Publié le 19 décembre 2011
Depuis le 15 décembre 2011, nous avons publié une communication de la Radio britannique BBC intitulée «Nous posons des questions difficiles» relatives au coup de projecteur que ce média met sur la RDC «afin d’éclairer tous les enjeux des élections du 28 novembre» 2011.
Cela à travers des interviews et reportages. Lesquels, curieusement, ne sont réalisés qu’à Kinshasa, Lubumbashi, Kisangani, Bukavu et Goma. Les questions difficiles sont les suivantes : «Les puissances étrangères font-elles la pluie et le beau temps en RDC ? La démocratie est-elle incompatible avec le développement ? Comment la RDC profiterait-elle véritablement de son potentiel minier ? Les voisins du Congo s’immiscent-ils dans les affaires internes du pays ? La RDC est-elle condamnée à rester une menace pour la stabilité régionale ?»
Ces interrogations appellent des sous questions telles que «Pourquoi doit-on poser, en ce moment-ci, de questions tendancieuses aux Congolais et surtout de l’Est du pays ?» Des interrogations autour desquelles Le Potentiel a jugé bon de débattre avec les élites intellectuelle et politique du pays. Le premier à ouvrir le feu : l’analyste politique Pierre Mbemba.
La première question de BBC : les puissances étrangères font-elles la pluie et le beau temps en RDC ?
D’entrée de jeu, on peut confirmer cette question parce que quand nous regardons ce qui se passe dans notre pays, nous voyons que les puissances étrangères essaient d’avoir la mainmise, cherchent à contrôler notre système politique, économique parce qu’il y a des intérêts très importants dont elles veulent être les maîtres. Cette question est bien à propos parce que je crois que les journalistes de la BBC cherchent à savoir quelle serait la réaction de l’intelligentsia congolaise. C’est une espèce de balle qu’on lance pour voir si on va la saisir au bond. C’est à nous de comprendre ce qui est caché derrière cette question.
Il y a une évidence : ces puissances étrangères savent ce qu’elles contrôlent ou cherchent à contrôler. Et qu’aujourd’hui, ce ne sont plus des hommes politiques qui décident, mais les multinationales, les financiers ?
Justement. Lorsque les puissances veulent opérer, elles commencent par faire des tests pour voir comment l’autre va réagir. Quand elles ont leur projet, elles ont aussi leur stratégie. Maintenant, elles doivent savoir si leur planification correspond aux réactions internes. C’est cela le sens profond de cette question-là. Elles veulent donc voir comment les Congolais vont réagir. Et en fonction de cela, elles chercheront à rectifier ou affûter leur stratégie. Ce sont des questions très délicates. Et nous devons y réfléchir plus d’une fois. Si nous ne réagissons pas, elles vont se dire que les Congolais ne savent rien du tout. S’il y a des réactions, elles comprendront qu’il y a des gens qui prennent conscience que leur pays souffre de turbulences à cause de différentes interférences …
Comment pouvez-vous justifier le choix de l’Est du pays, alors que ces questions concernent toute la RDC ?
BBC a choisi Kinshasa parce que c’est le siège des institutions nationales. Et quand vous prenez la zone des richesses minières, c’est à l’Est. C’est la ligne que BBC a tracée : du Haut-Congo (Province Orientale) jusqu’au Katanga. On veut savoir, comme je l’ai dit, quelle sera la réaction de la population de cette partie de la République, quelle serait éventuellement son indifférence vis-à-vis de ces problèmes ? En fonction de cela, ils vont affiner leur stratégie. En fait, ils cherchent à provoquer les Congolais pour voir s’ils vont réagir ou pas. Quand quelqu’un mène une enquête, il a déjà au préalable un objectif déjà fixé et qu’il confronte sur le terrain. Ne va-t-on pas tomber dans le piège de la balkanisation dans la mesure où cette population de l’Est qui, généralement, n’est pas bien informée, risque de jouer le jeu de BBC ? Ce média pourrait faire croire que c’est l’opinion congolaise qui s’est exprimé à travers les reportages et autres interviews. Et dire que l’Est du pays est déconnecté ou mieux détaché du reste de la RDC… Le piège est là. Il est quasiment permanent. Comme je le dis toujours, il appartient à l’élite congolaise de se saisir de ce problème et de dire qu’on ne peut pas laisser notre pays devenir un champ libre où n’importe qui peut venir paître. Mais cela dépend de nous.
