Tout laisse croire que l’hallali a sonné pour le vieux Lion de la Révolution libyenne : dans la matinée du 22 août 2011, les rebelles contrôlaient plus de 80% de la capitale libyenne, Tripoli.
Pris en étau par les différentes factions rebelles, lâché par le dernier carré de fidèles, ses deux fils tombés dans la nasse des rebelles, Kadhafi est un roi nu. Et les habitants de Tripoli, étendards du Conseil de transition au vent, acclament les insurgés en libérateurs.
Après la chute de la maison Kadhafi, commencera pour le Conseil national de Transition (CNT) la mère des batailles, celle de la paix. Et l’ivresse de la victoire ne devra pas faire oublier l’immensité du chantier. Le CNT pourra-t-il poser la mitraillette, se munir du fil à plomb du maçon et de la parole du pacificateur pour réinventer un pays neuf, libre et réconcilié ?
« A partir du moment où un opprimé prend les armes au nom de la justice, c’est dans l’univers de l’injustice qu’il pénètre. Et c’est là que commence tout le problème », disait Albert Camus. Le devoir du CNT est effectivement de se sortir et de sortir le pays de l’injustice ; ce qui passe par l’érection d’une architecture démocratique avec des institutions fortes ; ensuite, il faudra réussir à faire du CNT un organe homogène avec une vision démocratique comme colonne vertébrale ; pari difficile vu que le seul motif qui réunit ses factions, disparates, est le départ de Kadhafi.
Mélanger des islamistes, des transfuges du système Kadhafi et de jeunes anars Facebookés dans un même bocal sans risque d’explosion tient du génie conjugué du chimiste et du démineur.
Un autre challenge consistera à mettre sur pied une armée nationale et républicaine en réussissant une greffe sans rejet de joyeux drilles de l’insurrection, combattants improvisés, seulement auréolés de leur victoire, et d’officiers de l’armée régulière, vaincus certes, mais attachés aux prébendes de la hiérarchie militaire.
Les futurs dirigeants de la Libye réussiront-ils à se déprendre de la mainmise des pays qui les ont chaperonnés ? Les bombardiers français, les drones Predator, les missiles Tomahawks yankee et les instructeurs anglais ont largement contribué à la victoire des insurgés.
Et tout l’art du CNT consistera à ménager ses amitiés occidentales, fortement attirées par l’or noir et les contrats de reconstruction, sans léser le peuple libyen, qui attend beaucoup de la manne pétrolière. Ménager le chou et la chèvre, voilà la quadrature du cercle !
Enfin il y a la tentation qui guette toute armée victorieuse. En tirant légitimité de sa victoire militaire, le CNT risque de confisquer le pouvoir et de reconduire le schéma qui a conduit à l’insurrection de Benghazi. En septembre 69, des foules en liesse ont accueilli le jeune lieutenant de 27 ans qui a renversé le monarque Idriss 1er.
Les mêmes foules, 42 ans après, acclament les nouveaux libérateurs. L’histoire se répète, et le CNT ne doit pas l’oublier. Après Kadhafi, ce ne sera pas le farniente avec des houris et du lait de chamelle dans une oasis qui attend les vainqueurs, mais les douze travaux d’Hercule ! Sauront-ils y faire face ?
Saïdou Alceny Barry — L’Observateur Paalga
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