samedi 9 juillet 2011

Sénégal : On vole de waderie en waderie

Décidément, il ne se passe plus un jour sans que la crise sociopolitique qui traverse le Sénégal ne dévoile son lot de révélations et de déclarations. Plus que jamais, les Wade, père et fils, sont dans l’œil du cyclone si bien qu’on se demande quand est-ce qu’ils s’en sortiront. Les plus récentes manifs contre les Wade sont dues à la tentative manquée du président de la République sénégalaise de faire passer une réforme constitutionnelle avec un ticket vice-président et président comme à l’américaine avec 25% des voix dès le premier tour ; un tripatouillage constitutionnel contre lequel la société civile et l’opposition politique se sont dressées comme un seul homme pour dire « ne touche pas à ma constitution ».
C’était le 23 juin 2011. Le président Wade, âgé de 85 ans, qui donne des leçons à tour de bras, a dû remballer son projet. Ensuite il y a eu ces délestages qui ont engendré de violentes manifestations le jeudi 27 juin à Dakar.
On vole ainsi de waderie en waderie ; mais le célèbre chauve de Dakar a promis d’en tirer les conséquences et les enseignements. Dans quel sens ira-t-il ? va-t-il, comme le lui demandent ses contempteurs, renoncer publiquement et officiellement à un 3e mandat en 2012 ou affirmer à la suite de son fils Karim, qui faisait un plaidoyer prodo-mondo en début de semaine, que la succession dynastique n’a jamais été dans les plans du clan ?
En attendant, en tout cas, de savoir quel lapin Abdoulaye Wade va sortir de son chapeau pour calmer une société en ébullition, son fils Karim semble avoir montré pendant cette crise un visage que beaucoup de gens ne lui connaissaient pas : en effet, il aurait paniqué lors des évènements du 27 juin et appelé Robert Bourgi, avocat au Barreau de Paris et non moins Conseiller du Président Sarkozy, pour solliciter l’intervention de l’armée française.
L’opposition l’avait souligné en son temps, mais la présidence l’avait formellement démenti. Et voici que Robert Bourgi, éminence grise de la Françafrique, dans une interview accordée à une radio dakaroise, RFM, a confirmé ce qui se susurrait dans le tout Dakar. Morceaux choisis :
Karim Wade : « Tonton, Dakar et le Sénégal sont dans une situation quasi insurrectionnelle. Les bâtiments administratifs brûlent. Ça chauffe de tous les côtés. Il y a des milliers de manifestants. On a saccagé et brûlé les villas de trois ministres. Des gens ont été mis dehors. Tout va très très mal. On ne sait jamais avec les intérêts français »
- Robert Bourgi :« Karim, il faut que tu sois plus cohérent »
- KW : « On ne sait jamais. L’armée française est là pour quelque chose »
- RB : « Je ne suis pas une autorité politique. Je suis avocat au barreau de Paris »
- KW : « Mais tu peux alerter tes amis, nos amis (dont Sarkozy, Ndlr) »
- RB : « Je n’en ferai rien. C’est une affaire sénégalo-sénégalaise. A supposer que les intérêts soient menacés, je n’ai aucune légitimité pour te donner quelque réponse que ce soit »
- KW : « Mais, alertez-les au moins »
- RB : « Karim, soit toi ou ton père a le contact du président de la République française, soit tu as le contact de plusieurs conseillers. Je ne suis pas habilité à saisir des gens… »
Si ce que dit Me Bourgi est vrai et authentique, le moins que l’on puisse dire est qu’il aura pratiquement lynché celui qu’on présentait comme le dauphin de son père. Dans quel but ? Là est la question. Mais qu’importe, ça montre en fait la fragilité de celui qu’on brocarde à Dakar comme le ministre du ciel et de la terre qui n’aurait donc pas l’étoffe et la carrure de l’homme d’Etat que son géniteur veut en faire coûte que coûte.
Car si pour quelques pneus brûlés et quelques villas saccagées, il fait preuve d’une telle panique, ça montre toute l’épaisseur de sa carapace. Or il lui faudrait être plus solide que ça pour prétendre diriger un Etat.
A vrai dire, ce cher Karim, qui s’est senti une vocation subite de politique avec l’arrivée de son père aux affaires en mars 2010 et qui s’était même pris à rêver à un destin présidentiel, n’aurait peut-être jamais dû quitter la City, où il avait une carrière toute aussi tracée dans le monde de la haute finance internationale. En y restant, il aurait tout aussi bien aidé son président de père au lieu de s’aventurer dans le marigot politique sénégalais, qui grouille, comme chacun le sait, de requins aux dents aussi acérées les unes que les autres.
Vraiment, si Abdoulaye Wade est sage, il devrait faire prévaloir ses droits à la retraite l’année prochaine ; déjà, l’âge du capitaine pose problème, fût-il en parfaite santé. Si on ajoute maintenant ces multiplications de bourdes, d’impairs, de vraies fausses idées, on finit de se convaincre qu’il devrait raisonnablement passer la main et renvoyer du même coup son enfant chéri à ses chères études.

Kader Traoré — L’Observateur Paalga

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