samedi 29 janvier 2011

Sud-Kivu : Les citoyens perplexes sur la tenue des élections


Pour de nombreux habitants du Sud-Kivu, la révision du fichier électoral qui tarde et la récente révision de la Constitution sont des signes inquiétants. Certains craignent que les élections attendues avec impatiences pour sanctionner les incompétents et faire changer la situation soient retardées voir annulées.
« Les politiciens ont plusieurs fois reporté la date de la révision du fichier électoral et maintenant ils changent la Constitution sans notre avis. Ils font tout pour allonger les choses. Personnellement, je ne crois plus à l’organisation de ces élections », regrette Madeleine Nabintu, une jeune femme de Bukavu à l’Est de la RD Congo. La grande majorité des gens de la région attendent ces élections avec impatience. Ils sont convaincus que seule la voie des urnes pourra changer la situation et faire comprendre que ce sont les élections et non les armes qui permettent d’arriver aux commandes de l’Etat. Ils pensent aussi que le pouvoir veut prolonger son mandat pour rattraper un peu le temps perdu. Seuls quelques travaux de réhabilitation des routes ont ainsi été lancés ici et là dans le pays depuis décembre dernier.
Ils sont donc impatients de voir débuter la révision du fichier électoral qui devait démarrer dans toutes les provinces le 30 novembre dernier, selon le chronogramme de la Commission électorale indépendante publié en août 2010. Pour des raisons« d’ordre financier et logistique », évoquées quelques semaines plus tard par la CEI, la révision devrait se dérouler province par province. Au Sud-Kivu, elle a été annoncée pour fin décembre, puis reportée sine die.

De l’impatience à la panique

La récente adoption par les deux chambres du Parlement de la révision de la Constitution n’a fait qu’accroître les craintes des électeurs. L’article 71 stipule que les élections présidentielles seront désormais à un seul tour. A deux tours, elles coûteraient 700 millions de dollars alors que le gouvernement déclare n’avoir que 350 millions. Et jusqu’à fin 2010, aucun bailleur ne s’est engagé à aider à financer l’organisation du scrutin. Cette révision remet aussi les magistrats sous le contrôle du ministère de la Justice, elle permet désormais au Chef de l’Etat de révoquer les gouverneurs des provinces qui sont élus par les Assemblées provinciales, le découpage provincial en 26 provinces est abandonné (on ne garde que les 11 provinces actuelles).
Pour les partis d’opposition comme pour de nombreux habitants, cette révision est« une trahison » « Nos élus viennent de changer des lois essentielles sans nous consulter. Ce n’est pas à dix mois des élections qu’on devrait faire cette révision », résume le porte-parole d’un groupe de jeunes de la commune de Kadutu. « C’est la panique parce que nous vivons des moments d’incertitude. Si on doit chaque fois reporter les dates et créer de nouvelles histoires, comme c’est le cas à l’Assemblée nationale, nous allons d’inquiétude en inquiétude », affirme Descartes Mponge, vice-président de la Société Civile du Sud-Kivu.
Les plus impatients sont les jeunes qui ne s’étaient pas enrôlés en 2005 parce qu’ils étaient encore mineurs et aussi les électeurs peu convaincus par la prestation de leurs élus à qui ils veulent le faire payer. « En 2006 j’ai voté un député qui nous a promis monts et merveilles dans notre village. Depuis, il n’est venu qu’une seule fois et n’intervient même pas au profit de notre coin victime d’insécurité », s’indigne Kitoga, originaire du territoire de Mwenga et réfugié à Bukavu. « Nous sommes tous impatients de sanctionner des gens comme ceux-là ! ».

La CEI tente de rassurer


Albert Rubuye, chargé de la formation électorale au Sud-Kivu, réagit à ce mécontentement : « La CEI ne légifère pas et n’a pas de banque. En tant qu’institution d’appui à la démocratie, elle se conforme à ce que décident les autres instances de la République », réagit-il faisant allusion à l’adoption de la révision constitutionnelle. Le 11 janvier, le bureau provincial a cependant clôturé une session de formation des formateurs électoraux, qui devait avoir lieu il y a longtemps. C’est la première de la révision du fichier électoral. Selon lui, ces 14 formateurs vont se rendre à l’intérieur de la province pour former les agents des bureaux de liaison et la révision pourrait commencer dans la deuxième quinzaine de février. Un autre problème est le nombre de centres d’inscription qui a été réduit. Faute de moyens, la CEI ne pourra pas en implanter le même nombre qu’en 2006. Dans certains territoires, les gens seront contraints de marcher toute une journée pour atteindre un centre de vote. La société civile avait proposé l’idée des « centres mobiles » pour pallier ce problème.« Nous avons de nombreuses inquiétudes qui ont été soumises à l’exécutif provincial », conclut D. Mponge. «On espère qu’elles seront prises en compte pour ne pas donner raison à ceux qui disent qu’il n’y aura pas d’élections ».


Yves Polepole
Kinshasa, 28/01/2011 (La Prospérité, via mediacongo.net)

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