dimanche 3 avril 2011

Côte d’Ivoire : "c’était tueries sur tueries" dans la région de Duékoué



Des partisans de Ouattara, le 29 mars à Duékoué, dans l'ouest de la Côte d'Ivoire, le 29 mars 2011 ©AFP









DUEKOUE (AFP)
"C’était tueries sur tueries", témoigne un habitant de la région de Duékoué (ouest) où, du 27 au 29 mars, les exactions des partisans des deux rivaux de Côte d’Ivoire, Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara, se sont succédé de façon effrénée, faisant des centaines de morts.
Duékoué, ville d’environ 75.000 habitants en majorité de l’ethnie guéré, est tombée le 29 mars aux mains des combattants du président reconnu par la communauté internationale, M. Ouattara, après deux jours de combats avec les forces fidèles au président sortant Gbagbo.
"Avant notre arrivée, les pro-Gbagbo avaient emmené les allogènes (qui ne sont pas originaires de la région, ndlr) dans une maison et s’apprêtaient à les brûler quand nous les avons libérés", affirme une source proche des Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI) de M. Ouattara.
Une fois libérés, "ils ont dit qu’ils savaient où se cachaient" ceux qui les avaient rassemblés dans cette maison et "sont allés les attaquer, il y a eu au moins douze morts", ajoute cette source, sans préciser si les FRCI avaient tenté d’empêcher la vengeance.
Dans l’ouest ivoirien, au conflit politique s’ajoute celui entre "autochtones" guéré (réputés pro-Gbagbo) et "allogènes" étangers ouest-africains et d’autres tribus (considérés comme pro-Ouattara).
Depuis la prise de Duékoué par les FRCI, quelque 4.000 personnes se sont réfugiées dans une église par crainte de représailles.
"Nous ne voulons pas rentrer chez nous, nous avons peur", affirme à l’AFP l’un des réfugiés de l’église, protégée par des soldats de l’Opération des Nations unies en Côte d’Ivoire (ONUCI).
Selon l’ONG Caritas, un millier de personnes sont portées disparues ou ont été tuées en trois jours à Duékoué, essentiellement dans le quartier Carrefour.Le Comité international de la Croix Rouge (CICR) a parlé de 800 morts en un seul jour, le 29 mars, l’ONUCI d’au moins 330 morts, la plupart vctimes des pro-Ouattara.
Avant l’arrivée des FRCI, le quartier Carrefour évoqué par Caritas abritait la base des miliciens pro-Gbagbo pour Duékoué et sa région, commandés par un certain "Colombo".
Dans la banlieue de Duékoué, à Niambi, les rues sont désertes.La ville a été en quasi-totalité incendiée, a constaté un journaliste de l’AFP qui a vu de nombreux corps carbonisés dans les décombres des maisons.150 personnes dorment dans des salles de classe.
"Ici les miliciens et les mercenaires libériens de Colombo ont tué 20 personnes avant l’arrivée des FRCI", raconte Kouadio Gao Hubert, habitant de Niambi."Ils ont brulé nos maisons, pillé nos biens et même violé nos femmes", affirme-t-il, ajoutant : "alors, quand les FRCI sont arrivées, nous on s’est vengés, on a brûlé leurs maisons et on a tué ceux qu’on pouvait tuer aussi".
Il n’a pas pu, ou pas voulu, dire le nombre de personnes tuées lors de ces actes de vengeance.
L’engrenage de la violence a touché une dizaine de villes et de villages aux alentours de Duékoué, selon des témoignages recueillis par l’AFP.
Diahouin, petite ville située à 11 km de Duékoué et d’où est originaire un des commandant des milices pro-Gbagbo se faisant appeler "Rambo", n’y a pas échappé.
Kouadio Kouanté, habitant de Diahouin, raconte : "avant l’arrivée des FRCI, il y avait tueries sur tueries.Les miliciens et mercenaires libériens (pro-Gbagbo) ont attaqué les quartiers des allogènes, Ils nous ont chassés et nous sommes partis en brousse.Il y a eu des morts, au moins 40".
Zoe Léon, un Guéré qui avait fui en forêt, est revenu samedi à Diahouin et a demandé pardon : "nos enfants ont reçu des armes et ont fait ce qu’ils ont fait.Nous, les parents ils ne nous ont pas écoutés.Ils ont tué les autres".
Les responsables du camp Ouattara s’en défendent, mais selon plusieurs sources à Duékoué, des membres des FRCI commettent des exactions."Quand ils prennent des miliciens et des mercenaires qui s’enfuient, ils les tuent", affirme l’une d’elles.

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