Ne trouvez-vous pas qu’il y a un problème dans notre pays. Comment voulez-vous qu’une Radio étrangère se permette de mener une enquête sur les Congolais en utilisant ceux-ci ? Curieusement, on n’enregistre aucune réaction ni de la part du pouvoir ni de celle de l’opposition, même de soi-disant intellectuels. Il y a quand même un problème ?
Effectivement, il y a un problème. Dieu merci ! Parce que, de temps en temps, vous provoquez, sur Télé 7 et dans Le Potentiel, des débats pour épingler ce problème. C’est une évidence. Comme je l’ai toujours dit, nous vivons comme des gens qui sont dans un Etat en hibernation : on ne fait jamais attention à ce qui se passe autour de nous, encore moins ce qui se passe en périphérique. Mais les puissances étrangères, c’est dans leur culture. Pour elles, avant de faire quelque chose, d’entreprendre une action, il faut d’abord voir si cela va marcher ou non. Si elles ne voient aucune réaction vigoureuse de la part des Congolais ou de l’élite congolaise, elles y vont carrément, car il n’y a pas d’obstacles.
Mais pourquoi BBC a-t-elle choisi ce moment pour réaliser ce travail ? Dans sa communication, elle dit, par exemple : «… afin d’éclairer tous les enjeux des élections du 28 novembre».
C’est parce qu’ils veulent savoir si un changement peut survenir après ces élections, s’il va se produire une hécatombe, comme nous l’entendons. Pour eux, c’est important. Nos réactions leur permettront de voir comment ils peuvent affiner leur stratégie. En fait, on teste. Si c’était, par exemple, en Russie, Iran, au Venezuela ou même au Rwanda, pourrait-on accepter que de telles questions soient posées par une Radio ? Je pense que BBC a raison de poser ses questions. Il nous appartient de pouvoir réagir ou non.
Normalement, c’est aux médias congolais de le faire. Et puis, l’espace médiatique congolais est couvert par plus de radios internationales. Ne se pose-t-il pas aussi un problème d’éthique ?
Pourquoi ? Il y a combien de stations de radio et de télévision de la RDC qui émettent dans des pays étrangers ? C’est parce que nous ne sommes pas efficaces. Quand on sait qu’on devient une puissance, on en prend conscience et on essaie de s’afficher. Mais quand on n’a pas la conscience, encore moins la connaissance, on laisse venir tout le monde. C’est notre propre faute. Il ne faut pas condamner les autres.
La deuxième question de BBC : la démocratie est-elle incompatible avec le développement ?
Pas du tout. Dans la mesure où on comprend ce qu’est la démocratie, elle devient compatible. Mais si on a une connaissance étriquée de ce concept, cela devient incompatible, c’est-à-dire que cela ne va pas permettre que le développement puisse se réaliser. Et c’est parce que vous allez perdre votre temps à vous tirer dessus, à vous chamailler, à guerroyer. Entre-temps, le pays n’avance pas mais recule. C’est cela le double sens de cette question.
Est-ce parce que la Chine n’est pas démocratique …
Pourquoi dites-vous qu’elle n’est pas démocratique ?
