mercredi 6 avril 2011

La RDC et le syndrome ivoirien


06/04/2011

Joseph KABILA - President de la RDC

En poussant la logique juridique jusqu’au bout, le candidat «Joseph Kabila» ne jouit guère de l’aptitude d’être élu. Il est inéligible. Tout simplement parce qu’il n’a jamais possédé la «nationalité congolaise d’origine», comme le prescrit l’article 72 de la Constitution.

Au sens propre, le vocable «syndrome» est définit comme étant l’«ensemble de signes, de symptômes, de troubles dont les causes sont inconnues ou multiples (par opposition à la maladie). Au sens figuré, c’est «l’ensemble de comportements particuliers à un groupe humain ayant subi ou subissant une même situation traumatisante.» Cette deuxième définition semble mieux cadrer avec le thème de cet éditorial.
«J’y suis, j’y reste !»

Après dix années d’exercice d’un pouvoir solitaire, sans réel contradicteur, Laurent Gbagbo a fini par «accepter» l’organisation de l’élection présidentielle dans son pays, la Côte d’Ivoire. Hormis le thème agressif et un brin méprisant choisi par le président sortant - «Il n’y a rien en face» -, la campagne électorale s’est déroulée sans heurts majeurs. Les deux prétendants à la magistrature suprême se sont affrontés dans un débat radiotélévisé unanimement salué comme un modèle de correction et de respect mutuel pour l’Afrique toute entière.

Seulement voilà, après la publication des résultats du vote donnant la victoire à son challenger Alassane Ouattara, Gbagbo a préféré jouer à «j’y suis, j’y reste !» en organisant la cérémonie de son investiture comme «président élu». L’Histoire retiendra que le président de la Commission électorale indépendante (proche de l’opposition) et le président du Conseil constitutionnel (proche de Gbagbo) n’ont pas peu contribué à jeter l’huile sur le feu. Il est reproché à l’un comme à l’autre d’avoir annoncé des résultats au profit tantôt de Ouattara, tantôt de Gbagbo au lieu de faire recommencer le vote du second tour. A la demande des deux postulants, la Mission onusienne en Côte d’Ivoire avait reçu la charge de «certifier» les résultats. Elle l’a fait. Le vainqueur s’appelle : Alassane Ouattara. C’est la crise. Elle a duré quatre mois avant de se muer en un affrontement armé entre les partisans de Gbagbo et ceux du "président élu" mettant en danger l’unité de ce pays-phare de l’Afrique de l’Ouest. La suite est connue.

Après cinq jours d’affrontements dans la capitale ivoirienne, au cours de la soirée de lundi 4 avril, des hélicoptères d’attaque de la Mission onusienne et de l’opération française «Licorne» ont pilonné une importante partie de l’arsenal détenu par les forces pro-Gbagbo. Au moment où ces lignes sont écrites, le président sortant ivoirien négocierait «les conditions de son départ». «Paris et l’ONU exigent que Gbagbo signe un document de renonciation au pouvoir et reconnaisse la victoire de Ouattara», rapportent des dépêches d’agence. Laurent Gbagbo à l’ego surdimensionné n’est pas le genre à concéder une défaite. Reste que l’homme est en passe de quitter la scène politique africaine par la petite porte de l’histoire. Plusieurs milliers de citoyens ivoiriens ont péri durant cette lutte pour le pouvoir. Pourquoi?
Le syndrome ivoirien

Au mois de novembre prochain, la RD Congo doit - devrait ?- organiser l’élection présidentielle et les législatives. Les consultations politiques au niveau local devrait suivre. L’Etat congolais devrait débourser pas moins de 700 millions de $ US pour financer ces consultations. Les partenaires extérieurs seraient de moins en moins «chauds» à suppléer aux carences des gouvernants qui ont déçu les espoirs suscités en 2006. Certains analystes n’excluent plus le retour à un nouveau dialogue inter-congolais pour mettre en place un «gouvernement de transition» chargé des «affaires courantes» jusqu’à l’organisation hypothétique des élections. Un retour au fameux "partage équitable et équilibré du pouvoir". Une perspective que les forces politiques de l’opposition n’entendent guère accepter. Certains acteurs politiques pensent à recourir à la force des armes. Toutes les conditions paraissent réunies pour que l’ex-Zaïre vive à son tour les événements qui viennent d’ensanglanter la Côte d’Ivoire.

