jeudi 5 janvier 2012

Manif à Bruxelles : Les Hommes de Dieu dénoncent le «hold-up électoral» en RDC

image Pasteurs - Une manifestation des pasteurs des églises évangéliques congolaises de Belgique
Derrière «Joseph Kabila», il y a la Belgique, les Etats-Unis et la France. Cette situation ne doit plus continuer. Il est temps que la «communauté internationale» cesse de choisir les gouvernants congolais en lieu et place des Congolais eux-mêmes.

En 2006, le peuple congolais n’avait pas voté Kabila. C’est la communauté internationale qui a validé la «victoire» de ce dernier. Les Hommes de Dieu en Belgique ont choisie la date du 4 Janvier 2012 pour dénoncer à leur tour le «hold-up électoral» en République Démocratique du Congo (RDC).

Le 4 janvier. C’est une date symbolique que des pasteurs des églises évangéliques congolaises de Belgique ont choisie pour dénoncer à leur tour le «hold-up électoral» après la «réélection» de «Joseph Kabila» proclamée le 16 décembre dernier par la Cour suprême de Justice.

Non autorisée par les autorités municipales de la commune de Bruxelles, la manifestation a connu deux heures assez mouvementées. Elle a été dispersée par la police. Quelques "arrestations administratives" auraient été opérées, disent des témoins.

Une date symbolique

Le 4 janvier est un jour férié au Congo-Kinshasa. Cette date est dédiée aux Martyrs de l’indépendance. Une indépendance qui sera proclamée le 30 juin 1960. Pour mémoire, le 4 janvier 1959, suite à l’annulation en dernière minute d’un meeting que devait animer Joseph Kasa Vubu, alors bourgmestre de la commune de Dendale, dans la salle YMCA, le public venu l’écouter s’est révolté contre l’interdiction de cette réunion politique.

Le pouvoir colonial opposa une répression pour le moins féroce. La population congolaise va pour la première fois affronter à mains nues la police et l’armée coloniales jusqu’au 5 janvier. Bilan : plusieurs morts et des blessés. C’est cet événement sanglant qui a incité le souverain belge à annoncer, le 13 janvier de cette même année, des «réformes» devant aboutir à l’«émancipation» du Congo.

C’est cette date symbolique qui a été choisie par des pasteurs pour dire «à travers un sit-in de prière» tout le mal qu’ils pensent du déroulement de l’élection présidentielle. Des appels ont été lancés via l’incontournable «You Tube» pour un rassemblement le mercredi 4 janvier à partir de 13 heures. Lieu : Place de la Bourse.

Comme à l’accoutumée, les Congolais affluent lentement par petits groupes. Vers 14 heures 30, ils étaient plus ou moins deux cent. Quelques représentants des partis politiques présents se voulaient discrets. De peur, sans doute, qu’ils soient suspectés de «tentative de récupération».

On apprendra que les organisateurs avaient sollicité l’autorisation nécessaire auprès de l’autorité communale. Mal leur a pris d’annoncer l’événement avant de recevoir la réponse. Une réponse qui a été simplement négative. Il faut dire que les rassemblements des Congolais à Bruxelles ne sont plus vus d’un bon oeil suite aux actes de vandalisme qui ont eu lieu à Ixelles. Les protestataires imputent ces faits à des "bandes des jeunes" et autres casseurs. Ceux-ci auraient infiltré le "mouvement".

On ne peut que comprendre le dispositif policier assez impressionnant visible à la Place de la Bourse. «La manifestation n’a pas été autorisée», dit un agent. Les policiers ont néanmoins autorisé les «hommes de Dieu» à faire une prière d’une dizaine de minutes.

Aussitôt après, les protestataires ont été invités à quitter le lieu. Un pasteur a même été autorisé à s’adresser à l’assistance via le mégaphone d’une des fourgonnettes de la police : «Je vous demande de vous disperser.

Nous allons introduire une demande en bonne et due forme pour marcher le 17 janvier prochain. Il faut obéir à cet ordre pour préserver nos chances à obtenir l’autorisation». Personne ne bouge. Les policiers commencent à s’énerver.

«Vive la Flandre!»

Pendant ce temps, deux drapeaux flamands, le fameux «Vlaamse Leeuw», flottent parmi les manifestants. Des slogans fusent : «Vive la N-VA» (Ndlr, le parti nationaliste flamand de Bart de Wever) ; «Vive la Flandre !» ; «Le Congo est pillé par la Wallonie» etc.

Sur une pancarte, on peut lire : «Il est interdit à tous belges d’origine africain de votez pour MR, PS et Cdh». Le scribe n’a cure des fautes d’orthographe. Seul le message importe pour lui. Notons que les élections communales auront lieu en octobre prochain en Belgique.

Pour voir un peu plus clair, l’auteur de ces lignes a promené son micro afin d’obtenir des réponses notamment à deux questions : Qui sont les organisateurs de cette «démonstration»? Quel est leur revendication?

On l’a dit précédemment, les organisateurs ne sont autres que des pasteurs congolais de Belgique. Il faut bien reconnaître que tous les pasteurs n’étaient pas présents. «L’initiative de cette manifestation émane de deux pasteurs qui ont compris le caractère symbolique de la date du 4 janvier, explique le pasteur Francis.

C’est ainsi que nous avons introduit une demande d’autorisation pour organiser un sit-in de prière pour la paix et la démocratie au Congo. La demande a été rejetée. Toutefois, il nous a été autorisé de prier pendant quelques minutes».