Selon les critères des Occidentaux…
Quand je prends le dictionnaire, il n’est pas dit que la démocratie est définie selon l’Occident… Mais le dictionnaire n’explique que ce que l’Occident pense : Etat de droit, un gouvernement, liberté de presse, société civile… En sociologie politique et en droit, il existe plusieurs écoles. Tout dépend de quel bout on prend pour analyser. Vous connaissez mon point de vue, même depuis que j’étais à l’Université. Je disais qu’on ne pouvait pas imposer la démocratie du type occidental dans les autres pays. Déjà, en Occident, la façon d’appliquer la démocratie en Belgique n’est la même en France, encore moins en Hollande, alors que ce sont des pays voisins. C’est parce que la démocratie exprime la transpiration, la respiration d’un peuple. Tous les peuples ne respirent pas de la même façon. Notre erreur réside dans le fait que nous ne voulons pas développer notre démocratie. Dans notre culture ancestrale, nous connaissions notre démocratie parce que nous savions comment assurer le fonctionnement de l’Etat pour que tout citoyen puisse y trouver son compte. La démocratie ne doit pas être un problème d’étiquette. On a observé que, dans les pays où la démocratie existe, on a tendance à constater qu’il n’y a que deux ou trois partis. D’ailleurs, lorsque vous prenez les Etats-Unis et l’Angleterre, on ne parle que de deux partis. Et on nous dit que ce sont des pays à vieille démocratie. Donc, nous ne devons pas tomber dans le piège. Nous, nous avons cru qu’en nous proposant la démocratisation, nous allions fragmenter notre action sociale. C’est ce que nous sommes en train de vivre aujourd’hui. Nous passons notre temps à pinailler sur des choses qui nous retardent et non sur des choses qui doivent nous permettre d’avancer.
Le piège est là du fait que le contenu des termes démocratie et développement est fait par rapport par l’Occident. Et durant la colonisation, on disait que les Européens sont venus nous civiliser. Donc, le mot colonisation a été justifié par celui de civilisation…
Et on ne parlait pas de démocratie en ce moment-là…
Effectivement. Et le terme développement est apparu lorsque nous sommes devenus indépendants. On disait qu’on va développer les peuples barbares. Ne tombons-nous pas dans ce piège ? Et quand on pose cette question aux Congolais, aux élites congolaises, c’est pour répondre à leurs attentes par rapport à leurs critères…
C’est à nous de répondre selon nos attentes, selon nos critères. Personne ne peut nous obliger à répondre selon ses critères. Faudrait-il encore que nous ayons conscience de nos propres critères. C’est cela le grand problème pour les Africains. Après avoir étudié, pourquoi n’avons-nous pas pris conscience pour concevoir un système qui nous permette de nous prendre mieux en charge, de pouvoir mieux gérer notre espace économique, social, technique, technologique. C’est nous qui devons réfléchir. Mais pourquoi devons-nous toujours faire référence à l’extérieur ?
A travers de quelles questions, cela ne peut-il pas justifier demain qu’il y ait un pouvoir autoritaire ou dictatorial pour dire que c’est dictature qui donne le développement ? Très souvent, on cite le cas du Rwanda comme exemple pour comparer la situation qui prévaut au Congo. En fait, pour dire que vous avez organisé des élections au Congo et voilà que cela ne marche pas. Il vous faut un pouvoir autoritaire ?
C’est possible. Ce sont des hypothèses qu’on peut développer. Je pense que nous devons rechercher à savoir si nous, Congolais, nous devons développer une démocratie du type occidental. Encore faudrait-il démontrer qu’il existe une démocratie du type occidental ? Moi, je n’y crois pas. Quand vous allez en Suède, la démocratie ne fonctionne pas de la même façon qu’en France, Belgique ou en Italie, par exemple.
Nous avons la création des partis politiques, d’un côté et l’organisation des élections, de l’autre. Très souvent, cela ne débouche que sur la guerre civile et les désordres. Il n’y a jamais eu en Afrique les choses qui marchent après les élections…
Je crois qu’un jour, l’histoire me rendra la reconnaissance parce que j’ai eu le courage de dire, non pas sur une chaîne périphérique, mais sur la chaîne d’Etat, la RTNC 2, que la démocratie, tel qu’on nous l’a imposée, va plus compliquer notre vie que nous permettre de résoudre nos problèmes. Voilà, nous y sommes ! Parce que nous avons accepté quelque chose sans savoir quel était son contenu. Beaucoup de gens parlent de démocratie mais ne savent pas qu’elle n’est pas synonyme de 1 000 partis politiques. Qu’elle ne veut pas dire que chaque peut faire ce qu’il veut quand il veut, comme il veut. Ce n’est pas la démocratie. Cela devient l’anarchie. En sciences politiques, il existe une différence entre la démocratie et l’anarchie. La démocratie est un régime des responsabilités, des droits, des devoirs et des obligations. Dès l’instant qu’on accepte plus cela, on tombe dans l’anarchie. Même si vous avez un million de partis. Ce n’est pas le nombre de formations politiques qui démontrent qu’on est dans un Etat démocratique. C’est faux. Nous devons sortir de ces archétypes qui ont été préparés par les autres.