Arrivé au pouvoir le 26 janvier 2001 dans les conditions que l’on sait, le président sortant «Joseph Kabila» a été «élu» en novembre 2006. L’homme n’a jamais fait mystère de sa volonté de se succéder à lui-même en dépit d’un bilan social, économique et sécuritaire en deçà des attentes de la population. Pour lui, tous les moyens sont bons pour rester Calife à la place du Calife. Après avoir muselé tous les contre-pouvoirs et procéder à l’élimination physique de certains contempteurs (cas notamment du défenseu des droits humains Floribert Chebeya), il a tripatouillé la Constitution en s’arrogeant des prérogatives dictatoriales. Le scrutin présidentiel est réduit à un seul tour. Une manière de couper l’herbe sous les pieds de toute coalition des partis adverses. Aux dernières nouvelles, «Kabila» et son entourage envisagent de découpler le scrutin présidentiel des législatives. Notons qu’à la tête de la Commission électorale nationale indépendante, le président sortant a nommé son «conseiller spirituel», Daniel Mulunda Ngoy Nyanga. Un homme au passé sulfureux. Tous les grands corps de l’Etat sont dirigés par des «hommes du président» : le gouvernement, l’appareil judiciaire, l’Assemblée nationale, les entreprises publiques et les régies financières, l’armée, la police, les services de renseignements civils et militaires, les médias publics, l’administration publique, la territoriale etc.
Inéligibilité

En poussant la logique juridique jusqu’au bout, le candidat «Joseph Kabila» ne jouit guère de l’aptitude d’être élu. Il est inéligible. Tout simplement parce qu’il n’a jamais possédé la «nationalité congolaise d’origine», comme le prescrit l’article 72 de la Constitution. C’est assez étrange que les citoyens congolais ont passé ce fait gravissime par perte et profit comme si un mensonge pouvait se transformer en vérité suite à un écoulement du temps. Est-il besoin de souligner qu’en France et aux Etats Unis ne peut être candidat au poste de président de la République que les personnes qui ont acquis la nationalité respective "de naissance". En France, tout Français naturalisé ne peut être candidat à ce poste qu’après un délai de dix ans. Lors de l’élection présidentielle de 2006, l’âge du candidat a été ramené de 40 à 30 ans pour permettre à "Joseph" d’obtenir l’éligibilité. Quel peuple naïf ? Comment ne pas donner raison à ceux qui clament que le Congo-Kinshasa est victime d’une conspiration internationale? Le cas «Kabila» constitue en réalité un "chef d’œuvre" d’imposture. Question : A qui profite cette imposture?

Né à «Hewa Bora II», une localité fictive dénuée de toute existence légale, «Joseph Kabila» a foulé le sol de ce qui s’appelait encore le Zaïre, en 1996 lors du déclenchement de la guerre dite de l’AFDL. Il avait 25 ans. «Après avoir terminé les études secondaires à Dar es Salaam et fait, comme tout le monde en Tanzanie, une année de service militaire, les jumeaux sont envoyés à l’Université de Makerere en Ouganda», déclarait la dame Sifa Mahanya dans une interview au «Soir» de Bruxelles daté du 2 juin 2006. Traduction : Joseph et sa soeur Jaynet ont fait le service militaire en Tanzanie. Des sources proches de la Présidence de la République assurent que «Joseph» et sa fratrie détiendraient encore des passeports tanzaniens. "La nationalité congolaise est une et exclusive, stipule l’article 10 de la Constitution. Elle ne peut être détenue concuremment avec aucune autre". Au nom de la "libération", "Joseph" a été promu chef d’état-major des forces terrestres de l’armée congolaise. C’est à ce titre qu’ il a été désigné chef d’Etat pour succéder à son père putatif, Laurent-Désiré Kabila. "La désignation de Joseph Kabila a été acquise à l’issue d’un vote à bulletins secrets des membres du gouvernement et des chefs militaires", dira Léonard She Okitundu dans une interview accordée au quotidien français «Le Monde».

Lors de l’élection présidentielle de 2006, le président-candidat n’a jamais été en mesure de présenter son acte de naissance ou encore un "jugement supplétif" censé en tenir lieu pour certifier sa qualité de «Congolais d’origine». Pour tout document, le président-candidat n’a pu brandir qu’un passeport congolais (voir photo). Question : De quel document d’état civil provenaient les mentions inscrites dans ce passeport?

