs, une réunion s’était tenue, en octobre 2012, au siège de la mission française à l’ONU entre les représentants de la France, du Royaume-Uni et des Etats-Unis. Il était question de condamner le Rwanda pour son soutien au M23 qui commettait des massacres et des viols. Réponse de Susan Rice : « N'y comptez pas ! Ce n'est que le Congo. »
[7] http://radiookapi.net/files/Accord-CNDP-Gvt-23-mars-2009-pdf.pdf. Ces accords avaient été signés par le gouvernement représenté par le Ministre actuel des affaires étrangères, Raymond Tshibanda.
« Il faut sauver le soldat M23 ! » C’est en tout cas le message qu’on peut retenir de la dernière visite, insoupçonnable, de Joseph Kabila en Ouganda, dans le cadre des pourparlers de Kampala, que son propre gouvernement avait pourtant considérés comme sans intérêt, le M23 étant militairement vaincu et politiquement disloqué.
Ainsi la démarche du Président congolais fait-elle penser à une tentative consistant à ressusciter, à tout prix, un « ennemi » déjà mort.
Démarche aberrante, en apparence, mais tout à fait explicable s’agissant de l’homme, Kabila, son parcours et le « système » auquel il doit son arrivée et son maintien au pouvoir.
Les Congolais se sont sûrement trop emballés et trop vite autour de la victoire, bien réelle, de leurs soldats, oubliant, le temps d’une liesse, dans quelles mains se trouvait leur pays.
« Leur » propre Président entretient toujours des liens étroits avec les parrains du M23 (Museveni et Kagamé) et une certaine communauté internationale déterminés à sauver le noyau dur des combattants du M23 (Mary Robinson, Russ Feingold).
Les combattants du M23 sont pourtant bel et bien rentrés « chez eux » !
Ces combattants sont pourtant notoirement reconnus comme étant des soldats rwandais et ougandais et qu’ils n’ont pas à être mis à la charge du Congo, bien au contraire.
Le général rwandais en exil, Faustin Kayumba[1] l’a dernièrement réaffirmé en qualifiant le M23 de « soldats de Kagame », ce mouvement, à ses yeux, n’ayant jamais existé.
Et il n’est pas le seul, puisque les experts de l’ONU, les ONG et des chercheurs sérieux ont, depuis longtemps, déjà abouti à peu près à la même conclusion.
Mais pourquoi Joseph Kabila, Yoweri Museveni, et des personnalités comme Mary Robinson et Russ Feingold (représentant de Barack Obama), tiennent-elles à ce point à faire aboutir les pourparlers de Kampala ?
Pourquoi tiennent-elles à ce qu’un Etat souverain (RDC) se soumette jusqu’au bout à des négociations avec un mouvement que la Communauté internationale a, elle-même, considéré comme une organisation criminelle ?
Pourquoi insiste-t-on pour que les autorités congolaises apposent leurs signatures sur un même document que les membres d’une telle organisation, de surcroit, en débandade ?
On a oublié la balkanisation du Congo
C’est qu’en réalité, la guerre du M23, débutée par l’AFDL (1996), poursuivie par le RCD (1998) et le CNDP (2004), en vue de démanteler le Congo (balkanisation) est loin d’être finie.
Il faut continuer à préserver le « noyau dur » des combattants, devant, le moment venu, relancer cette mission[2]. Les propos du représentant du Président américain, Russ Feingold, pour qui le Congo ne serait pas un Etat souverain[3], de même que ceux de Madame Robinson pour qui les membres du M23 (des soldats rwandais, selon Kayumba) ne se sentiraient pas « chez eux »[4] au Congo ( ?) expliquent à peu près ce qui se passe à Kampala.
Et le Président Kabila doit être tout à fait en accord avec cette vision, sinon il aurait, depuis longtemps, renoncé à ces humiliantes négociations de Kampala.
Officiellement, le voyage de Joseph Kabila en Ouganda vise à trouver une solution à l’avenir des combattants du M23 retranchés au Rwanda et en Ouganda. Une démarche qui sent le piège les autorités ougandaises ayant artificiellement fait gonfler les effectifs des derniers combattants passant d’une centaine à 1.600.
On apprend que le Rwanda, de son côté, abrite 600[5] membres du M23. Des chiffres fantaisistes mais qui semblent annoncer que des forces se reconstituent et que le moment venu, il suffira de dire, comme d’habitude, que des « Tutsis congolais, « réfugiés dans les pays voisins », ont repris les armes pour rentrer chez eux.