Est-ce qu’à travers ces concepts de démocratie, droits de l’Homme, développement ne se cache pas une certaine néo-colonisation, un certain impérialisme ?
Appelez cela comme vous voulez. Eux travaillent en fonction de leur opinion publique pour qu’ils puissent justifier une action X ou Y. Ils le font conformément à leur conviction. Ceux qui ne marchent pas avec eux, ce sont gens qui méritent d’être combattus, d’être civilisés ou recolonisés comme vous le dites. Moi, je voudrais bien qu’on aille s’ingérer dans les affaires des Etats-Unis. Mais on le fait pour nous. C’est pour nous qu’on a créé la Cour pénale internationale (CPI)…
Pour vous arrêter…
Ils nous mettent en mal et le justifient à leur opinion publique qu’ils sont en train de faire, comme toujours, un travail de civilisation.
Il n’y a pas de CPI pour la Chine ou pour la Birmanie, par exemple ?
Attendons qu’ils aillent dans ces pays. Ils ne peuvent pas parce que ces peuples-là savent ce qu’ils sont. En tant Chinois, Birmans ou Japonais, par exemple, ils se comportent comme tel. Nous, nous avons toujours, jusqu’aujourd’hui – et je ne sais pas pourquoi – besoin d’avoir un tuteur qui apprécie ce que nous faisons ou ne l’apprécie pas. Nous voulons toujours rester comme des vaches …
L’exemple est là : nous attendons tout de l’extérieur…
Je le déplore. Mais je ne suis pas président de la République ou premier ministre. Je suis un citoyen qui essaie de réfléchir. C’est de notre faute. Dire que c’est toujours les autres, je suis en tout cas désolé. Nous sommes nombreux qui avons étudié en Europe. Ceux qui viennent ici, sont peut-être moins intelligents que nous.
Ils vous commandent parce que vous êtes inférieurs ?
Moi, là où je travaille, un Blanc ne peut pas me commander. Je connais mes droits. Je connais ce que je vaux. Et je ne peux pas accepter que n’importe qui viennent me dire n’importe quoi.
Troisième question de la BBC : comment la RDC profiterait-elle véritablement de son potentiel minier ?
Je pense que la réponse est très simple. Nous devons, un jour, prendre conscience que Dieu nous a dotés un potentiel minier important. Il y a d’autres minerais qu’on cache et dont beaucoup de personnes ne connaissent pas l’existence. Vous vous souviendrez que, pendant plusieurs années, lorsqu’on parlait de diamant, ce n’était celui produit à Mbuji-Mayi…
Mais il faut que BBC vous pose cette question pour répondre ? Le fait-elle gratuitement ?
Non. Ces Occidentaux ont leur planning. C’est cela leur intelligence. Vous verrez qu’ils vont réagir à ce débat…
N’y a-t-il pas une contradiction du fait que ce sont les mêmes Occidentaux, à travers la Banque mondiale et autres institutions internationales, qui sont à la base de l’élaboration des Codes minier, d’investissement, foncier et forestier ? Aujourd’hui, on se rend compte qu’à cause de ces Codes, on a pillé le Congo. BBC n’étant pas un enfant de cœur et lorsqu’on voit les gens qui sont derrière ces reportages et interviews, n’est-ce pas pour conforter certaines positions quelque part ?
Les Occidentaux ont un plan. C’est comme en médecine. En pharmacologie, lorsqu’on veut mettre un produit sur le marché, on fait d’abord des tests pour voir éventuellement quels sont les effets secondaires. Quand on a le résultat, on peut alors donner l’autorisation. Ils font exactement la même chose. Ils se rendent compte que, peut-être demain, il y aura une remise en question. C’est pour cela qu’ils veulent maintenant précéder les événements. Alors que nous, nous suivons les événements.
