Un sondage Gallup, publié le 25 avril, donne les cotes de popularité de 34 chefs d’Etat africains.
Parmi les moins aimés figurent José Eduardo Dos Santos, Abdoulaye Wade, Robert Mugabe, Joseph Kabila, le roi Mswati III et Jacob Zuma.
Le sondage Gallup, réalisé courant 2011 et publié le 25 avril dernier, donne des informations qui restent ultra-confidentielles dans la plupart des capitales africaines... Si les hommes au pouvoir commandent régulièrement des enquêtes, ils se gardent bien d’en publier les résultats.
L’institut Gallup International, basé à Zurich, en Suisse, s´appuyant sur des échantillons de 1.000 personnes dans chacun des 34 pays testés, a recueilli les opinions des Africains sur leurs présidents. Les résultats paraissent édifiants, et parfois troublants. Palmares.
Wade: 11 ans seulement pour se mettre l´opinion à dos
Pour Abdoulaye Wade, c’est la honte: 70 % d’opinions négatives. L’ancien président du Sénégal aimerait passer pour un grand démocrate, et sa cote a peut-être remonté depuis qu’il a accepté sa défaite électorale face à Macky Sall.
Il n’en figure pas moins, pour 2011, parmi les despotes les plus détestés d’Afrique, pris en sandwich entre l’Angolais José Eduardo dos Santos (78% d’opinions négatives) et le Zimbabwéen Robert Mugabe (62%).
On peut y voir une sorte d’exploit: après tout, Abdoulaye Wade n’est resté que 11 ans au pouvoir, là où les autres ont eu trois décennies pour se mettre leur opinion à dos.
Dos Santos tient en effet le pouvoir en Angola depuis 1979, et Robert Mugabe s’accroche à son fauteuil depuis 1980. Le Prix Nobel de littérature Wole Soyinka ne s’était pas trompé de beaucoup, lorsqu’il avait mis Wade et Mugabe dans le même sac, en février, les traitant «d’octogénaires inamovibles».
Abdoulaye Wade savait pertinemment quelle était sa vraie popularité. Voilà pourquoi il avait cherché à modifier la Constitution en juin dernier, pour se faire réélire avec une majorité de seulement 25% des voix...
Zuma: moins populaire que son vice-président
Jacob Zuma, président de l’Afrique du Sud, une autre démocratie qui passe pour exemplaire, n’est pas non plus en très bonne posture. Il se classe bon 10ème, parmi les plus impopulaires. Sa cote atteint 57% d’opinions positives en 2011 contre 42% d’avis négatifs, selon Gallup...
Et encore, l’institut de sondage sud-africain TNS South Africa estime que ces chiffres sont surestimés, et ne crédite Zuma que d´un piètre 48 % d’opinions positives, en moyenne, pour l´année l’année 2011.
La cote présidentielle, soumise à des hauts et des bas, se trouve en pleine dégringolade: elle est passée d’un pic de 55 % en février 2012 à un creux de 46 % en avril, d´après un sondage TNS publié à Johannesburg le 14 mai.
Zuma, à 60 ans, paye pour divers scandales, mais aussi l’exclusion définitive de Julius Malema, ancien leader de la Ligue des jeunes du Congrès national africain (ANC).
Il est désormais supplanté par son vice-président, Kgalema Motlanthe, crédité par Gallup de 49% d’opinions positives. Cet ancien leader syndical, un homme réputé pour son intégrité, sa monogamie, mais aussi son caractère calme et réservé, pourrait succéder au turbulent «J.Z» dès les élections de 2014.
Fait lourd de signification politique en Afrique du Sud: Kgalema Motlanthe draine 68% d’opinions favorables à Soweto, la capitale noire du pays (contre 50% d’opinions favorables à Zuma). Le président reste très populaire dans son groupe ethnique, les Zoulous (67% d’opinions favorables selon TNS).
