mercredi 1 juin 2011

Sexe, mensonge et vidéo à la sauce sénégalaise

Vengeance, chantage, erreur... Au Sénégal, plusieurs personnes ont vu leur vie bouleversée par la diffusion de photos intimes sur Internet. Un phénomène inquiétant qui remet en cause les valeurs fondatrices de la culture sénégalaise.

30 days of 85mm, by Photography King 

L’affaire DSK a fait une victime collatérale au Sénégal. Y.D. Diallo, une étudiante dans un établissement privé dakarois, a vu sa photo de profil sur Facebook diffusée par des médias sénégalais (TFM) et internationaux (France 24) qui l’ont présentée comme étant la victime présumée de Dominique Strauss-Kahn à New York le 14 mai 2011. Une méprise qui lui a porté préjudice. «C’est une amie qui m’a appelée pour me dire que ma photo a été diffusée à la télé et publiée sur le Net. Lorsque j’ai vérifié, je me suis rendue compte qu’elle disait vrai. Depuis, je suis choquée et je vais porter plainte», a-t-elle déclaré au cours d’un point de presse avec ses avocats.
Si ce cas a pu émouvoir, le préjudice qu’elle a subi est de loin moins important que celui de C.N.S., une femme cadre sénégalaise dans une compagnie d’assurance, dont les photos en très petite tenue sont encore disponibles sur Internet. A l’origine de ce déballage, la vengeance d’une épouse trompée. Les photos destinées à son amant sont tombées entre les mains de la femme de celui-ci. Mécontente, la rivale a tout simplement envoyé les photos dans la mailing-liste de la compagnie d’assurance. Et, depuis, les photos font le tour de la Toile. Une situation pénible pour la jeune femme, qui a porté plainte mais sans grands résultats: la femme coupable de ce délit réside aux Etats-Unis. L’affaire a longtemps défrayé la chronique au Sénégal.
Elsa Santiago, une Cap-Verdienne résidant à Dakar, a subi le même sort que la femme cadre. Son ex-copain, un tatoueur français a voulu se venger d’elle après qu’elle a rompu avec lui. Mécontent, Luc a usé du même procédé que la rivale de C.N.S. Il a diffusé sur Internet les photos de nus et les vidéos de ses ébats avec son ex-concubine. Ce qu’il a accompagné de ce commentaire vengeur: «Elsa la petite copine de l’actuel directeur général de…» et de donner le nom d’une grande cimenterie sénégalaise. A la barre du tribunal, Luc a voulu s’amender en déclarant ignorer la culture sénégalaise: «Je ne savais pas que c’était mal. Ce n’est pas de la pornographie, c’est de l’art. En France, cela n’aurait pas choqué.» Il a écopé d’une peine de six mois de prison ferme assortie d’une amende de 7 millions de francs CFA (environ 10.500 euros).

Règlements de comptes politiques

Diombass Diaw, responsable politique du Parti démocratique sénégalais (PDS, au pouvoir) à Dagana (ville du nord du Sénégal à 408 kilomètres de Dakar), a été l’acteur d’un "film pornographique" diffusé sur Internet par ses adversaires politiques. M. Diaw a été filmé à son insu en tenue d’Adam par Khadija Mbaye, une jeune commerçante qui a affirmé avoir été payée par des proches collaborateurs du ministre d’Etat Oumar Sarr, maire de la ville de Dagana et rival politique de Diombass Diaw. Il a affirmé que cette vidéo était utilisée comme moyen de chantage mais que cela n’a pas marché, raison pour laquelle elle a finalement été postée sur le Net. Diombass Diaw a porté plainte à la Division des investigations criminelles. Au terme du procès, Khadija Mbaye «la réalisatrice» et certains proches d’Oumar Sarr ont été condamnés à une peine de six mois de prison ferme assortie d’une amende de 10 millions de francs CFA (plus de 15.000 euros).
Si Diombass Diaw a préféré affronter ses maîtres-chanteurs au risque de dévoiler son intimité au grand public, tel n’a pas été le cas pour plusieurs responsables politiques qui ont accepté de se ranger derrière des rivaux à la suite de pressions de ce genre.
Au Sénégal, les codes comportementaux comme le «kersa» (pudeur, retenue) et le «sutura» (discrétion) occupent une place importante. Ils régissent la vie sociale et définissent la ligne de démarcation entre le légal et l’illégal. Avec Internet et la publicisation de la vie intime, ces codes prennent un sacré coup.
Des photos d’adolescentes sénégalaises nues diffusées sur Internet ont défrayé la chronique dans le paisible quartier de Liberté 5 de Dakar, la capitale. Les filles, mineures au moment des faits, avaient reçu chacune 13.000 francs CFA (20 euros) pour cette séance de strip-tease. Des vidéos pornographiques tournées sur la Petite Côte montrant les ébats de jeunes filles ont fait sortir de leurs gonds les associations de défense des valeurs islamiques.
Une séance de tam-tam montrant des femmes d’âge mûr mimant l’acte sexuel dans le plus simple appareil a également fait le tour de la Toile. Les femmes apparues sur la vidéo ont été convoquées à la Division des investigations criminelles et appréhendées pour cybercriminalité et atteinte à la pudeur.
En juillet 2010, un charlatan a été arrêté après que des vidéos et photos de ses clientes en tenue d’Adam ont été découvertes sur des sites pornographiques.

Ndèye Khady Lo
SlateAfrique

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