samedi 29 janvier 2011

Renaud Barret raconte l'ascension du film « Benda Bilili ! »

29 Janvier 2011


Le co-réalisateur, Congolais d'adoption, explique l'ascension fulgurante du film par le talent du groupe, leur travail, leur persévérance ainsi que par le réseau de Crammed, la maison de disque, qui a eu un bel effet.

Au raz du bitume et de la poussière des rues défoncées de Kinshasa (RDC), Renaud Barret et Florent de la Tullaye ont filmé pendant cinq ans, ( de 2004 à 2009), les membres du groupe congolais « Staff Benda Bilili ». Paraplégiques, boiteux, enfants des rues, ils étaient mal partis dans la vie, foudroyés par le sort. Mais leur exceptionnel talent musical et la rencontre avec les deux réalisateurs français a changé leur destin. Désormais, ils sont applaudis dans les plus grandes capitales d'Occident. C'est cette exceptionnelle ascension que raconte « Benda Bilili », un film sorti en salle le mercredi 8 septembre 2010 en France.

A en croire Renaud Barret, l'un des auteurs du film, le rêve de Ricky, 55 ans, le leader du Staff « Benda Bilili », est devenu réalité. Après des années d'errance, de galère et de persévérance, le talent de son groupe est enfin reconnu. Il s'est hissé « des rues de Kinshasa au triomphe international ». Après l'album « Très très fort », paru en 2009, voici maintenant le film « Benda Bilili », qui a fait l'ouverture de la Quinzaine des réalisateurs du Festival de Cannes en mai dernier en France.

Renaud Barret et Florent de la Tullaye, les réalisateurs, sont Français, congolais d'adoption. Depuis six ans, ils vivent à Kinshasa où ils ont décidé de construire leurs nouvelles vies, leurs studios et maison de production, « La Belle Kinoise ».

Evoquant l'occasion de sa première rencontre avec le groupe à Kinshasa, Renaud Barret précise que c'était un « pur hasard, lors du tournage de notre premier film, une nuit dans la rue. Nous étions en train de réaliser « La danse de Jupiter », un documentaire 100% musical sur toutes les scènes du ghetto de Kinshasa ». Avant d'ajouter qu'ils n'étaient pas touchés par leur handicap : « On n'a jamais fait de l'humanitaire. On a aimé. Ils auraient eu des jambes, on aurait filmé aussi. Ricky nous a ouvert les portes d'un monde auquel on n'aurait même pas rêvé d'accéder. En plus, il y a le côté social. Les musiciens du Staff Benda Bilili sont légitimes, ils dormaient sur le trottoir. Ils jouent le vrai blues de la rue ».

Quant à l'heure à laquelle ils ont démarré le tournage, Renaud Barret a précisé qu'ils l'ont commencé en 2004. Ce, parce qu'ils avaient envie de matière. Ils n'avaient pas de studio, mais ils filmaient. Au bout de trois ans, ils ont constaté qu'ils avaient plus de 200 heures de rushes, et ils se sont dit : « Ouais! » En plus, quand ils ont vu qu'une maison de disque était avec eux dans la coproduction, ils se sont dit : « Ok, on y va ! » Ils n'avaient pas de scénario, seulement des images. Et c'est dans ces conditions qu'ils se sont lancés.

Evoquant le déroulement du tournage avec le groupe, Renaud Barret a indiqué qu'avec eux, il n'y a eu aucun problème. Pour Ricky, c'était clair, il fallait qu'il y ait des images, un support promotionnel. Donc lui et les musiciens du groupe ont pris cela comme un boulot, de manière très professionnelle.

TALENT, TRAVAIL, PERSEVERANCE

« Nous, de notre côté, on leur a dit : Laissez-nous filmer, et ne nous embêtez pas avec des histoires d'argent, on n'en a pas ! Vous n'avez qu'à regarder les endroits où on vit pour vous en convaincre. On est partis sur l'idée que ce film, c'était notre travail collectif. L'idée était bien intégrée que ce boulot bénéficierait à eux comme à nous », a fait savoir le co-réalisateur de Benda Bilili.

Les musiciens du groupe sont-ils intéressés financièrement au projet ? Pour répondre à cette question, Renaud Barret n'est pas allé par le dos de la cuillère : « Oui ! Il est prévu qu'ils reçoivent environ 10% des recettes du film. Mais, en plus, il y a le problème du documentaire. Est-ce qu'on rémunère les gens pour un document ? On était partis sur le principe simple que notre travail leur permettrait d'être connus. Mais le quotidien de ce groupe au jour le jour te coûte 200Usd par jour. Il y a toujours quelqu'un à dépanner, de l'essence à faire pour celui-ci, aider à réparer le fauteuil de celui-là, le resto, les coups à boire ( ) ».

Le film est sorti directement au cinéma, alors que l'essentiel des documentaires sont diffusés seulement sur le petit écran. En tant que réalisateur, Renaud Barret donne ses explications à ce sujet : « Le film raconte quelque chose au-delà de l'odyssée d'un groupe qui va émerger. Il y a plein d'autres choses à l'intérieur : le pouvoir de la musique, la détermination, la volonté, qui apportent une autre dimension que dans un documentaire musical classique. De plus, la production, Screenrunner, a fait un boulot en amont qui a payé. Dans l'ombre, elle a fait beaucoup d'efforts pour qu'on soit là ».

Comme il est inscrit sur les affiches de leur film, le Staff Benda Bilili est passé « des rues de Kinshasa au triomphe international ». Cette ascension fulgurante, Renaud Barret l'explique d'abord par le talent du groupe ; ensuite, leur travail, leur persévérance ont joué. Mais, c'est surtout le réseau de Crammed, la maison de

A Kinshasa, le Staff Benda Bilili reste très peu connu. Renaud Barret explique cela par le fait que les Kinois « manquent de curiosité. Ils sont surtout dans un système féodal par rapport aux artistes tels que Koffi Olomidé, Papa Wemba, Werrason il y a des pointures très connues qu'on voit beaucoup. Mais les musiciens du Staff Benda Bilili dérangent. Le handicap, c'est très mal vu au Congo. La société bantoue est encore prisonnière de certaines conceptions Les artistes qui occupent le haut du pavé roulent dans des Hummers acquis dans des conditions douteuses. L'existence même des Staff Benda Bilili, sans argent, sans logis, en dit long sur l'état du pays ».

Avec le Staff, ce co-réalisateur français, Congolais d'adoption n'a pas d'autres projets à réaliser.

« Ricky voudrait qu'on fasse un volume 2, mais on est arrivé à un point de saturation. Le film, j'en ai rêvé, j'en ai bouffé. Maintenant, les musiciens du groupe sont à un point où ils doivent faire des choix. On peut toujours leur donner des conseils, nous sommes amis. Mais il y a d'autres artistes qu'on veut soutenir, toujours à Kinshasa. On veut les produire, toujours en les filmant. On a nos studios maintenant à Kinshasa », a annoncé Renaud Barret.

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