En remettant mercredi soir au président Ouattara une démission préparée avec soin depuis des mois, le premier ministre Guillaume Soro offre à la Côte d’Ivoire une nouvelle phase, en même temps qu’un rebond vital pour son propre avenir. Car il fallait trancher.
En tant que premier ministre, il avait amené la Côte d’Ivoire aux élections de fin 2010 dans le cadre d’un processus de paix (il avait été nommé à ce poste en 2008). Il n’était alors pas candidat, et insistait sur sa neutralité.
Puis, comme premier ministre désigné dans la foulée des résultats par le vainqueur, Alassane Ouattara, il avait préparé la guerre avant de mener la bataille d’Abidjan pour triompher de Laurent Gbagbo, arrêté par ses hommes le 11 avril après cinq mois de violences.
Guillaume Soro, pour mieux marquer la fin de la période de crise, se devait de s’effacer et quitter ce poste de premier ministre, qu'il assurait conjointement à celui de ministre de la défense, en même temps que tout le gouvernement. C’est désormais chose faite, et il ne s’agit pas d’un abandon, mais d’une nécessité.
L’ex-premier ministre « de guerre » d’Alassane Ouattara devait laisser le champ libre pour une redistribution du pouvoir prévue de longue date. Avant même l’élection, ses violences, ses drames, il avait été établi que ce poste devait revenir à un responsable du parti-allié de M. Ouattara, dont l’appui avait permis la victoire au second tour de la présidentielle : le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) de l’ex-président, Henri Konan Bédié.
Après la victoire en avril des pro-Ouattara à Abidjan, due en partie à l’intervention de l’armée française sous mandat des Nations unies, dont les hélicoptères et les blindés avaient poussé de l’avant les troupes au sol de Guillaume Soro, Abidjan croyait que le temps de la paix était venu.
Mais les chefs militaires, les « comzones » qui venaient de prendre la capitale économique, allaient mettre la ville en coupe réglée. Ceux qui avaient échappé aux pillages pendant les combats se voyaient finalement volés par les vainqueurs !
De plus, le sang avait coulé sur la route d’Abidjan, au point que les observateurs n’excluent pas qu’après les responsables du camp Gbagbo, des « comzones » soient poursuivis par la justice internationale. Leur chef, Guillaume Soro, avait donc tout intérêt à préparer avec soin sa vie après la « primature » (le bureau du premier ministre).
Lors des élections législatives tenues le 11 décembre, il a été élu député du parti d’Alassane Ouattara, le RDR (Rassemblement des républicains). Guillaume Soro, âgé de 39 ans, a toutes les chances de devenir président de l’Assemblée nationale dans les jours à venir, grâce à un artifice technique qui lève la barrière d’âge (40 ans) pour cette fonction.
Cette position ne constitue pas un bouclier contre la justice internationale, mais le mettrait sur de nouveaux rails pour un avenir politique prometteur. De plus, dans le cas où Alassane Ouattara serait dans l’impossibilité d’assurer ses responsabilités de chef de l’état, en cas par exemple de gros problème de santé, c’est le président de l’assemblée qui assure l’intérim du pouvoir en Côte d’Ivoire.
Sauf renversement de dernière minute, Guillaume Soro demeure donc le « protégé » d’Alassane Ouattara. Quelle est la nature exacte du pacte qui lie ces deux hommes ? C’est l’un des mystères de la Côte d’Ivoire. Mais dans un pays où la classe politique ne brille pas par sa jeunesse, Guillaume Soro fait surtout figure de junior surdoué.
A la fin des années 1990, jeune et efflanqué, il était le chef du syndicat étudiant proche du parti de Laurent Gbagbo, la Fesci. Arrêté, emprisonné pendant les dernières années du régime d’Henri Konan Bédié, il apprend alors la clandestinité.
La Fesci est alors l’université de la politique pour toute une génération de militants ivoiriens, à un moment où l’université, du reste, s’effondre peu à peu, et où la principale matière étudiée par les syndicalistes étudiants est la violence.
Du reste, depuis la chute de Laurent Gbagbo, les universités transformées en camps retranchés pour miliciens et stocks de machettes ou d’armes automatiques, ont été fermées.
Dans les années où il militait, Guillaume Soro n’en était pas là. Les armes allaient venir, mais un peu plus tard. En 2002, des militaires dont certains ont trempé dans les complots et tentatives de coups d’état –réussies ou pas- depuis 1999, date du renversement de Henri Konan Bédié, tentent un nouveau coup de force, contre Laurent Gbagbo cette fois, après s’être préparés au Burkina Faso.
Le coup échoue, les loyalistes reprennent le contrôle d’Abidjan, mais les putschistes se regroupent en formations rebelles, dont l’organisation a été décidée dans le plus grand secret dans des villas de Ouagadougou, et prennent le contrôle du Nord de la Côte d’Ivoire.
Qui est placé à leur tête ?
Surprise : Guillaume Soro, dont les joues s’arrondissent, et qui dirige cette rébellion, finalement baptisée « Forces Nouvelles », dont les comzones, vont se partager cette moitié de Côte d’Ivoire et, déjà, la mettre en coupe réglée.