C’est curieux que BBC ne parle pas de quatre Rapports qui ont démontré que RDC a fait l’objet d’un pillage en règle. Les noms des pilleurs et leurs entreprises, notamment britanniques, américaines, y ont été mentionnés. Et c’est aux Congolais qu’on demande d’apporter des informations…
Cela ne les intéresse pas. C’est pour vous. Ecoutez. Il y avait un brin d’honnêteté, d’éthique, on devrait commencer par arrêter ces gens-là. Personne n’a été arrêté et il n’y a eu aucune réaction. Même pas une contre-réaction de l’Onu pour la non application des résolutions prises. C’est pour la consommation extérieure. Eux-mêmes n’y croient pas.
Mais en posant cette question, cela signifie qu’ils ont un projet ?
Tout à fait. Il faut savoir si ces rapports ont été digérés. Et quelle a été, éventuellement des Congolais ? Est-ce que les Congolais ont déjà oublié ? C’est pour voir si tout ceci continue à mariner ou pas. C’est cela le problème. Mais, pour nous, après qu’on en a parlé, nous avons tout oublié. Eux n’oublie jamais. Parce que, maintenant, ils savent que s’il y a un nouveau parlement, un nouveau gouvernement, il y a certaines choses qui doivent être liftées. Ils mettent déjà l’appât pour voir si on va mordre ou pas. En fonction de réponses que nous proposons à ces questions, ils vont déjà de l’autre côté, en amont, commencer à travailler. Nous sommes le seul pays au monde où des individus qui ne sont pas de Congolais viennent participer à l’élaboration de nos codes pour placer des dispositions qui les arrangent. Que gagnons-nous en retour ? Absolument rien. C’est pour cela qu’en 2012, je ferai des émissions et publierai des articles pour démontrer que l’Occident nous a trompés avec toutes ces sciences qu’il nous a apprises. Nous devons, pour cela, faire un effort pour connaître ce que nous pouvons faire pour que notre pays aille de l’avant. Toutes les théories qu’on nous a données étaient tout à fait fallacieuses, car simplement, cela devait répondre aux besoins du maître. Un grand professeur américain blanc a, dans un de ses ouvrages dont le titre m’échappe, dit que «malheureusement, dans toute circonstance, celui qui est le maître vous impose sa culture et ce qu’il veut faire». C’est dans cette situation dans laquelle nous nous trouvons. Ce n’est pas nouveau.
Pour rappel, le contentieux sur les contrats miniers est difficile à accepter à l’étranger. Est-ce que les Congolais ont conscience de leur potentiel minier, de la gestion de leurs mines ?
Nous avons l’obligation intellectuelle et morale de dire même à nos autorités que nous devons revoir ces contrats. Parce qu’aujourd’hui, le Congo ne tire pratiquement pas grand-chose de nos minerais. Vous avez vu le développement amorcé par le Kazakhstan en l’espace de 10 ans ? C’est extraordinaire. Ils construisent des bâtiments en or.
L’exemple de l’Angola est là avec le pétrole. Mais la RDC, avec son pétrole, n’a rien ?
Nous, on vient nous berner pour nous raconter n’importe quoi. En tout cas, il faut que les Congolais se réveillent. Nous devons prendre conscience que ces minerais appartiennent d’abord aux Congolais et accessoirement aux autres. Le gouvernement de demain doit faire un choix : ou nous voulons devenir maîtres de nos minerais ou des valets. A ce moment-là, nous n’aurons aucun développement.
Là, on doit retoucher l’article 39 de la Constitution parce qu’on a enlevé la disposition portant sur le sol et le sous-sol appartiennent à l’Etat congolais ?
Mais tous les articles sont retouchables. Cette disposition doit revenir.
Seulement avec les conseils de la Banque mondiale et les autres …
Oui. Mais c’est parce qu’ils profitent de notre naïveté. Quand vous êtes naïfs, on fait de vous ce qu’on veut. Nous devons nous réveiller. Tout contrat est révisable. C’est un principe de droit. Toute constitution peut être révisée selon le temps et les circonstances. Si nous constatons que nos experts n’avaient pas suffisamment de lucidité pour penser aux intérêts du Congo, il est de notre devoir de le faire. Mais nous devons le faire de façon intelligente pour éviter qu’on nous amène encore dans de faux procès. Et ceux-ci ne se passent pas dans nos pays. C’est toujours à l’étranger et nous l’acceptons. C’est indigne.