Selon Francis, des policiers ont fait preuve de brutalité à l’égard de quelques «fidèles» qui tentaient de les rejoindre.

Quelle est leur revendication ou message ?

«Nous voulons que la vérité et la justice soient rétablies comme le cardinal Laurent Monsengwo l’a dit. Nous estimons que la démocratie et la paix ont été volées au peuple congolais. Nous demandons le respect du choix exprimé par la grande majorité des électeurs congolais.

Or ces électeurs ont voté pour le candidat Etienne Tshisekedi wa Mulumba. Nous exigeons que Tshisekedi soit reconnu comme le président de la République démocratique du Congo». Exigent-ils le recomptage des voix? « Nous demandons à la communauté internationale de faire organiser une sorte de deuxième tour entre les deux candidats qui se sont proclamés présidents».

Membre d’une église de la place, Alain Nimi dit être venu manifester en sa qualité de «patriote congolais». Le "doyen" Jean-Clément Botuli de relayer : «Je suis venu manifester aux côtés des pasteurs contre le gouvernement d’occupation qui trône à Kinshasa.

Comme vous le savez, le régime actuel occupe illégalement notre pays. Je suis ici pour dénoncer cette situation». Le représentant d’un parti politique préfère parler sous l’anonymat. Selon lui, les pasteurs ont pris l’initiative d’organiser cette manifestation «pour réveiller» le peuple congolais qui paraît «spirituellement endormi».

«Les pasteurs sont révoltés, ajoute notre interlocuteur. Ils se sont levés pour se démarquer de l’opprobre que le comportement de Daniel Ngoy Mulunda, un autre pasteur, risque de couvrir les hommes de Dieu. C’est pour démontrer qu’il y a des vrais et des faux pasteurs».

Dialogue de sourds

Membre de l’église «Le messager», le pasteur Bobo donne sa lecture : «Il y a eu élection présidentielle au Congo. Washington dit qu’il y a eu des irrégularités… ». Pourquoi cite-t-il en premier lieu l’opinion exprimée par les autorités américaines en lieu et place de celle des Congolais?

 «Les Etats-Unis représentent la nouvelle Babylone. C’est la première puissance mondiale». Il poursuit : L’Amérique nous laisse dans la confusion totale, les Européens ne disent pas autre chose. Le Congo a aujourd’hui deux présidents à sa tête».

Que faire ?

Pour Bobo, «l’église doit se lever pour faire triompher les valeurs démocratiques». Après avoir souligner que le pasteur Mulunda ne représente pas l’Eglise congolaise, il qualifie de «raciste» l’attitude du monde occidental face à la crise congolaise. Bobo de conclure : «La communauté internationale connaît parfaitement le vainqueur de la présidentielle du 28 novembre...».

Le pasteur Justin Vetokele ne va pas par le dos de la cuillère. Pour lui, « Hyppolite Kanambe, alias Joseph Kabila, n’a pas gagné». «Il a volé la victoire au vieux (sic !) Tshisekedi wa Mulumba». «Justin» de rappeler, au passage, que «Kabila lui-même a reconnu qu’il y a eu des erreurs». «C’est un aveu!», martèle-t-il avant d’exiger «l’annulation» du scrutin présidentiel du 28 novembre.

Sinon?

«Si l’élection présidentielle n’est pas annulée, conclut-il, la situation politique au Congo pourrait prendre lentement mais sûrement la tournure tunisienne ou égyptienne.»

Militant des droits de l’Homme, Omer Kande est venu manifester pour «revendiquer le vote exprimé par les électeurs». Pour lui, "c’est Etienne Tshisekedi qui a été élu président de la RD Congo". «Il ne sert à rien, poursuit-il, de nous voiler la face. Derrière Joseph Kabila, il y a la Belgique, les Etats-Unis et la France.

Cette situation ne doit plus continuer. Il est temps que la «communauté internationale» cesse de choisir les gouvernants congolais en lieu et place des Congolais eux-mêmes. En 2006, le peuple congolais n’avait pas voté Kabila. C’est la communauté internationale qui a validé la «victoire» de ce dernier. Le 28 novembre, j’étais à Kinshasa. J’ai servi en qualité de témoin dans certains bureaux de vote. Je peux vous dire que la tricherie a eu lieu non pas pendant le vote mais bien lors de la compilation des résultats».

Pour Kande, le peuple congolais doit rompre avec sa passivité de 2006 en allant «jusqu’au bout de sa logique». C’est-à-dire ? «De gré ou de force, Kabila doit partir, conclut-il. Je constate que toutes les organisations de défense des droits de l’homme ferment les yeux ou réagissent timidement pendant que les chars de Joseph Kabila imposent un blocus autour de la résidence de Tshisekedi.» Kande de citer notamment Amnesty International, FIDH (Fédération internationale des ligues de défense des droits de l’Homme, HRW (Human Right Watch).

Le Belge moyen commence à manifester une réelle «fatigue» face aux manifestations organisées par la communauté congolaise de Belgique. Cette lassitude s’illustre notamment sous forme de brutalité policière ou des propos racistes débités par des lecteurs de certains médias du royaume.

"Allez manifester chez vous au Congo", clament certains lecteurs belges. Les Congolais, eux, de rétorquer en exigeant que les hommes politiques francophones belges s’abstiennent à l’avenir à toute forme d’ingérence dans les affaires du Congo.

Certains ex-Zaïrois assurent être disposés à prendre le premier vol à destination de Kinshasa dès qu’il y aura changement au sommet du pouvoir au Congo. Un vrai dialogue de sourds…

Baudouin Amba Wetshi

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