dimanche 25 mai 2014

Les fameuses relations franco-africaines


Pour faire oublier la Françafrique tant décriée à juste titre, caractérisée par l’affairisme sur fond de pillages des matières premières et de soutien aux régimes dictatoriaux, voire de déstabilisation, une certaine classe politique française a souhaité privilégier, dans les les futures relations entre la France, les intérêts des peuples. 


Ainsi a-t-elle fait la promesse solennelle de réduire, sur le plan militaire, le nombre de bases permanentes dans le continent africain. Mais elle a sous-estimé le poids considérable du lobby militaire et la crise qui frapperait de plein fouet les pays occidentaux.

Les bonnes intentions

Deux constats s’imposent. Primo, à travers le continent africain, la présence militaire française s’est accrue. En effet, au moins 20 900 soldats français sont déployés sur 11 bases qui permettent un déploiement rapide et efficace sur les différentes zones de tension. 


Secundo, la croissance économique sourit à l’Afrique au moment où la conjoncture est de plus en plus médiocre en Occident. Après les interventions militaires de la France au Mali, ainsi qu’en Libye et en Côte d’Ivoire, et en pleins préparatifs d’une nouvelle escalade en Centrafrique, le sommet de l’Elysée pour la paix et la sécurité en Afrique, lequel s’est tenu le 6 décembre 2013 à Paris, a pourtant mis l’accent sur un vaste programme pour aider le continent africain à se doter des moyens de sa défense. 

Plus récemment, à la demande d’Abuja, quelques présidents africains[1] se sont retrouvés à Paris dans le cadre d’un sommet extraordinaire sur la sécurité au Nigéria[2]

Il fallait donc améliorer la coopération entre ces pays que les djihadistes utilisent comme bases de repli, viviers d’otages et zones de transit pour le trafic d’armes et de drogue. 

Cela éviterait une éventuelle déstabilisation régionale, et une jonction entre Boko Haram et des groupes extrémistes en Centrafrique, au Soudan, au Congo-Brazzaville et au Congo-Kinshasa. 

Evidemment, grâce à ses points d’appuis militaires, seule la France peut intervenir dans le meilleur délai dans les différentes zones de conflits en Afrique.

Les outils de la dissuasion

Le puissant dispositif militaire déployé en Afrique appuie de manière efficace la diplomatie française dans les tractations, et aussi le rapport de force, avec les pays concernés. 


En tout cas, près de la moitié de 20 900 militaires français cantonnés à travers le continent africain appartient aux forces prépositionnées, lesquelles sont réparties sur quatre bases permanentes : à Djibouti pour contrôler la mer Rouge, sur la base maritime au Sénégal pour mieux surveiller une partie de l’océan Atlantique ainsi que les pays environnants, au Gabon pour avoir un droit de regard à la fois sur le golfe de Guinée et les zones pétrolifères longeant les côtes gabonaise, congolaise et angolaise. 

Enfin, à Mayotte pour mieux contrôler l’océan Indien. Les autres militaires participent à des Opex[3] comme au Tchad, au Mali et en Centrafrique[4]

Par ailleurs, l’installation de chaque base militaire française dans un pays africain est accompagnée d’une assistance technique[5] permettant, en cas de crise, de voler au secours du pouvoir en place en matière de réforme constitutionnelle, voire de modification du système administratif, pour museler l’opposition – qu’elle soit politique ou armée. 

Bien entendu, tout cela est couronné par des missions de coopération militaire en vue de la création, de l’équipement et de la formation des gardes prétoriennes et des polices secrètes en mesure de surveiller les opposants séjournant dans le territoire français.

Ce dispositif a toujours permis à Paris de pratiquer avec habileté, au regard de ses partenaires africains, la politique de la carotte et du bâton. 


Ainsi parvient-on à faire chanter les Chefs d’Etat d’Afrique, en faisant subtilement émerger des oppositions non conscientes, armées ou politiques, que l’on manipule à souhait – la finalité consistant, dans l’absolu, d’affaiblir encore plus les potentats en place dans le but de leur faire signer les contrats que l’on veut obtenir. 

Les dirigeants africains qui s’opposent au diktat des forces étrangères finissent souvent comme le président Laurent Gbagbo, ou le colonel Mouamar Kadhafi.

La raison du plus fort

« Les Etats n’ont pas d’amis. Ils n’ont que des intérêts », ne cessait de répéter le général De Gaulle. Dans les relations entre les forces étrangères et les pays d’Afrique, les dictateurs ont toujours été les dindons de la farce. 


Le cas du maréchal Mobutu Sese Seko est une parfaite illustration. Ne jette-t-on pas la peau, après avoir pressé le citron ? 

Il est très difficile pour les pays occidentaux, lesquels ont toujours agi en tant que dominants, d’œuvrer en faveur de l’épanouissement des pays qu’ils ont constamment exploités, pendant qu’eux-mêmes sont en proie à la crise économique. 

La raison du plus fort étant toujours la meilleure, l’appât du gain les incitera sans arrêt à se justifierer, en période de récession, en expliquant la main sur le cœur que l’enfer est pavé de bonnes intentions. 

Il revient donc aux acteurs politiques africains, de la majorité comme de l’opposition, de comprendre enfin que l’on ne bâtit pas une Nation au détriment des populations qui la composent. 

L’Afrique ne retrouvera la paix et ne connaîtra la prospérité que le jour où ses Chefs d’Etat seront réellement élus par les peuples et non imposés par les étrangers. 
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Gaspard-Hubert Lonsi Koko

[1] Le Nigérian Goodluck Jonathan, le Nigérien Mahamadou Issoufou, le Camerounais Paul Biya, le Tchadien Idriss Déby et le Béninois Yayi Boni.

[2] Plus précisément autour de la question du groupe islamique Boko Haram.

[3] Opérations extérieures.

[4] Dont les principales sont les opérations Licorne en Côte d’Ivoire, Epervier au Tchad, Eufor au Tchad et en Centrafrique, Boali en Centrafrique, Léopard au Zaïre, Serval au Mali et Sangaris en Centrafrique.

[5] Par le recours à un agent des services secrets et un conseiller juridique.

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