mercredi 3 septembre 2014

RDC - Quels seraient les mobiles de la disparition de nos vaillants Officiers ?

03 sept, 2014



Bonjour Monsieur WONDO,

Je lis souvent vos analyses sur la situation du pays et surtout des forces armées. Je partage entièrement votre point de vue sur cette disparition brutale du Général Lucien BAHUMA. Je suis congolais, juriste de formation et de profession, je vis au pays, dans la Province Orientale. 

J‘ai même réussi à me procurer un exemplaire de votre ouvrage sur les armées en République démocratique du Congo lors de mon dernier séjour en Europe mais malheureusement je n’ai pas pu le ramener au pays pour des raisons bien évidentes. Etant ici sur place au pays et pour des raisons de sécurité, je préfère discuter plus en groupe fermé et restreint.

Je partage totalement votre point de vue sur les officiers que les ennemis de ce peuple veulent liquider. En 2013, lorsque le défunt général Mamadou Ndala, colonel à l’époque, était passé sur les ondes de la radio pour ramener au calme la population de Goma qui s’était révoltée suite à une rumeur de son rappel à Kinshasa, je l’avais dit en ces termes, au cours d’une conversation avec des amis, :« ce type vient d’être condamné à mort« . 

Et malheureusement, quelque mois après il a été abattu dans des circonstances mystérieuses. Mais ce n’est pas le seul, à mon avis le Général BAHUMA faisait partie aussi de cette liste, bien que je pense que ce soit encore prématuré de tirer vite les conclusions faute d’informations sur les circonstances de sa mort. 

J’ai également le pressentiment que le Général Olenga risque d’être le prochain à être sacrifié… Je suis presque convaincu, comme vous, que les officiers qui ont joué un rôle clé dans la chaîne de commandement des unités de l’armée congolaise qui ont mis en déroute le M23 seront soit éliminés, soit écartés de l’armée ou des fonctions opérationnelle des FARDC.

Ce n’est pas une nouveauté, c’est déjà arrivé dans l’histoire de ce pays, MAMADOU NDALA a fini comme le général IKUKU (serpent de rail) quoique la mort de ce dernier a été intelligemment organisée. Les dictateurs n’ont jamais accepté au sein de leurs forces armées des officiers compétents et populaires.

Déjà à l’époque de MOBUTU, en 1975 le procès connu sous l’appellation de « coup d’état monté et manqué » visait une épuration ethnique des militaires compétents issus des provinces autres que ceux de l’Equateur et de la Province Orientale (Haut-Zaïre), notamment Katshuva wa Kasivira, Chef d’état-major Force terrestre ; Utshudi Wembolenga, Commandant de la 2ième région militaire ; Fallu Sumbu, Attaché militaire du Zaïre à Washington (l’état-major général l’avait rappelé sous prétexte d’être promu au fonction de Commandant du 5ième Groupement F.A.Z à Lubumbashi. arrêté à l’aéroport de N’djili à la décente de l’avion), les Colonels Mudiayi wa Mudiayi, Attaché militaire du Zaïre à Paris ; Muendo Tiaka, Attaché militaire du Zaïre à Bruxelles ; Omba Pene Djunga, Secrétaire particulier du Chef de l’Etat et Président de la République, les Majors Mpika Ntoya, Commandant du bataillon para-commandos chargé de la sécurité rapprochée du Chef de l’Etat ; Bula Butupu Bakajika, Lieutenant Kabamba, etc, comme expliqué dans votre ouvrage, accusés de Complot et tentative d’assassinat et élimination physique du Président de la République …

Cela s’est répété avec l’affaire des armes du Général MUKOBO, malheureusement la grande partie des congolais ignore ou font un effort d’ignorer leur histoire…comme le dit un adage, » il n’y rien de nouveau sous le soleil », et tant que nous ne tirerons pas les leçons de notre passé nous continuerons à revivre notre histoire. Un peu comme l’histoire du général Mahele qui ressemble étrangement à celle du Field Marshall Erwin Rommel.

Pour revenir à ces deux disparitions, dans l’hypothèse où la mort de ces deux officiers auraient été commandités par certains milieux quels en seraient les motifs ?

Premièrement, on pourrait pencher sur le fait que la déroute du M23 a mis un terme au trafic des matières précieuses au Kivu et a causé d’énormes préjudices aux réseaux mafieux qui exerçaient leur business dans cette province en créant une zone qui échappe à tout contrôle. Le mystérieux blanchissement du général AMISI en dit long.

Deuxièmement, la préparation d’un nouveau mouvement rebelle ou le retour du M23 dans la région, on parle déjà du M27, dont l’une des stratégies serait de briser cette structure de l’armée qui a mis le M23 en déroute et décourager ainsi les autres officiers des FARDC qui seraient tentés de servir correctement le pays.

Troisièmement, ces officiers représentent ou représentaient une menace pour le pouvoir en place ou pour certains officiers haut placés. Il faut avoir lu le prince de Machiavel pour mieux comprendre cela.

Ces trois hypothèses peuvent avoir concouru à la mort de ces officiers. Mais malheureusement ce ne sont que des hypothèses qu’on peut avancer jusque-là. Toutefois, je note que les officiers congolais ou les congolais en général n’ont jamais compris cela soit ces sont des affairistes sans scrupules, c’est à ceux-là que reviennent les faveurs du régime, soit ils sont compétents et naïfs…plutôt résignés.

J’essaie d’une certaine manière de travailler à ma façon pour aider nos frères congolais à voir les choses autrement et pour un vrai réveil de ce peuple. C’est des simples idées que partira le réveil de ce peuple, et j’apprécie à leur juste valeur vos écrits qui aujourd’hui ont passé les mailles de la sécurité et de la censure mis aux frontières du pays.

Un peu comme le dit Yves Duteil à la fin de sa célèbre chanson intitulé « Pour les enfant du monde entier » :

« Vous pouvez fermer vos frontières
Bloquer vos ports et vos rivières
Mais les chansons voyagent à pied
En secret dans des cœurs fermés

Ce sont les mères qui les apprennent
A leurs enfants qui les reprennent
Elles finiront par éclater
Sous le ciel de la liberté. »

Moi je dis que les idées voyagent à pied en secret dans les cœurs fermés et finiront un jour par éclater sous le ciel de la liberté.

Continuez à partager votre savoir et votre expérience et à sensibiliser l’élite congolaise pour une prise de conscience plutôt qu’un combat sans idéologie où on ne sait plus distinguer l’élite du commun des mortels. Un jour le Congo retrouvera sa grandeur avec nouveau leadership à sa tête.

J’espère un jour pouvoir participer à une de vos conférences.

Bonne journée.
___________
André Bolata

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