Qui a coordonné ce mouvement ? Qui avait assuré la logistique ? Alassane Ouattara a-t-il été associé aux décisions ? Mystère encore. Au fil des années suivantes, entres crises et laborieux processus politique, la Côte d’Ivoire coupée en deux a vécu dans l’attente d’une nouvelle élection présidentielle.
Celle-ci a finalement eu lieu en octobre-novembre 2010 et la victoire d’Alassane Ouattara, certifiée par les Nations unies, a été aussitôt refusée par Laurent Gbagbo. Ce dernier avait préparé avec soin l’écrasement des partisans de son adversaire.
Alors que les responsables politiques du camp Ouattara se retranchaient à l’hôtel du Golfe, les forces pro-Gbagbo (militaires, miliciens et mercenaires libériens mélangés, ouvraient le feu sur les manifestants pro-Ouattara. Puis tout s’est figé.
Pendant des mois, la Côte d’Ivoire a vécu dans ce blocage toxique. Mais sous l’immobilité apparente, Alassane Ouattara et ses alliés, des pays de la région (Nigeria, Burkina Faso) ou étrangers (France et Etats-Unis en première ligne), préparaient la riposte : étouffement économique du régime Gbagbo d’un côté, discrète préparation militaire de l’autre.
Dans Abidjan, un « commando invisible » était organisé, avec plusieurs chefs dont certains allaient prendre des ordres et des armes à l’hôtel du Golfe. Puis, dans le secret de camps installés dans le Nord, des troupes s’entraînaient pour préparer la bataille d’Abidjan. La logistique, encore une fois était mystérieuse.
Guillaume Soro devenait le chef militaire de cette armée encore fantôme. En mars, le dispositif était prêt : les ex-Forces nouvelles, désormais baptisées Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI), dévalaient du Nord avec des armes flambant neuves en direction de la capitale économique, où elles allaient triompher des pro-Gbagbo grâce à l’appui très direct de l’armée française.
Depuis, les incertitudes sur le rétablissement de la Côte d’Ivoire tiennent plus aux interrogations sur le comportement des comzones et de leurs hommes qu’aux intentions des pro-Gabgbo.
Guillaume Soro est donc un vainqueur dont la victoire pourrait être lourde à porter, si la justice internationale s’en mêlait et si certains des mystères des années 2000 étaient éclaircis.
Pour l’heure, il travaille à s’inventer une nouvelle vie politique, avec autour de lui un cercle de fidèles qui comprend certains des meilleurs cerveaux politiques de Côte d’Ivoire.
AfricaNova
En tant que premier ministre, il avait amené la Côte d’Ivoire aux élections de fin 2010 dans le cadre d’un processus de paix (il avait été nommé à ce poste en 2008). Il n’était alors pas candidat, et insistait sur sa neutralité.
Puis, comme premier ministre désigné dans la foulée des résultats par le vainqueur, Alassane Ouattara, il avait préparé la guerre avant de mener la bataille d’Abidjan pour triompher de Laurent Gbagbo, arrêté par ses hommes le 11 avril après cinq mois de violences.
Guillaume Soro, pour mieux marquer la fin de la période de crise, se devait de s’effacer et quitter ce poste de premier ministre, qu'il assurait conjointement à celui de ministre de la défense, en même temps que tout le gouvernement. C’est désormais chose faite, et il ne s’agit pas d’un abandon, mais d’une nécessité.
L’ex-premier ministre « de guerre » d’Alassane Ouattara devait laisser le champ libre pour une redistribution du pouvoir prévue de longue date. Avant même l’élection, ses violences, ses drames, il avait été établi que ce poste devait revenir à un responsable du parti-allié de M. Ouattara, dont l’appui avait permis la victoire au second tour de la présidentielle : le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) de l’ex-président, Henri Konan Bédié.
Après la victoire en avril des pro-Ouattara à Abidjan, due en partie à l’intervention de l’armée française sous mandat des Nations unies, dont les hélicoptères et les blindés avaient poussé de l’avant les troupes au sol de Guillaume Soro, Abidjan croyait que le temps de la paix était venu.
Mais les chefs militaires, les « comzones » qui venaient de prendre la capitale économique, allaient mettre la ville en coupe réglée. Ceux qui avaient échappé aux pillages pendant les combats se voyaient finalement volés par les vainqueurs !
De plus, le sang avait coulé sur la route d’Abidjan, au point que les observateurs n’excluent pas qu’après les responsables du camp Gbagbo, des « comzones » soient poursuivis par la justice internationale. Leur chef, Guillaume Soro, avait donc tout intérêt à préparer avec soin sa vie après la « primature » (le bureau du premier ministre).
Lors des élections législatives tenues le 11 décembre, il a été élu député du parti d’Alassane Ouattara, le RDR (Rassemblement des républicains). Guillaume Soro, âgé de 39 ans, a toutes les chances de devenir président de l’Assemblée nationale dans les jours à venir, grâce à un artifice technique qui lève la barrière d’âge (40 ans) pour cette fonction.
