mardi 23 avril 2013

Les mesures qui "ont tué" l’économie congolaise (RDC)


Parmi celles-ci, on peut citer les causes lointaines et les causes immédiates. Les causes lointaines sont, notamment la peur ressentie par le monde des affaires à l’annonce de la date du 30 juin 1960, pour l’accession du Congo à l’indépendance.

Après la tenue de la table ronde économique de Bruxelles (26 avril – 16 mai 1960), le Congo est « roulé ».
Cette table-ronde devait résoudre des problèmes économiques aussi épineux que :

- la dissolution des Sociétés à charte, véritables « Etats dans l’Etat » disposant des pouvoirs de concession des terres congolaises à des tiers.
- la dette coloniale contactée par la Belgique au nom du Congo belge
- la dissolution de la Banque centrale du Congo belge et du Rwanda-Burundi.
- le Portefeuille de l’Etat congolais chiffré à 39 milliards de francs congolais lourds. A l’époque, un franc congolais valait 50 dollars américains.

Aucun leader politique congolais d’envergure ne prend part à cette table ronde économique, à part, Moïse Tshombe, le futur leader de la sécession katangaise. En l’absence d’interlocuteurs congolais valables, la Belgique décide ce qu’elle veut.
Par exemple, les sociétés belges opérant au Congo avant le 30 juin 1960, et qui étaient de droit congolais, deviennent de sociétés de droit belge et, donc, échappent à l’autorité et au contrôle du futur Etat congolais.

La dette coloniale est mise pour moitié sur le compte du Congo. La dissolution de la Banque centrale intervient sans que les nouvelles autorités congolaises sachent exactement quel était le niveau des actifs et des passifs qui revenait à leur pays. Et surtout un flou entoure la situation du Portefeuille de l’Etat congolais.

Donc il n’y a aucune opération de remise-reprise entre les anciens gestionnaires de l’économie congolaise et les nouvelles autorités congolaises. Tous les dossiers économiques et financiers avaient été furtivement transférés en Belgique.

Enfin, parmi les causes lointaines, on retient les troubles qui ont suivi l’accession du Congo à l’indépendance et qui ont provoqué les départs massifs et précipités de nombreux opérateurs économiques étrangers, et la fermeture de nombreuses entreprises. Tout cela est connu.

Mais ce qui nous intéresse dans la série d’articles qui vont suivre, ce sont certaines causes immédiates de la descente aux enfers de l’économie congolaise. Il s’agit des mesures qui ont été prises dans la précipitation et constituant de sortes de « coup de gueule » contre la Belgique et l’emprise économique étrangère. Parmi ces mesures, figure :

I. Nationalisation de l’Union minière du haut-Katanga

Il y avait trois mastodontes dans l’économie du Congo belge, à savoir les Huileries du Congo belge, l’Office des transports coloniaux et l’Union minière du Haut-Katanga. Chacun de ces trois mastodontes employait pas moins de 35.000 travailleurs pour ses activités.

Les huileries du Congo belge appartenaient au groupe Unilever et s’occupaient de la production de l’huile de palme et de l’huile palmiste. Elles avaient trois sièges d’exploitation : Soa (ex-Leverville) dans le Bandundu, Mapangu (ex-Brabanta) dans le Kasaï, et Bumba à l’Equateur.
La quantité d’huile de palme et d’huile palmiste produite par les huileries du Congo belge et par les autres sociétés huilières du pays, faisait du Congo belge le deuxième producteur et exportateur d’huile de palme du monde, après le Nigeria.

L’Office des transports coloniaux, s’occupait de l’évacuation vers l’étranger, par la voie nationale, de la production intérieure congolaise, d’une part, et de l’acheminement à l’intérieur, de l’outil de production et des biens de consommation courante, d’autre part.

Pour cela, l’OTRACO disposait d’un charroi fluvial énorme et des ports tout le long du fleuve Congo et de ses affluents navigables, et sur les grands lacs. Les bateaux de l’OTRACO reprenaient, à partir d’Ilebo (ex-Port Francqui) la production minière du Katanga, transportée par les trains de la Société du chemin de fer du Bas-Congo au Katanga, et à, partir du port de Bumba, la production agricole et minière de la province Orientale transportée par els trains de la Société des chemins de fer vicinaux du Congo.

D’autres bateaux de l’OTRACO sillonnaient les affluents du fleuve Congo ainsi que ses sous-affluents comme l’Aruwimi, le Lomami, l’Itimbiri, la Lulonga, la Tshuapa, la Mongla, l’Oubangui, le Kwilu, la Lukenie, la Salonga et d’autres, pour évacuer la production agricole de l’intérieur et faire parvenir à l’arrière-pays les biens de consommation courante.