Quatrième question de la BBC : les voisins du Congo s’immiscent-ils dans les affaires internes du pays ?
C’est une question pertinente dans la mesure où on répond par oui ou non. C’est tout à fait normal parce que chaque Etat doit savoir s’il partage ou non les mêmes intérêts avec son voisin. C’est ce qu’on appelle l’immixtion, c’est-à-dire les pays limitrophes veulent savoir si en RDC il y a quelque chose pour eux. Et la RDC en fait autant. C’est pour cela qu’on développe des relations beaucoup plus «amicales» avec X et des relations relativement timides avec Y. C’est une réalité parce que, comme disait le général De Gaulle, entre les Etats, il n’y a que des intérêts. Donc, nous devons chercher où se trouvent nos intérêts.
Ne trouvez-vous pas que c’est pour brouiller les cartes en ce qui concerne l’occupation du Congo par le Rwanda et l’Ouganda ? Je pense que ce sont des questions très naïves. Et c’est parce qu’ils sont convaincus que les Congolais sont tous des idiots ?
Peut-être naïves. Mais, comme je l’ai dit in supra, ils veulent savoir en profondeur comment l’intelligentsia congolaise réagit devant tous ces problèmes. Ils posent des questions précises. Ils veulent connaître les réactions. Si elles sont positives, ils vont changer de stratégie. Et si elles sont négatives, ils vont chercher à corriger pour atteindre leur objectif. Mais c’est de leur droit. Nous devons cesser de penser que les autres doivent réfléchir à notre place.
Ce n’est pas normal que nous soyons un pays qui devient comme une femme qui dort en tenue d’Eve et qui s’offre à n’importe qui ? Ils ne peuvent pas faire cela même en Angola ?
En Angola, la longue lutte de la décolonisation leur a permis de pouvoir former des gens qui ont une conscience nationale, patriotique. Chez nous, très peu de gens lisent. Combien de gens se réunissent pour analyser. Aujourd’hui, quand on voit ce qui se passe dans nos médias par exemple, c’est vraiment écoeurant, regrettable. On dirait que nous n’avons pas un pays. On dirait que c’est un sac abandonné qu’on est en train de tirer pour chercher à avoir un morceau. C’est irresponsable. Nous devrions penser Congo d’abord, avant tout autre chose. Malheureusement, nous sommes faits comme ça. J’espère qu’un jour, cela va changer.
Cinquième question de BBC : la RDC est-elle condamnée à rester une menace pour la stabilité régionale ?
Etre condamnée à rester une menace, je ne pense pas. Si le Congolais ne prend pas conscience de ses responsabilités, en tant que phare de l’Afrique, en tant que locomotive du développement de ce continent, la RDC continuera à être une menace pour le développement de l’Afrique.
On dit que la sous-région des Grands Lacs est instable. Mais la RDC n’a fait la guerre à aucun pays. Comment se fait-il que cette question soit posée. C’est comme si nous menaçons les pays voisins, alors que c’est nous qui sommes des victimes ?
Tout en étant victimes, nous menaçons les autres. Le Congo, c’est une espèce de grande banque, un holding, qui aurait permis à tous les pays limitrophes de pouvoir se développer. Tous les disent dans leurs discours : «Nous comptons beaucoup sur le développement du Congo». Laurent-Désiré Kabila avait dit que le développement du Congo va permettre à l’Afrique de repartir. C’est tout le monde qui le dit, et cela depuis longtemps. En quoi le Congo devient une menace ? Son non développement constitue une menace pour les autres.
Comme le Congo est trop grand, faut-il le diviser ?
C’est une des hypothèses. On peut y arriver. Comme ils disent tous les temps que le pays…
Est trop grand. Il y a l’instabilité, etc. Alors, il faut le balkaniser.
Alors qu’en Afrique, jusqu’à ce qu’on ne puisse soustraire une partie du Soudan, le plus grand en Afrique, on n’avait jamais dit que le Soudan était ingouvernable.