Cette position ne constitue pas un bouclier contre la justice internationale, mais le mettrait sur de nouveaux rails pour un avenir politique prometteur. De plus, dans le cas où Alassane Ouattara serait dans l’impossibilité d’assurer ses responsabilités de chef de l’état, en cas par exemple de gros problème de santé, c’est le président de l’assemblée qui assure l’intérim du pouvoir en Côte d’Ivoire.
Sauf renversement de dernière minute, Guillaume Soro demeure donc le « protégé » d’Alassane Ouattara. Quelle est la nature exacte du pacte qui lie ces deux hommes ? C’est l’un des mystères de la Côte d’Ivoire. Mais dans un pays où la classe politique ne brille pas par sa jeunesse, Guillaume Soro fait surtout figure de junior surdoué.
A la fin des années 1990, jeune et efflanqué, il était le chef du syndicat étudiant proche du parti de Laurent Gbagbo, la Fesci. Arrêté, emprisonné pendant les dernières années du régime d’Henri Konan Bédié, il apprend alors la clandestinité.
La Fesci est alors l’université de la politique pour toute une génération de militants ivoiriens, à un moment où l’université, du reste, s’effondre peu à peu, et où la principale matière étudiée par les syndicalistes étudiants est la violence.
Du reste, depuis la chute de Laurent Gbagbo, les universités transformées en camps retranchés pour miliciens et stocks de machettes ou d’armes automatiques, ont été fermées.
Dans les années où il militait, Guillaume Soro n’en était pas là. Les armes allaient venir, mais un peu plus tard. En 2002, des militaires dont certains ont trempé dans les complots et tentatives de coups d’état –réussies ou pas- depuis 1999, date du renversement de Henri Konan Bédié, tentent un nouveau coup de force, contre Laurent Gbagbo cette fois, après s’être préparés au Burkina Faso.
Le coup échoue, les loyalistes reprennent le contrôle d’Abidjan, mais les putschistes se regroupent en formations rebelles, dont l’organisation a été décidée dans le plus grand secret dans des villas de Ouagadougou, et prennent le contrôle du Nord de la Côte d’Ivoire.
Qui est placé à leur tête ?
Surprise : Guillaume Soro, dont les joues s’arrondissent, et qui dirige cette rébellion, finalement baptisée « Forces Nouvelles », dont les comzones, vont se partager cette moitié de Côte d’Ivoire et, déjà, la mettre en coupe réglée.
Qui a coordonné ce mouvement ? Qui avait assuré la logistique ? Alassane Ouattara a-t-il été associé aux décisions ? Mystère encore. Au fil des années suivantes, entres crises et laborieux processus politique, la Côte d’Ivoire coupée en deux a vécu dans l’attente d’une nouvelle élection présidentielle.
Celle-ci a finalement eu lieu en octobre-novembre 2010 et la victoire d’Alassane Ouattara, certifiée par les Nations unies, a été aussitôt refusée par Laurent Gbagbo. Ce dernier avait préparé avec soin l’écrasement des partisans de son adversaire.
Alors que les responsables politiques du camp Ouattara se retranchaient à l’hôtel du Golfe, les forces pro-Gbagbo (militaires, miliciens et mercenaires libériens mélangés, ouvraient le feu sur les manifestants pro-Ouattara. Puis tout s’est figé.
Pendant des mois, la Côte d’Ivoire a vécu dans ce blocage toxique. Mais sous l’immobilité apparente, Alassane Ouattara et ses alliés, des pays de la région (Nigeria, Burkina Faso) ou étrangers (France et Etats-Unis en première ligne), préparaient la riposte : étouffement économique du régime Gbagbo d’un côté, discrète préparation militaire de l’autre.
Dans Abidjan, un « commando invisible » était organisé, avec plusieurs chefs dont certains allaient prendre des ordres et des armes à l’hôtel du Golfe. Puis, dans le secret de camps installés dans le Nord, des troupes s’entraînaient pour préparer la bataille d’Abidjan. La logistique, encore une fois était mystérieuse.
Guillaume Soro devenait le chef militaire de cette armée encore fantôme. En mars, le dispositif était prêt : les ex-Forces nouvelles, désormais baptisées Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI), dévalaient du Nord avec des armes flambant neuves en direction de la capitale économique, où elles allaient triompher des pro-Gbagbo grâce à l’appui très direct de l’armée française.
Depuis, les incertitudes sur le rétablissement de la Côte d’Ivoire tiennent plus aux interrogations sur le comportement des comzones et de leurs hommes qu’aux intentions des pro-Gabgbo.
Guillaume Soro est donc un vainqueur dont la victoire pourrait être lourde à porter, si la justice internationale s’en mêlait et si certains des mystères des années 2000 étaient éclaircis.
Pour l’heure, il travaille à s’inventer une nouvelle vie politique, avec autour de lui un cercle de fidèles qui comprend certains des meilleurs cerveaux politiques de Côte d’Ivoire.
AfricaNova
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