Par Pauline Tissot, publié le 01/04/2011
Des combattants issus du "commando invisible", dirigé par Ibrahim Coulibaly, dans le district d'Abobo, le 26 mars dernier.
REUTERS/Luc Gnago
Les Forces Nouvelles pro-Ouattara sont entrées dans Abidjan. Dans la capitale économique ivoirienne, une autre force combat aussi les FDS de Laurent Gbagbo: le "commando invisible", dirigé par un certain Ibrahim Coulibaly.
"Depuis plus de dix ans, ce sont toujours les mêmes hommes que l'on voit se batailler la tête de l'Etat de Côte d'Ivoire", racontait il y a peu un témoin de la crise post-électorale ivoirienne, qui dure depuis près de quatre mois. Parmi ces hommes, on trouve Ibrahim Coulibaly, un militaire connu depuis 1999, qui prône la démocratie, quitte à passer par des coups d'Etat pour l'instaurer.
"Dans 48 heures, Abidjan tombe!"
Ibrahim Coulibaly est un ancien chef de la rébellion pro-Ouattara du Nord, née en 2002, et jamais désarmée.
REUTERS/Gilbert Tourte
Joint par téléphone ce mercredi, par l'intermédiaire de deux Ivoiriens vivant à Paris, et qui souhaitent garder l'anonymat, le militaire, qui dit être Ibrahim Coulibaly, affirme clairement sa position: "Je suis à la tête des Forces de Défense et de Sécurité Impartiales (FDSI) [nouvelle appellation du 'commando invisible', ndlr], composées de militaires qui ont refusé de combattre pour Laurent Gbagbo, et d'anciens collègues des Forces Nouvelles."
Ses objectifs sont également on ne peut plus manifestes: "La mission de mon commando est de rétablir l'odre démocratique ainsi que la paix en Côte d'Ivoire, et de déloger Laurent Gbagbo." Postée dans les districts d'Abobo et d'Anyama, cette force a néanmoins forcé près de 300 000 personnes à quitter ces quartiers du nord d'Abidjan. Elle doit également composer sur le terrain avec d'autres forces pro-Ouattara: le Mouvement de libération des population d'Abobo et d'Anyama (MLP2A), et des civils et chasseurs traditionnels dozos, supposés dotés de pouvoirs mystiques. Et malgré cet éparpillement des forces dans la capitale économique, cela n'empêche pas Ibrahim Coulibaly de prévoir la fin proche de Laurent Gbagbo: "Dans 48 heures, Abidjan tombe!", assurait-il mercredi.
Le général IB s'est fait des ennemis, même parmi ses alliés
Mon but est de ramener simplement la démocratie en Côte d'Ivoire
Déjà en 2004, le général IB - son surnom-, marqué d'un passé de puschiste, assenait dans une interview à Jeune Afrique: "[mon but est de] ramener simplement la démocratie en Côte d'Ivoire, faire cesser l'impunité et donner des droits égaux à tous les Ivoiriens." Problème: ses forces "ont de plus en plus de mal à convaincre la population qu'[elles] sont venues pour instaurer la démocratie. Il est vrai qu'on ne peut pas prétendre lutter contre le racket en le pratiquant soi-même", affirme-t-il dans une étonnante auto-critique. Mais il semble que ce ne soit pas le seul problème qu'aie rencontré Ibrahim Coulibaly sur son chemin de croix "démocratique".
IB fait figure "d'homme à abattre", même au sein de ses alliés. Sa première désunion intervient avec le général Guéï, quatre ans après le putsch qu'ils ont co-orchestré contre l'ancien présidentHenri Konan Bédié. En 1999 éclate une guerre entre les deux partenaires: "Celui que les Ivoiriens ont surnommé le 'Père Noël en treillis' [Robert Guéï, ndlr] élimine le clan des originaires du Nord, réunis autour d'Ibrahim Coulibaly", alors sergent-chef dans l'armée régulière de Côte d'Ivoire, les FANCI, note en Laurent D'Ersu dansLa Croix en 2004.