Mais il a été divisé parce qu’il y avait du pétrole…
Comme je l’ai toujours dit, si nos autorités, l’intelligentsia congolaise, le peuple congolais prennent conscience d’abord de ce qu’ils ont, nous pouvons y échapper. Dans le cas contraire, les autres viendront prendre nos richesses, de gré ou de force. Des exemples abondent dans le monde. Il ne faut pas dormir sur ses lauriers. Donc, c’est notre faute. Cette double situation provient du fait que si le Congo ne se développe pas, cela va créer de l’instabilité tout autour parce que les autres vont venir s’approvisionner en RDC puisque les Congolais ne veulent pas consommer leurs richesses. Le Rwanda, l’Ouganda, le Burundi et l’Angola vont venir. Et un jour peut-être le Congo/Brazzaville, la Zambie, la Tanzanie et que sais-je encore. C’est là que la RDC constitue un danger pour les autres. Et même un danger aussi pour nous-mêmes parce qu’ils vont nous attaquer.
Quel rapport existe-t-il entre cette question de menace pour la stabilité régionale et la communication de BBC : «Afin d’éclairer tous les enjeux des élections du 28 novembre» ? Cela prouve que les élections vont provoquer du désordre, de l’instabilité va s’installer en Afrique centrale. Mieux vaut stabiliser le Congo, peut-être en le divisant en morceaux ?
Je crois qu’il y a une certaine dualité qui est intéressante à pouvoir développer. C’est vrai que, premièrement, si ces élections ne se terminent pas dans de bonnes conditions, cela va encore, une fois de plus, déstabiliser l’Afrique. Deuxièmement, si ces élections se passent en ordre utile, le Congo peut devenir une chance pour le développement de l’Afrique. Donc, il y a une dualité. Maintenant, c’est à nous de choisir…
Et si le Congo devient ingouvernable à cause des élections ?
L’Afrique deviendrait instable.
Quelle est la solution ? Réfléchissons à leur place…
Ils vont carrément dire qu’il faut le couper en morceaux. Cela ne date pas d’aujourd’hui.
C’est dire que ces questions de BBC ne sont pas gratuites ?
Un jour, le président Bush et le Premier ministre Major avaient déploré le fait que le Congo ne soit pas bien gouverné. Tout le monde a besoin que le Congo soit bien gouverné.
Mais ils sont les premiers à nous faire la guerre, par l’intermédiaire des multinationales ?
Un dicton kongo dit : «Nkutu a zowa ka yembanga nkumbu zole ko» (On ne peut pas voler par deux fois dans la poche d’un idiot). Si on nous vole tout le temps, c’est que nous sommes plus idiots que l’idiot. Je ne peux pas comprendre qu’un pays comme le nôtre, qui regorge de valeurs internationalement reconnues dans toutes les disciplines, ne soit pas capable d’être prospère ; que nous ne soyons pas capables de diriger notre pays d’une façon efficace et dynamique. C’est qu’il y a un problème quelque part en nous. Le problème se trouve dans le Congolais et non pas à l’extérieur. C’est de bonne guerre. Si vous avez une belle femme, tu cours le risque que des voisins tombent sous ses charmes et cherchent à la baratiner. Mais si elle a ce qu’il lui faut, elle va certainement résister.
Mais ce sont les élites qui sont corrompues ?
Oui. Et cette femme, c’est l’élite. Malheureusement, notre élite est encore inconsciente. Nous souffrons à cause de cette élite qui doit jouer son rôle dans la société.
Quelle sera la place de la RDC avec toutes ces mutations qui se passent dans le monde ? La RDC va-t-elle disparaître ou se maintenir ?
Disparaître, je ne pense pas. Elle aurait disparu depuis longtemps. Je crois que nous devons prendre conscience de la lourde responsabilité historique que nous avons vis-à-vis de notre propre peuple, de l’Afrique et du monde. Je crois qu’un jour, il y aura des Congolais, des hommes et des femmes, qui comprendront la responsabilité que nous avons pour travailler afin que les Congolais restent unis et que nous puissions réellement rayonner à travers l’Afrique et le monde.
FREDDY MULUMBA KUBUAYI
LECONGO.INFO
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