lundi 25 août 2014

La Belgique face aux échéances congolaises

 
24 août 2014  

 
Se préparant à un destin européen et lorgnant soit sur les Finances soir sur les Affaires extérieures, Didier Reynders, in extremis, a renoncé à se rendre à Kinshasa. 

Il a été remplacé au pied levé par « son » bourgmestre, Armand de Decker, qui, comme ancien président du Sénat et ministre d’Etat, jouit d’une longue expérience internationale et est très connu au Congo.

Officiellement, l’objectif du voyage est de poser, enfin, la première pierre de la future ambassade de Belgique, très bien située au milieu du Boulevard du 30 juin et qui sera partagée avec les Pays Bas.


Cependant, durant les trois jours qu’il passera dans la capitale congolaise, M. de Decker ne manquera pas d’être interrogé sur la question de l’heure, qui agite depuis des semaines le microcosme politique : quel sera le destin, en 2016, du président Kabila, qui, d’après la Constitution, ne peut pas exercer un troisième mandat ?


Sur le plan des principes, la position de la Belgique a déjà été plusieurs fois exprimée, entre autres par le Ministre de la Coopération Jean-Pascal Labille lors de ses différentes visites à Kinshasa : « il n’est pas correct de modifier les règles du jeu pendant la partie »… 


Autrement dit, une modification de la Constitution avant la fin du deuxième mandat présidentiel serait mal perçue. Les Belges, comme les autres partenaires occidentaux, souhaiteraient aussi que Kinshasa communique avec plus de clarté le calendrier global de tous les scrutins à venir ainsi que leur mode de financement.

En effet, tout est lié : aujourd’hui déjà, les observateurs voient mal comment la RDC peut-être prête, financièrement et techniquement, à organiser des élections présidentielles dans les délais prévus en 2016, compte tenu du fait que ce scrutin devrait être précédé d’autres élections, au niveau local et provincial, afin de conforter, enfin, les bases de la pyramide démocratique. 


Un recensement général est également prévu, exercice important certes, mais coûteux et qui pourrait bien engloutir les fonds mis à la disposition de la CENI (Commission électorale indépendante, dirigée par l’abbé Malu Malu, plus contesté que lors des premières élections de 2006).

A l’impossible nul n’étant tenu, des difficultés de financement et d’organisation matérielle pourraient être invoquées pour retarder l’échéance des présidentielles. Mais s’agirait il d’un report de quelques mois, de quelques années, ou d’un troisième mandat qui ne dirait pas son nom ? Tout le monde se pose la question…


D’autres hypothèses agitent l’opinion congolaise : pourrait on voir apparaître un scénario « à la Poutine » par lequel le chef de l’Etat s’effacerait au profit d’une personnalité de confiance, appartenant à sa majorité et appliquant sa politique, ce qui permettrait peut-être l’émergence d’une personnalité issue de sa famille biologique (le nom de la sœur jumelle du président, Jaynet, est parfois cité). 


Ce « clone » du président actuel prendrait alors la relève sans que le pouvoir change réellement de mains, et son occupation légale du pouvoir permettrait même le retour, que l’on espère triomphant, de Kabila lors de l’échéance suivante…. 

Ce dernier, qui n’a jamais que 43 ans, a le temps de voir venir…Mais l’entourloupe serait-elle pour autant acceptée par l’opinion ?

D’autres membres éminents de la majorité présidentielle, comme Evariste Boshab, secrétaire général du PPRD, n’hésitent pas à évoquer une modification de l’article 220 de la Constitution, qui ouvrirait franchement la voie à un troisième mandat du président sortant. 


Mais même si cette idée ne fait pas l’unanimité au sein du parti, le débat n’est pas réellement ouvert et les partisans du respect absolu de la Constitution, qui estiment qu’il est plus important de sauvegarder le système démocratique que préserver un individu, gardent profil bas pour l’instant.

L’incertitude est d’autant plus vive que l’intéressé lui-même garde le secret absolu sur ses intentions, assurant qu’il préfère demeurer concentré sur les échéances de l’heure, la reconstruction et la modernisation du pays. 


Sa pacification aussi : à l’Est rien n’est réellement acquis, aussi longtemps que les rebelles hutus des FDLR ne sont pas désarmés et que le M23, les rebelles tutsis vaincus en novembre 2013 ne sont pas rentrés dans le rang à la faveur de la loi d’amnistie. 

Or les FDLR refusent jusqu’à présent de se rendre à Kisangani où ils devraient être cantonnés et d’où ils pourraient être envoyés vers un pays tiers tandis que les hommes du M23 restent l’arme au pied dans leurs pays d’accueil provisoire, à raison de 600 hommes au Rwanda et de 1700 en Ouganda. 

Ces incertitudes à propos de la question sécuritaire apportent des arguments à ceux qui plaident envers la prolongation du président Kabila, avançant, comme le président de l’Assemblée Aubin Minaku, qu’il est le seul à maîtriser parfaitement l’équation militaire et que son départ, avant une pacification totale, serait lourd de danger.

S’il entend de tels arguments, Armand de Decker, un « vieux de la vieille », se rappellera peut-être que du temps de Mobutu déjà, de tels raisonnements avaient cours : il fallait, disait-on alors, choisir entre Mobutu (une valeur sûre, un homme que tous connaissaient…)et le chaos.


Finalement, le Congo, alors Zaïre, eut droit à la fois un Mobutu qui s’accrochait au pouvoir et au chaos qui suivit son départ… 

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Le carnet de Colette Braeckman 

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