Bref, l’OTRACO était une entreprise vitale et même stratégique pour l’économie congolaise.

Ses recettes globales assuraient non seulement son fonctionnement interne, mais encore le paiement des salaires des fonctionnaires coloniaux, étant donné que l’OTRACO était une entreprise mixte.

L’Union minière du Haut-Katanga était un « conglomérat », c'est-à-dire une société tentaculaire regroupant une multitude de sociétés autonomes se livrant à la production d’un type de minerai particulier au Katanga.

Leurs principaux sièges d’exploitation étaient notamment Kipushi, Kolwezi, Likasi, Kisenge, Kambove, Manono, Luena, Tshinkolobwe et, évidement Lubumbashi.

A part l’or de Kilo-Moto, dans la Province Orientale, le coltan et l’or du Kivu, et les diamants du Kasaï, la production des principaux minerais du Congo belge était du ressort de l’Union minière du Haut-Katanga. 

Nous citons le charbon, le cuivre, le zinc, le cobalt, l’étain, le manganèse, l’argent, le nickel, le platine, le plomb, l’aluminium, l’uranium, le cadmium, le wolframite.

Le « royaume » de l’Union minière du Haut-Katanga était un parc de tracteurs qui allaient prendre les minerais à ciel ouvert ou les creusaient plus en profondeur pour les ramener aux usines de traitement, et un ensemble de cheminées qui dégageaient des fumées énormes.
C’est pourquoi, d’aucuns ont surnommé le Katanga le « poumon économique » du Congo. Ce conglomérat qu’était l’Union minière du Haut-Katanga était aussi un « Etat dans l’Etat ».

Bien que l’Etat colonial, puis l’Etat congolais y avait une participation, l’Union minière du Haut-Katanga, traitant à partir d’une position de force, cherchait toujours à imposer son point de vue aux pouvoirs publics. 

Ce comportement autoritaire d’une entreprise qui avait l’obligation de se plier aux injonctions du gouvernement, a été toléré par un homme comme le président Joseph Kasa-Vubu qui a toujours refusé de chercher la guerre avec l’ancienne puissance coloniale. Mais pas au général Joseph-Désiré Mobutu qui lui succède le 24 novembre 1965.

L’homme, en effet, était trop orgueilleux, autoritaire et mégalomane pour supporter que l’on s’oppose à sa volonté. C’est pourquoi, parvenu au sommet de l’Etat, son premier objectif sera la mise au pas de l’Union minière du Haut-Katanga.
Sept mois à peine, après sa prise de pouvoir autoritaire, il donnait six mois pour porter un Congolais à sa tête et compter des Congolais dans son conseil d’administration.

Dans aucun pays du monde on ne donne de telles injonctions à des entreprises qui ont des statuts, des règlements, des mentalités et des traditions de gestion.
Même si l’Etat dispose d’importantes parts d’action dans des entreprises, on ne commande pas à une entreprise comme on commande une caserne. Et le tort du président Mobutu c’est qu’il a toujours puisé la force de sa méthodologie du commandant dans son passé de soldat dans la Force publique congolaise. Or la politique est l’art de la négociation et des compromis.

C’est ainsi qu’ayant choisi la voie de la confrontation, ce qu’il recherchait est arrivé. L’Union minière du Haut-Katanga ne s’est pas donné un administrateur-délégué congolais dans les délais impartis.
Et comment pouvait-elle le faire ? L’administrateur-délégué en fonction, avait été nommé pour un mandat précis de quelques années. Il fallait donc attendre la fin de ce mandat pour voir si oui ou non, il fallait lui accorder un second mandat ou le remplacer par un autre.

Dans tous les cas, ce sont les actionnaires qui, en conseil d’administration, nomment l’administrateur-délégué de leur société. Et personne ne peut obliger l’Assemblée des actionnaires de nommer telle personne plutôt que telle autre, le vote étant libre et basé sur els compétences du candidat présenté.
 Mais faisant fi de toutes ces considérations, après l’expiration de l’ultimatum fixé au 31 décembre 1966, le président Mobutu décide la nationalisation de l’Union minière du Haut-Katanga.