Il salue les accords de Marcoussis
Aujourd'hui, des deux côtés, les populations sont fatiguées de la guerre
Arrive le 19 septembre 2002, date à laquelle il organise un coup d'Etat contre Laurent Gbagbo. Il fait alors l'objet d'un mandat d'arrêt international qu'il garde comme une épée de Damoclès jusqu'à aujourd'hui. Réfugié tantôt à Bruxelles, au Ghana, ou au Nigéria, il est arrêté en août 2003 à Paris, au lendemain des accords de Marcoussis. Malgré les accusations portées contre lui - notamment celle d'avoir voulu déstabiliser la Côte d'Ivoire -, l'homme salue ces accords, qui comprennent le désarmement des forces en présence. "Aujourd'hui, des deux côtés, les populations sont fatiguées de la guerre. Tous les camps doivent maintenant accepter ces accords dans l'intérêt du peuple ivoirien", indique-t-il en 2004.
Cette même année, il se sépare d'un autre allié. Des affrontements surviennent au sein des Forces Nouvelles (FN), entre les partisans d'Ibrahim Coulibaly et ceux acquis au chef Guillaume Soro, aujourd'hui Premier ministre d'Alassane Ouattara. S'en suivra une lutte non avouée entre les deux hommes, que le général IB tente aujourd'hui de minimiser, tant la progression des Forces Nouvellesde Soro vers le Sud du pays peut devenir essentielle à la chute du président sortant Laurent Gbagbo. "Nos deux forces sont complémentaires", déclare-t-il, joint par téléphone.
Il se démarque des FN, il dément aujourd'hui
En juin puis en décembre 2007, deux attaques lui sont attribuées: l'une contre Laurent Gbagbo, l'autre contre Guillaume Soro. A la suite de la seconde, le chef des FN dénoncera un "complot" ourdi par certains membres pro-IB infiltrés dans son mouvement pour "s'emparer de Bouaké", indique le journaliste Cheikh Yérim Seck surJeuneafrique.com. Ces deux attaques ont été, selon certains, la conséquences du rapprochement - acté lors des accords de Ouagadougou - entre Guillaume Soro et Laurent Gbagbo, le premier étant devenu quelques mois plus tôt le chef de gouvernement du second.
En parallèle, Ibrahim Coulibaly se démarque à de nombreuses reprises des Forces Nouvelles, ses anciens frères d'armes. Se référant à la découverte de charniers à Korhogo attribués aux FN, il déclare en 2004: "Je constate que la branche dirigeante de la rébellion se comporte maintenant de la même manière que les sbires de Laurent Gbagbo."
Autre déclaration, même cible. Niant en bloc les accusations portées contre lui, après l'attaque de décembre 2007 contres les FN, il affirme: "C'est juste des prétextes pour procéder à des exécutions sommaires et personnelles. En réalité, les Forces Nouvelles cherchent des alibis pour ne pas désarmer." Dernier acte de cette désunion, cette fois-ci proféré par son rival Guillaume Soro, interrogé sur RFI ce jeudi: "Ibrahim Coulibaly ne m'a pas fait l'amitié de m'informer" de son retour en Côte d'Ivoire. Une distance qui contraste avec le témoignage fraternel que développe le général joint par téléphone ce mercredi.
Condamné par contumace par la justice française en 2008, pour "direction ou organisation d'un groupe destiné à la pratique du mercenariat", Ibrahim Coulibaly se réfugie au Bénin, et en profite, selon ses propos, pour former son "commando invisible". Anticipant de façon militaire une possible résolution de la crise électorale qui survient deux ans plus tard, IB affirme aujourd'hui ne pas prétendre à un destin politique. Pourtant, en 2008, ce militaire prévoyait une candidature à l'élection présidentielle, selon France 24... Avant que Laurent Gbagbo ne repousse une fois de plus le scrutin.
Des combattants issus du "commando invisible", dirigé par Ibrahim Coulibaly, dans le district d'Abobo, le 26 mars dernier.
REUTERS/Luc Gnago
Les Forces Nouvelles pro-Ouattara sont entrées dans Abidjan. Dans la capitale économique ivoirienne, une autre force combat aussi les FDS de Laurent Gbagbo: le "commando invisible", dirigé par un certain Ibrahim Coulibaly.
"Depuis plus de dix ans, ce sont toujours les mêmes hommes que l'on voit se batailler la tête de l'Etat de Côte d'Ivoire", racontait il y a peu un témoin de la crise post-électorale ivoirienne, qui dure depuis près de quatre mois. Parmi ces hommes, on trouve Ibrahim Coulibaly, un militaire connu depuis 1999, qui prône la démocratie, quitte à passer par des coups d'Etat pour l'instaurer.
"Dans 48 heures, Abidjan tombe!"
Ibrahim Coulibaly est un ancien chef de la rébellion pro-Ouattara du Nord, née en 2002, et jamais désarmée.
REUTERS/Gilbert Tourte
Joint par téléphone ce mercredi, par l'intermédiaire de deux Ivoiriens vivant à Paris, et qui souhaitent garder l'anonymat, le militaire, qui dit être Ibrahim Coulibaly, affirme clairement sa position: "Je suis à la tête des Forces de Défense et de Sécurité Impartiales (FDSI) [nouvelle appellation du 'commando invisible', ndlr], composées de militaires qui ont refusé de combattre pour Laurent Gbagbo, et d'anciens collègues des Forces Nouvelles."
Ses objectifs sont également on ne peut plus manifestes: "La mission de mon commando est de rétablir l'odre démocratique ainsi que la paix en Côte d'Ivoire, et de déloger Laurent Gbagbo." Postée dans les districts d'Abobo et d'Anyama, cette force a néanmoins forcé près de 300 000 personnes à quitter ces quartiers du nord d'Abidjan. Elle doit également composer sur le terrain avec d'autres forces pro-Ouattara: le Mouvement de libération des population d'Abobo et d'Anyama (MLP2A), et des civils et chasseurs traditionnels dozos, supposés dotés de pouvoirs mystiques. Et malgré cet éparpillement des forces dans la capitale économique, cela n'empêche pas Ibrahim Coulibaly de prévoir la fin proche de Laurent Gbagbo: "Dans 48 heures, Abidjan tombe!", assurait-il mercredi.
Le général IB s'est fait des ennemis, même parmi ses alliés
Mon but est de ramener simplement la démocratie en Côte d'Ivoire
Déjà en 2004, le général IB - son surnom-, marqué d'un passé de puschiste, assenait dans une interview à Jeune Afrique: "[mon but est de] ramener simplement la démocratie en Côte d'Ivoire, faire cesser l'impunité et donner des droits égaux à tous les Ivoiriens." Problème: ses forces "ont de plus en plus de mal à convaincre la population qu'[elles] sont venues pour instaurer la démocratie. Il est vrai qu'on ne peut pas prétendre lutter contre le racket en le pratiquant soi-même", affirme-t-il dans une étonnante auto-critique. Mais il semble que ce ne soit pas le seul problème qu'aie rencontré Ibrahim Coulibaly sur son chemin de croix "démocratique".
IB fait figure "d'homme à abattre", même au sein de ses alliés. Sa première désunion intervient avec le général Guéï, quatre ans après le putsch qu'ils ont co-orchestré contre l'ancien présidentHenri Konan Bédié. En 1999 éclate une guerre entre les deux partenaires: "Celui que les Ivoiriens ont surnommé le 'Père Noël en treillis' [Robert Guéï, ndlr] élimine le clan des originaires du Nord, réunis autour d'Ibrahim Coulibaly", alors sergent-chef dans l'armée régulière de Côte d'Ivoire, les FANCI, note en Laurent D'Ersu dansLa Croix en 2004.
