vendredi 20 mai 2011

La situation en RDC est perçue, comme un « gâchis », désillusion

 

Une chose paraît sûre : la situation en RD Congo est perçue, à tort ou à raison, comme un "gâchis". Dans les milieux européens, un mot revient sans cesse : désillusion. "Six années après les élections de 2006, rien n’a changé en termes de démocratie et de respect des droits humains", clame-t-on.
Le Premier ministre Yves Leterme et le ministre des Affaires étrangères Steven Vanackere, étiquetés CD&V (chrétien démocrate flamand) se sont entretenus mercredi 18 mai à Bruxelles avec le Premier ministre congolais Adolphe Muzito. La rencontre s’est déroulée à la résidence de fonction du chef du gouvernement belge. Muzito a sans doute eu confirmation du "peu d’empressement" des "Vingt sept" à délier les cordons de la bourse pour financer l’organisation matérielles des élections au Congo. Des élections dont le caractère libre, démocratique et transparent est mis en doute du fait notamment des derniers tripatouillages de la Constitution et de la dérive autoritaire du régime. Contrairement au scrutin de 2006, une "victoire" de "Joseph Kabila" à la présidentielle de 2011 semble de moins en moins souhaitée.
De retour de la Turquie où il vient d’effectuer une visite officielle, Adolphe Muzito a transité dans la capitale belge dans un cadre privé. Il a saisi cette occasion pour rencontrer ces deux personnalités politiques belges avec lesquelles il a évoqué plusieurs sujets dont la situation économique en RD Congo et la préparation des prochaines élections générales. Sans oublier la prochaine mission à Kinshasa du chef de la diplomatie belge. Une chose paraît sûre : la situation en RD Congo est perçue, à tort ou à raison, comme un "gâchis". Dans les milieux européens, un mot revient sans cesse : désillusion. "Six années après les élections de 2006, rien n’a changé en termes de démocratie et de respect des droits humains", clame-t-on.

Le verre de la réconciliation

Après avoir connu des moments tumultueux imputés au franc-parler du libéral flamand Karel De Gucht, alors chef de la diplomatie du royaume de Belgique, les relations belgo-congolaises ont connu une brève "embellie" après l’arrivée de Steven Vanackere à la tête du ministère belge des Affaires étrangères. Le 19 janvier 2010, Vanackere est reçu à Lubumbashi par "Joseph Kabila". La rencontre est amicale. Elle est immortalisée par une photo où l’on voit les deux hommes entrain de trinquer. "Ce qui se passe au Congo est un drame inconcevable. En tant qu’être humain, je n’aurais pas pu me résoudre à avoir un entretien agréable avec Kabila, un verre de bière à la main", réagissait depuis Karel De Gucht au cours de l’émission "De Zevende Dag" de la télévision publique flamande, VRTN.
Après ce "contact préliminaire", beaucoup d’eau a fini par couler sous le pont belgo-congolais. Il y a eu d’abord la découverte, le 2 juin 2010, du corps sans vie, du défenseur des droits de l’homme Floribert Chebeya Bahizire et la "disparition" de son chauffeur Fidèle Bazana Edadi. Chebeya était très connu dans les milieux politiques internationaux. Au lieu d’émettre une protestation dans le cadre bilatéral, la diplomatie belge a contourné l’obstacle en jouant la carte du "multilatéralisme" en s’abritant derrière les "Vingt-sept" de l’Union Européenne.
Dans une résolution adoptée le 17 juin, le Parlement européen a estimé que le meurtre de Floribert Chebeya Bahizire, "s’inscrit dans une tendance accrue à l’intimidation et au harcèlement visant des défenseurs des droits de l’homme, des journalistes, des opposants politiques, des victimes et des témoins". Il a par la suite condamné "avec la plus grande force cet homicide " "et le fait que Fidèle Bazana Edadi, le chauffeur de M. Chebeya Bahizire, ait disparu" avant de demander la mise en place d’"une commission d’enquête indépendante, crédible, sérieuse et transparente soit constituée pour faire la vérité sur la mort de M. Chebeya Bahizire et pour localiser M. Bazana Edadi".

Quand Vanackere se prend pour De Gucht

Il y a eu ensuite l’affaire dite du collier en diamants donné à la reine Paola par le couple Kabila lors de la visite du couple royal belge à l’accasion des festivités du 50ème anniversaire de la proclamation de l’indépendance du Congo. L’information a été révélée par le quotidien populaire bruxellois "La Dernière Heure". Ceci sans omettre les critiques formulées par le Premier ministre Yves Leterme sur le "faste" qui a caractérisé la célébration. Selon lui, l’argent dépensé pour la parade militaire aurait trouvé une meilleure destination dans la satisfaction des besoins essentiels de la population.
Le 21 septembre 2010, le successeur de De Gucht se radicalise. Il le fait savoir à son homologue congolais, Alexis Thambwe Mwamba, lors de la 65ème Assemblée générale des Nations Unies. Vanackere qui semblait découvrir ce que les Congolais savaient depuis des lustres de dire à son interlocuteur que "quatre années après les élections générales de 2006, rien n’a changé". "Steven" faisait allusion notamment à l’insécurité persistante dans les provinces du Kivu et l’enquête sur l’assassinat de Floribert Chebeya et les élections. "J’ai exprimé une certaine déception notamment à propos du report des élections locales", confie-t-il il à la presse en précisant qu’il a laissé entendre à Thambwe que la Belgique "ne pourrait continuer à se faire le «porte-parole» de la RD Congo face à la persistance de l’insécurité ambiante". Et de conclure : «Il faut que cela change !».

Tripatouillages de la Constitution

Les modifications de plusieurs articles de la Constitution à quelques mois de l’élection présidentielle "sans un large débat" (dixit Catherine Ashton, chef de la diplomatie européenne) a scandalisé certains milieux européens. Lors de la controverse suscitée par la visite du prince Laurent au Congo, certains hommes politiques ont surpris par leur attitude critique. C’est le cas singulièrement du député européen Louis Michel. Kabilophile devant l’Eternel, l’ancien chef de la diplomatie a estimé la RD Congo "se trouve à un moment sensible" en soulignant que "la manière dont la Constitution a été modifiée continue à susciter des interrogations". Le chef du groupe centriste à la Chambre des députés, Catherine Fonck, dira pour sa part qu’«il n’y a pas deux diplomaties en Belgique».
A l’issue de cet entretien avec Leterme et Vanackere, Muzito a sans doute pris la mesure du peu d’empressement de l’Union Européenne en général et de la Belgique en particulier à aider la RD Congo à organiser les consultations politiques (élection présidentielle et les élections législatives) dont le "vainqueur" paraît "connu" d’avance. Les tripatouillages de la Constitution promulguée en février 2006 ont produit un très mauvais effet dans les milieux des "Vingt sept". Avant ce fait, il y a eu les contrats chinois. Un politologue de commenter : " Joseph Kabila se trouve dans une situation identique à celle de Mobutu Sese Seko en 1991. Faute d’argent, le Zaïre comptait sur l’Occident pour financer l’organisation matérielle du scrutin notamment présidentiel. De peur que le "Grand Léopard" l’emporte du fait de la présence des militants de l’ex-parti-Etat aux quatre coins du territoire national. C’est ainsi qu’est né le fameux partage équitable et équilibré du pouvoir entre Mobutu et l’opposition. Les Occidentaux traînèrent les pieds jusqu’à l’irruption de l’AFDL en octobre 1996...".

Issa Djema/B.A.W (avec Belga)

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