Une ordonnance du président de la République crée la Générale congolaise des mines – GECOMIN – qui sera remplacée en 1972, par la Générale des carrières et des mines – GECAMINES.
Du jour au lendemain, l’Union minière du Haut-Katanga toute puissante, meurt brutalement. Et comme c’était un serpent à plusieurs têtes, les autres têtes qui n’ont pas été tranchées se mettent à mordre la GECOMIN aux talons, et le venin ainsi inoculé va causer la mort lente mais certaine de la nouvelle société.

Pendant cette année du cinquantenaire, nous nous permettons de poser cette question. Le général Mobutu prend le pouvoir par un coup d’Etat à la fin du mois de novembre 1965. Pendant 5 ans, il s’est occupé de l’armée en pleine décomposition.
Il a donc été tenu loin des problèmes économiques. Il n’en était ni un connaisseur ni un spécialiste. Et puis parvenu à la tête du pays, il décide de porter un coup très dur à la toute puissante Union minière du Haut-Katanga, dans un délai aussi court.

Quand a-t-il eu le temps d’étudier et de maitriser un dossier aussi complexe que celui de l’Union minière du Haut-Katanga ? Quels étaient ses conseillers économiques ?
Son Premier ministre, à l’époque, était un militaire comme lui, le général Léonard Mulumba.

Son directeur de cabinet, Monsieur Evariste Loliki avait fait les sciences commerciales et administratives à Lovanium, mais n’était pas un spécialiste des problèmes industriels.
Et le tout jeune Jacques Bongoma, son conseiller économique, ne maitrisait pas la complexité des problèmes économiques congolais pour le pousser ou l’engager dans une aventure aussi périlleuse.

Reste la thèse des forces occultes qui ont toujours joué un rôle destructeur pour le Congo.
Le président Mobutu, en effet, a souvent surpris ses proches collaborateurs en leur annonçant ce qu’il avait résolu de faire.

Dans le cas d’espèce de la nationalisation de l’Union minière du Haut-Katanga, on soupçonne la main invisible des Américains, en particulier, de la fameuse Communauté internationale, en général, jaloux des prouesses des économistes belges qui étaient parvenus à porter l’économie congolaise au niveau de grandes économies mondiales.

Fait exceptionnel pour l’Afrique subsaharienne.

Il fallait donc, coûte que coûte, détruire les structures de cette économie et en faire disparaitre les dossiers pour remettre le Congo au point de départ.

Lorsque la Belgique gérait l’économie congolaise, les choses marchaient comme sur des roulettes. Les troubles politiques de 1960 à 1965 ont certes causé la diminution de la production agricole et industrielle.

Mais dès que le pays a connu la paix et la tranquillité, les anciens opérateurs économiques se sont déclarés prêts à reprendre leurs affaires et à collaborer avec les nouvelles autorités congolaises.
Les mesures économiques autoritaires du président Mobutu sont à la base de la fraude, de la contrebande et du marché noir qui caractérisent la production économique congolaise.

Quand l’Etat veut tout contrôler dans une économie déstructurée, il lui devient impossible d’obtenir les résultats qu’il veut obtenir. L’économie, en effet, marche selon des lois et des règles, et des structures bien coordonnées. Le complot ourdi contre le Congo, s’est répété en Côte d’Ivoire.

Voici un pays que l’on disait au seuil du décollage économique. Un pays dont la vitalité de l’économie fondée sur l’agriculture, était l’objet des éloges de la fameuse communauté internationale.
Aussi longtemps que Félix Houphouët-Boigny, le bâtisseur de cette économie était à la tête de la Côte d’Ivoire, les choses marchaient comme sur des roulettes. Une fois Houphouët-Boigny mort, les forces occultes se sont mises à l’œuvre.

Aujourd’hui, la Côte d’Ivoire est méconnaissable comme la RDC. Son économie est déstructurée et sa production agricole vendue en fraude et au marché noir. Les « riches » n’aiment pas que les « pauvres » deviennent riches, ou tout simplement montrent des signes d’une certaine richesse.

La « pauvreté » est une théorie économique. Le sous-développement aussi. De même que l’assistance économique connue sous le nom « d’aide économique ».
Si donc il n’y a plus de « pays pauvres », des « pays en voie de développement », des « pays émergents » et tous les euphémismes que l’on entend à longueur des journées, les spécialistes de ces théories économiques, seront mis au chômage.

L’objectif est de maintenir la division du monde selon les continents, les races, les cultures, les richesses, les produits intérieurs bruts et les autres soi-disant éléments de valeur pour établir ces distinctions.

Jean de Lafontaine nous enseigne : « Selon que vous serez puissants ou faibles, les jugements de cours vous rendront blancs ou noirs ».
 Théophile Ayimpam

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire