Faire
des affaires au Congo ? "Ce n'est pas le pays le plus facile, c'est
évident, confie un homme d'affaires belge qui y a occupé d'importants
postes de direction et qui y demeure très actif. Il ne faut toutefois
jamais oublier que s'il y a de
bons et de
mauvais pays,
à ce que l'on affirme communément, il y a d'abord et surtout de bons et
de mauvais dossiers !"
Le Congo est très prometteur en théorie, puisque
tout y est à (re)construire.
En pratique toutefois,
précisément parce qu'il n'y a pas grand-chose qui fonctionne, la demande
solvable est ténue. En théorie, la grande affaire du moment, c'est la
RSS, pour "réforme du secteur sécurité".
"C'est la priorité que le pays
s'est fixée, explique notre homme. Sécurité est à comprendre au sens
large : il s'agit tant de l'armée et de la police que de la justice. Car
le manque de sécurité juridique et de sanctions à l'égard des brebis
galeuses est un frein aux investissements étrangers aussi puissant que
le délabrement des voies de communication."
Plutôt la compétence que le piston !
La
sécurité, on le comprend aisément, concerne au premier chef les Etats
partenaires et bailleurs de fonds du pays. Il est peu concevable pour
une entreprise belge d'aller frapper à une porte ministérielle pour
proposer ses solutions.
"D'autant que le thème éveille facilement les
susceptibilités locales et qu'il est abordé dans la discrétion, poursuit
notre interlocuteur. Dès lors, en pratique, les débouchés sont plus
évidents dans le cadre de quelques grands projets d'investissement
étrangers."
Et de pointer en direction du secteur minier
katangais, où le groupe américain Freeport, actionnaire de référence de
Tenke Fungurume Mining, a lancé un programme de 2 milliards de dollars.
Les possibilités sont toutefois assez larges, ainsi qu'en témoigne le
succès des missions belges au Congo. Une délégation d'hommes d'affaires
s'y rendra d'ailleurs en novembre.
"Il existe une importante demande
dans le dragage, la construction, l'
engineering, etc. Et la maîtrise technique est beaucoup plus importante que le piston !" Voilà qui mérite d'être creusé.
"Il
faut bien comprendre une chose, explique un autre interlocuteur :
l'état de déliquescence du pays ne signifie pas seulement que les routes
sont impraticables, mais aussi que le pouvoir est faible. Avoir un
ministre pour ami intime ne vous garantit pas d'obtenir un contrat,
surtout pas en province, où un contremaître local a plus de pouvoir que
lui !" C'est donc à ce dernier qu'il faut glisser l'enveloppe ?
"La corruption reste un problème majeur, qui effraie régulièrement les Chinois
(Ndlr : devenus d'importants investisseurs sur place),
répond notre homme. Au moins l'argent de la corruption et du pillage en
col blanc a-t-il aujourd'hui tendance à rester au pays, depuis qu'il
est devenu quasiment impossible de débarquer en Europe avec une valise
bourrée de billets, observe-t-il avec ironie.
Voyez le boom de la
construction à Kinshasa : deux tiers des projets sont des opérations de
blanchiment."
Le pays a-t-il progressé sur un plan plus
classique également ? La situation est clairement meilleure qu'à la fin
des années 1990, juge le premier homme d'affaires.
"Par contre,
j'observe une certaine détérioration par rapport à l'époque du
gouvernement de transition qui a précédé les élections de 2006. Le
pouvoir était alors partagé, tout le monde se surveillait et la gestion
était plus rigoureuse. Assistera-t-on au même sursaut à l'aube des
élections de 2011 ? Je l'espère."
Agriculture, immobilier, transport mais aussi high-tech
Suite
à l'instabilité politique et aux fréquents troubles, nombre
d'entreprises belges se sont retirées de l'ancienne colonie belge.
Certains hommes d'affaires y sont toutefois restés et y ont fait
fortune. C'est le cas de l'incontournable George Forrest, actif dans les
mines, la cimenterie, le génie civil, la banque mais aussi
l'agriculture.
Avec Aldo Vastapane, il possède un élevage de 44.000
têtes de bétail dans le Katanga. Toujours dans le domaine de
l'agriculture, la famille Damseaux, via sa société Orgaman, est devenue
l'un des plus importants investisseurs belges au Congo. Avec leurs
diverses fermes totalisant un cheptel de plus de 60.000 bêtes, les
Damseaux sont le premier éleveur du pays. Ils possèdent également une
société de transformation et de découpe de viande.
La
famille Lippens (Compagnie du Zoute et ex-Fortis) a également tissé des
liens étroits avec l'ex-Zaïre. Depuis 1925, elle y possède une sucrerie à
Kwilu-Ngongo dans le Bas-Congo. La Compagnie sucrière Kwilu-Ngongo est
aujourd'hui la dernière sucrière du pays et fait partie de Finasucre, le
holding familial des Lippens.
Un autre entrepreneur d'origine belge,
Jean-Claude Hoolans, a lui racheté en 2004 la filiale d'Umicore sur
place qui l'employait. Sa société Nocafex s'est développée dans le
transport fluvial de café et de caoutchouc.
Texaf, seule
société cotée sur Euronext Brussels à déployer exclusivement ses
activités en République Démocratique du Congo, y prospère depuis 85 ans.
L'entreprise y a démarré ses activités dans le textile avant de se
diversifier au début de 2000 dans l'immobilier résidentiel en
construisant, entre autres, des complexes de villas et d'appartements
avec piscine pour les expatriés, à Kinshasa.
Elle a récemment racheté
une carrière de pierre (Carrigres) et une société spécialisée dans les
wagons de chemin de fer (Mecelco). Selon Jerôme Roux, l'attaché
commercial belge sur place, elle cherche à présent à se lancer dans les
énergies renouvelables (biocarburants, hydroélectricité).
Il y a encore les sociétés
Chanic dans la construction navale,
Socfinco qui possède des plantations d'huiles et de riz ou encore Deme,
qui effectue régulièrement des travaux de dragage dans le port de
Matadi.
Mais aussi des sociétés actives dans les nouvelles technologies
comme Zetes, le spécialiste des solutions d'identification automatique
des biens et des personnes. Après avoir actualisé les listes d'électeurs
pour le scrutin de 2006, elle vient de remporter un nouveau contrat
dans le cadre des élections de 2011.
Epinglons encore la
spin-off
liégeoise Keyobs, active dans la cartographie, qui emploie une
quinzaine de personnes sur place, ou la PME Rutten Electromécanique.
Colruyt, gros exportateur
D'autres
sociétés belges ne sont pas présentes en RDC mais y exportent. C'est le
cas du distributeur Colruyt, dont on retrouve nombre de produits
(papier wc, mouchoirs en papier, conserves, mayonnaise, dentifrice,
etc.) à sa marque propre
Everyday dans les supermarchés.
Le
Congo représente l'un des principaux marchés du département "export" de
Colruyt, qui réalise un chiffre d'affaires de 20 millions d'euros en
Afrique.
L'an dernier, les exportations belges à
destination de la RDC représentaient 200 millions d'euros. Soit un recul
de 18 % par rapport à 2008 auquel la crise n'est probablement pas
étrangère.
En 2007 et 2008, la tendance était en effet à la hausse (+ 11
% et + 25 %). Ce sont essentiellement des équipements électriques et
électroniques, des produits sidérurgiques et pharmaceutiques qui y sont
expédiés.
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LeVif.be
Guy Legrand et Sandrine Vandendooren
Source : Trends
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