jeudi 31 mars 2011

Neutralisation de la LRA : versions contradictoires


Par  Le Potentiel
Actuellement, pour la Monusco et le gouvernement, la LRA ne serait plus une menace. Raison avancée : elle a été mise en déroute et dispersée. Point de vue tout de suite contredit par l’évêché catholique de Dungu-Doruma qui estime que ces rebelles ougandais gardent intacte leur capacité de reconstitution et partant de nuisance. Versions contradictoires qui font de la LRA un monstre à plusieurs têtes, à l’instar des FDLR. Qui dit vrai ?
Depuis un temps, la Mission de l’Organisation des Nations unies pour la stabilisation du Congo (Monusco) et le gouvernement se sont mis d’accord sur un fait. Pour une fois – et c’est rare depuis que les Nations unies ont dépêché en RDC une mission de maintien de la paix - les deux parties ont porté un même jugement sur la présence nuisible des unités rebelles de l’Armée de résistance du seigneur (LRA) sur le sol congolais.
A les en croire, la LRA ne représenterait plus une menace pour la sécurité, notamment dans les districts du Haut-Uélé et du Bas-Uélé, dans la Province Orientale. La première déclaration est venue du ministre de la Défense et des Anciens combattants, Charles Mwando Nsimba. De passage à Dungu dans la Province Orientale, celui-ci avait fait état de la faible capacité d’opération de la LRA, estimant que la rébellion ougandaise ne comptait plus qu’une « dizaine » d’hommes dans ses rangs.
Il avait dit s’être rendu compte des réalités sur le terrain, indiquant que l’amélioration était notable, mais qu’il ne fallait pas pour autant baisser la garde.
Venant à sa suite, la Monusco a, au cours de son point de presse hebdomadaire du 30 mars 2011, fait part d’une nette diminution de la capacité d’actions de la LRA. « Nous avons des indicateurs qui nous disent que la LRA est en train de perdre ses capacités opérationnelles », a dit le porte-parole militaire de la Monusco, Mamadou Gaye. Convaincu de la neutralisation d’un grand nombre des rebelles ougandais, celui-ci a indiqué la Monusco devait particulièrement intensifier sa présence dans le Bas-Uélé pour dissuader la recrudescence des activités de la LRA.
Dans la foulée, Mamadou Gaye a révélé qu’il n’y avait pas que les miliciens LRA qui commettaient des atrocités en Province Orientale. Des éléments armés se serviraient du manteau de la LRA pour commettre des exactions sur la population civile. Selon lui, « Souvent, à tort, on attribue tous les incidents à la LRA ».
La réplique
Un avis contraire a été émis par l’évêque de Dungu-Doruma, Mgr Richard Domba Mady. Selon lui, la rébellion ougandaise continue à représenter une menace autant pour la sécurité de la population locale que pour les pays voisins de la RDC. Dans une lettre pastorale rédigée deux jours après les déclarations de Mwando Nsimba - soit le 20 mars 2011 - Mgr Richard Domba a fait voir au gouvernement qu’il s’est trompé dans son jugement. L’évêque a estimé que Kinshasa semblait minimiser la LRA, alors que, sur terrain, ses éléments sont restés actifs, conservant, sur plusieurs coins de la province, leur capacité d’actions.
Dépité, le prélat catholique ne s’est pas expliqué l’angle d’analyse choisi par le gouvernement, lequel ne prenait pas au sérieux la menace que constitue la présence des miliciens LRA. C’est que, à son avis, Kinshasa, tout comme la Monusco, auraient sous-estimé l'effectif des rebelles ougandais de même que leur capacité de nuisance.
Même son de cloche du côté de la Société civile de Faradje qui, par la bouche de son président, l’Abbé Guillaume Abiandroa, a fait savoir que ni la Monusco ni le gouvernement, « personne n'a été dans la forêt pour compter les éléments de la LRA ». « Nous qui vivons sur terrain, nous contredisons cela. Premièrement, personne n’a été dans la forêt pour compter les éléments de la LRA; d’autant plus que nos militaires sont eux-mêmes victimes de ces exactions. Il y a des militaires qui sont morts et d’autres qui sont blessés. Nos populations ne peuvent aller au-delà de 5 kilomètres de la cité. On ne va plus aux champs ».
Piège pour Kinshasa
Apparemment, si l’on doit s’en tenir à l’esprit de la lettre pastorale de l’évêque de Dungu-Doruma, Kinshasa se serait laissé prendre dans un piège. Comment en est-il arrivé à se laisser embraquer dans un jeu où il n’avait pas la maitrise de tous les paramètres ?
Il revient à Kinshasa de recadrer son approche sur la question de la LRA. Preuve, consciente du danger, l’Union africaine a décidé de s’impliquer pour la neutralisation effective des hommes de Joseph Kony.
Conduisant le mercredi 23 mars 2011 à Dungu une délégation d’experts de l’UA dans la Province Orientale, le colonel sénégalais Mbow Mor a déclaré ce qui suit : « Nous allons bâtir nos stratégies et proposer aux décideurs de s’imposer pour que cette question de la LRA soit éradiquée une fois pour toutes ».
Point besoin de dessin pour comprendre que la menace de la LRA n’est pas du domaine du virtuel. D’ores et déjà, l’UA a promis d’envisager le renforcement des capacités des pays affectés.
Ces versions contradictoires sur la capacité réelle ou non de la LRA à constituer toujours une menace est un argumentaire qui n’a pour seul objectif que de détourner l’attention des pays touchés par le virus de la LRA pour permettre aux éléments nuisibles de Joseph Kony de progresser en toute quiétude.
Kinshasa doit ouvrir l’œil, et le bon, pour ne pas se laisser entraîner dans un jeu qui risque à terme de se retourner contre lui.

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