Par Dominique Lagarde (Rabat), avec Anis Allik (Alger), Sihem Hassaini (Tunis) et Tangi Salaün (Caire), publié le 23/03/2011 à 11:30
L'opinion arabe soutient majoritairement les insurgés contre le dictateur libyen (ici, lors d'une manifestation le 22 février à Ramallah en Cisjordanie).
REUTERS/Mohamad Torokman
Même s'ils condamnent Kadhafi, beaucoup d'Arabes s'interrogent sur les arrière-pensées des Occidentaux. Quand ils ne les accusent pas de vouloir s'emparer du pétrole libyen...
Beaucoup s'interrogent sur les "arrière-pensées" des Occidentaux, accusés de vouloir défendre leurs intérêts économiques. D'autres s'inquiètent des risques d'engrenage. Le précédent irakien est dans tous les esprits. "Au début, il ne s'agissait que de libérer les Irakiens de Saddam Hussein et, finalement, les Américains ont occupé l'Irak", souligne Fatima, une jeune Marocaine qui travaille dans la finance et se dit apolitique. Ibtissem, Marocaine elle aussi, psychiatre et militante des libertés, est partagée. Elle se sent "complètement solidaire du peuple libyen", mais elle a peur de l'"escalade de la violence".
En Tunisie, la tonalité est la même: compassion à l'égard du peuple voisin, soupçons en ce qui concerne les visées des pays occidentaux. Pour Mohamad, étudiant en géographie, l'Ouest "cherche à protéger ses entreprises sur place". Une certitude que partage Myriam, jeune Tunisienne employée dans un centre d'appels. Elle se dit convaincue que les Américains et les Européens ont décidé de frapper la Libye "à cause du pétrole" et parce qu'ils veulent "s'emparer de ses ressources".
La crainte d'une guerre ouverte au Maghreb
Les Algériens portent eux aussi dans l'ensemble un regard sévère sur le dictateur libyen, qu'ils sont nombreux à juger "dérangé" ou "sanguinaire". Mais lorsqu'on leur demande leur point de vue sur la décision des Nations unies, ils sont là encore, pour beaucoup, convaincus que les Occidentaux n'ont qu'une chose en tête: s'assurer du contrôle du pétrole libyen. La situation aux frontières risque d'être plus problématique encore si les frappes dégénèrent en conflit ouvert
Peut-être parce qu'ils se sentent plus proches des insurgés de Benghazi, les Egyptiens semblent avoir mieux accueilli la décision des Nations unies, regrettant même parfois qu'elle ait été si tardive. Ils savent aussi que, si des frappes sont devenues possibles, c'est en grande partie grâce aux efforts de l'un des leurs, le très populaire secrétaire général de la Ligue arabe, Amr Moussa. "Il n'y a pas de raison de craindre que ces frappes débouchent sur un scénario à l'irakienne, parce que, désormais, les Arabes ont retrouvé leur dignité et font entendre leur voix", affirme Chérif, un médecin du Caire qui s'apprête à voter pour le référendum constitutionnel. "Bien sûr, ajoute-t-il, nous remercions la France."
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