Il salue les accords de Marcoussis
Aujourd'hui, des deux côtés, les populations sont fatiguées de la guerre
Arrive le 19 septembre 2002, date à laquelle il organise un coup d'Etat contre Laurent Gbagbo. Il fait alors l'objet d'un mandat d'arrêt international qu'il garde comme une épée de Damoclès jusqu'à aujourd'hui. Réfugié tantôt à Bruxelles, au Ghana, ou au Nigéria, il est arrêté en août 2003 à Paris, au lendemain des accords de Marcoussis. Malgré les accusations portées contre lui - notamment celle d'avoir voulu déstabiliser la Côte d'Ivoire -, l'homme salue ces accords, qui comprennent le désarmement des forces en présence. "Aujourd'hui, des deux côtés, les populations sont fatiguées de la guerre. Tous les camps doivent maintenant accepter ces accords dans l'intérêt du peuple ivoirien", indique-t-il en 2004.
Cette même année, il se sépare d'un autre allié. Des affrontements surviennent au sein des Forces Nouvelles (FN), entre les partisans d'Ibrahim Coulibaly et ceux acquis au chef Guillaume Soro, aujourd'hui Premier ministre d'Alassane Ouattara. S'en suivra une lutte non avouée entre les deux hommes, que le général IB tente aujourd'hui de minimiser, tant la progression des Forces Nouvellesde Soro vers le Sud du pays peut devenir essentielle à la chute du président sortant Laurent Gbagbo. "Nos deux forces sont complémentaires", déclare-t-il, joint par téléphone.
Il se démarque des FN, il dément aujourd'hui
En juin puis en décembre 2007, deux attaques lui sont attribuées: l'une contre Laurent Gbagbo, l'autre contre Guillaume Soro. A la suite de la seconde, le chef des FN dénoncera un "complot" ourdi par certains membres pro-IB infiltrés dans son mouvement pour "s'emparer de Bouaké", indique le journaliste Cheikh Yérim Seck surJeuneafrique.com. Ces deux attaques ont été, selon certains, la conséquences du rapprochement - acté lors des accords de Ouagadougou - entre Guillaume Soro et Laurent Gbagbo, le premier étant devenu quelques mois plus tôt le chef de gouvernement du second.
En parallèle, Ibrahim Coulibaly se démarque à de nombreuses reprises des Forces Nouvelles, ses anciens frères d'armes. Se référant à la découverte de charniers à Korhogo attribués aux FN, il déclare en 2004: "Je constate que la branche dirigeante de la rébellion se comporte maintenant de la même manière que les sbires de Laurent Gbagbo."
Autre déclaration, même cible. Niant en bloc les accusations portées contre lui, après l'attaque de décembre 2007 contres les FN, il affirme: "C'est juste des prétextes pour procéder à des exécutions sommaires et personnelles. En réalité, les Forces Nouvelles cherchent des alibis pour ne pas désarmer." Dernier acte de cette désunion, cette fois-ci proféré par son rival Guillaume Soro, interrogé sur RFI ce jeudi: "Ibrahim Coulibaly ne m'a pas fait l'amitié de m'informer" de son retour en Côte d'Ivoire. Une distance qui contraste avec le témoignage fraternel que développe le général joint par téléphone ce mercredi.
Condamné par contumace par la justice française en 2008, pour "direction ou organisation d'un groupe destiné à la pratique du mercenariat", Ibrahim Coulibaly se réfugie au Bénin, et en profite, selon ses propos, pour former son "commando invisible". Anticipant de façon militaire une possible résolution de la crise électorale qui survient deux ans plus tard, IB affirme aujourd'hui ne pas prétendre à un destin politique. Pourtant, en 2008, ce militaire prévoyait une candidature à l'élection présidentielle, selon France 24... Avant que Laurent Gbagbo ne repousse une fois de plus le scrutin.
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