Présenté comme «fils» de LD Kabila, un Muluba du Katanga (Lubakat), «Joseph» dont le lieu de naissance reste controversé autant que sa filiation a été proclamé «Muluba du Katanga» par la volonté du Grand chef coutumier Kasongo Nyembo. C’était en février 2005. Une aubaine pour le numéro un Congolais sorti du néant de se doter d’une base sociale. Dans les mêmes circonstances de temps, une association dite des «communautés du Maniema» publiait un communiqué de soutien à Sifa Mahanya, «la mère du chef de l’Etat». Grâce à quelques opportunistes Balubakat, «Joseph» a acquis un «fief artificiel» en l’occurrence la Province du Katanga et par extension toute l’aire swahiliphone du pays. Ce sont les complices intérieurs du pouvoir kabiliste. «Kabila ou rien !», c’est le slogan scandé en 2006 par des personnalités balubakat. C’est le cas notamment de Gabriel Kyungu wa Kumwanza, actuel président de l’assemblée provinciale. D’aucuns prêteraient à l’actuel gouverneur du Katunga, Moïse Katumbi, la déclaration selon laquelle "Toute candidature contre Joseph Kabila serait le fait de fumeur de chanvre".
Conclave

Mi-février dernier, plusieurs personnalités lubakat ont organisé un «conclave» dans la ville de Kamina (District du Haut Lomami), province du Katanga. Un seul point était à l’ordre du jour : élaborer des stratégies pour assurer la victoire de «Joseph Kabila Kabange» au scrutin présidentiel de novembre 2011. Le gouverneur de la Banque Centrale du Congo, Jean-Claude Masangu Mulongo, le patron «suspendu» de la police nationale, John Numbi Banza, les députés Jean Mbuyu et Vicky Katumwa, le ministre Célestin Mbuyu, le président de l’assemblée provinciale du Katanga Gabriel Kyungu wa Kumwanza, l’actuel procureur général de la République Flory Kabange Numbi étaient présents. L’Etat congolais est devenu "la chose" d’un groupe maffieux.

Issu de l’AFDL, un mouvement rebelle prétendument congolais mais qui a été en réalité une trouvaille rwando-ougandaise, «Joseph Kabila» jouit de quelques soutiens opportunistes à l’extérieur et particulièrement au Rwanda et en Ouganda, deux pays dont les dirigeants ont porté LD Kabila au pouvoir le 17 mai 1997. N’est-il pas troublant que l’Etat congolais peine depuis plus d’une décennie à rétablir son autorité dans les deux provinces du Kivu et dans la Province Orientale qui partagent des frontières avec ces deux pays? C’est un secret de Polichinelle de relever ici que les services publics les plus sensibles sont infiltrés par des «agents de l’étranger» et autres miliciens issus des groupes armés qui ont semé et sèment encore l’insécurité pour les personnes et les biens à l’Est. La survie de ces deux nations dépend du maintien de la RD Congo dans un état d’instabilité permanente. «Kabila» incarne «le régime ami» que les maîtres de Kigali et de Kampala rêvaient d’installer à Kinshasa.

Comme Laurent Gbagbo, «Joseph Kabila» aime le pouvoir. Plus pour le pouvoir que pour servir le bien commun. Comme Gbagbo, «Kabila» pensait qu’«il n’y a vraiment rien en face». Depuis l’annonce de la candidature d’Etienne Tshisekedi wa Mulumba, l’homme paraît désemparé et agité. Il multiplie des ruses. Il est conscient qu’il est impopulaire et ne peut triompher face à une personnalité charismatique tel que «Tshi-Tshi» dans une élection présidentielle «libre, démocratique et transparente». Comme Gbagbo, «Kabila» a déjà démontré qu’il est capable de mettre le pays à feu et à sang pour garder son fauteuil présidentiel. Cette fois-ci, «Joseph» et ses complices internes et externes risquent de se tromper énormément. Ils trouveront en face d’eux des patriotes décidés à s’opposer à un nouvel hold-up électoral. Des patriotes décidés à rompre avec le fatalisme ambiant en payant le prix pour redonner au Congo sa viabilité à l’intérieur et de la respectabilité à l’extérieur. Ils trouveront en face d’eux, des patriotes décidés à tourner définitivement la page d’un système fondé sur le mépris de la vie et de la dignité de la personne humaine et l’écrasement des plus faibles par les plus forts. Un système qui a confisqué l’espoir …

Baudouin Amba Wetshi
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