Mais Kgalema Motlanthe, un Batswana qui ne met jamais la carte ethnique en avant, est apprécié à 69% en moyenne par les onze différents groupes linguistiques du pays. Des chiffres peut-être annonciateurs d’une nouvelle ère dans la nation arc-en-ciel...
Mswati III fait sauter la banque
Mswati III, au Swaziland, n’a pas non plus de quoi pavoiser. Le dernier roi d’Afrique, à 44 ans, remporte 43% d’opinions négatives, mais refuse d’écouter les voix de ses opposants, en prison ou en exil.
Les résultats du sondage Gallup ont été rejetés en ces termes truculents par les autorités de Mbabane:
«C’est comme si je venais vous dire que sept de vos petites amies ne vous aiment plus»,
a commenté Percy Simelane, le porte-parole du gouvernement.
Et d’enfoncer le clou: «Qu’est-ce qui vous garantit qu’on ne vous raconte pas ça parce qu’on a des visées sur vos petites amies?»
Quid de l’intelligence politique d’un pouvoir qui se sait critiqué pour la polygamie royale, dans un pays par ailleurs laminé par le sida?
Avec 26,3% de la population adulte contaminée, le petit royaume affiche ainsi le plus fort taux mondial de prévalence du sida.
Mswati III, l’un des hommes les plus fortunés au monde, compte 13 femmes, chacune disposant de son propre palais et se livrant à des dépenses ostentatoires.
Pendant ce temps, le Swaziland se trouve au bord de la banqueroute, et doit emprunter à ses voisins pour payer ses fonctionnaires.
Loin des yeux, plus proche du coeur
La cote pour le moins mitigée de Joseph Kabila, qui ne recueille que 43% d’opinions favorables, contre 46% de défavorables, n’a rien de surprenant.
Ce jeune chef d’État de 40 ans s’est fait réélire le 28 novembre 2011 après avoir modifié la Constitution, de manière à l’emporter dès le premier tour avec une majorité simple des voix.
A Kinshasa, les critiques continuent de pleuvoir sur Joseph Kabila, accusé au mieux de n’avoir pas le niveau d’études suffisant et au pire d’être un vulgaire imposteur.
Parmi les plus détestés, on trouve aussi le défunt président du Malawi, Bingy wa Mutharika, disparu en avril ; l’ex-président zambien Rupiah Banda, battu par Michael Sata lors des élections du 20 septembre 2011; mais aussi le Premier ministre du Lesotho Pakalitha Mosisili et le président des Comores Ikililou Dhoinine.
Les avis recueillis sur les hommes au pouvoir ne sont pas forcément liés à la situation du pays, souligne l’institut Gallup, ni à leur longévité au pouvoir.
Pourtant, les présidents les mieux notés sont aussi ceux qui ont le moins duré.
Et les plus populaires sont...
Le Burundais Pierre Nkurunziza, réélu en 2010 lors d’un scrutin boycotté par l’opposition, arrive en tête (89% d’opinions positives), avant le Béninois Yayi Boni (87%) et le Malien Amadou Toumani Touré (86%).
Ce dernier est très décrié depuis le putsch qui l’a renversé le 22 mars, mais il avait suscité la sympathie en annonçant son intention de ne pas briguer de troisième mandat.
Suivent dans cette liste François Bozizé (Centrafrique, 84%), Mahamadou Issoufou (Niger, 82%), Goodluck Jonathan (Nigeria, 81%), Ian Khama (Botswana, 81%), Alpha Condé (Guinée, 80%), Ali Bongo Ondimba (Gabon, 75%) et... Paul Biya (Cameroun, 73%), au pouvoir depuis 1984.
Curieux mélange de vrais démocrates et de despotes notoires, qui amène à se demander si toutes les personnes interrogées ont répondu à Gallup en leur âme et conscience - sans peur d’éventuelles représailles.
Un biais qui rend encore plus impressionnante la cote d’impopularité des chefs d’État détestés.
Sabine Cessou
© afrik.com
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