La trahison, c’est maintenant ! et par la grande porte
On n’y est pas encore, mais, pour le moment, et comme d’habitude, Joseph Kabila essaie de trouver un moyen de ramener ces « dangereux » personnages au Congo où, selon plusieurs sources, ils auront le choix entre intégrer les rangs de l’armée et retourner à la vie civile.
Mais comment feraient-ils pour retourner à la vie civile puisqu’en tant que soldats rwandais et ougandais, ils ne viennent au Congo que pour y faire la guerre. Ils ne sont originaires d’aucun village et d’aucune ville du Congo. Il faut bien voir les choses comme elles sont.
Les membres du M23, revenus au Congo, finiront dans les rangs des forces armées, le « seul Congo » qu’ils connaissent depuis la première agression du Congo/Zaïre en 1996.
Les « soldats congolais » commençaient pourtant à croire qu’ils avaient réglé la question des infiltrations et des trahisons qui ont tellement fait mal à l’armée et au moral du peuple congolais… Eh bien non, visiblement. Les trahisons risquent d’être de retour, et elles rentreront par la grande porte.
Le Président dans tout ça ?
A la décharge du Président Kabila, on entend dire que si ces combattants étaient laissés dans la nature, ils risqueraient de reprendre les armes. Mais pourquoi parle-t-on de les « laisser dans la nature » ? Et les crimes qu’ils ont commis ? Et leurs victimes ?
A quoi servent les prisons, les cours et les tribunaux à travers le monde si c’est pour entendre dire que les auteurs de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité, voire de génocide, seraient « laissés dans la nature » ?
Sous d’autres cieux, le Président congolais serait en première ligne pour réclamer inlassablement l’extradition des membres du M23. Des procès seraient déjà en cours dans l’Est du Congo où ces individus ont endeuillé des centaines de familles, violés autant de femmes, pillé la population et provoqué de gigantesques catastrophes humanitaires en répétition.
Mais il faut, hélas, voir les choses en face. Ce n’est que le Congo, disait Susan Rice[6]. Le « Congo de Kabila » à qui on impose n’importe quoi et qui, fidèle à lui-même, est toujours prêt à signer n’importe quoi.
Signer, même lorsqu’il s’agit de signer un véritable « arrêt de mort » du peuple congolais, comme ces cauchemardesques accords du 23 mars 2009[7]. Et il va encore signer à Kampala.
Vivement 2016 !
________________
Boniface MUSAVULI
[1] http://allafrica.com/stories/201311...
[2] Le texte proposé par le facilitateur ougandais stipule que le M23 (avec ou sans sa dénomination actuelle) devrait se transformer en parti politique (article 4). Une mutation qui lui permettrait de revendiquer une présence ostentatoire, sur la scène politique et sur le terrain, notamment dans les territoires qu’il occupait militairement, peu importe l’opposition de ses victimes. Ses membres auront obtenu la garantie d’impunité, l’amnistie figurant à l’article 1.
[3] Dans une interview à RFI, le Représentant de Barack Obama, Russ Feingold, a laissé entendre, au sujet des négociations avec les groupes armés, que le Congo ne serait pas une nation souveraine, contrairement au Rwanda. Lien http://www.rfi.fr/afrique/20131028-russell-feingold-rfi-effort-militaire-pousse-rdc-risque-mettre-peril-pourparlers-kampala-m23-kabila-grands-lacs
[4] http://www.liberation.fr/monde/2013...
[5] http://www.tv5.org/cms/chaine-francophone/info/Les-dossiers-de-la-redaction/Congo-2013/p-26909-Republique-democratique-du-Congo-les-rebelles-du-M23-vaincus-et-apres-.htm
[6] Selon lepoint.fr, citant la revue américaine Foreign Affairs, une réunion s’était tenue, en octobre 2012, au siège de la mission française à l’ONU entre les représentants de la France, du Royaume-Uni et des Etats-Unis. Il était question de condamner le Rwanda pour son soutien au M23 qui commettait des massacres et des viols. Réponse de Susan Rice : « N'y comptez pas ! Ce n'est que le Congo. »
[7] http://radiookapi.net/files/Accord-CNDP-Gvt-23-mars-2009-pdf.pdf. Ces accords avaient été signés par le gouvernement représenté par le Ministre actuel des affaires étrangères, Raymond Tshibanda.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire