mercredi 16 mai 2012

Nord-Kivu: Paul Kagame, le pompier-pyromane

le 16 mai 2012

Deux semaines après des combats entre des éléments de l’Armée congolaise et des «mutins» étiquetés CNDP, le chef d’Etat rwandais Paul Kagame, qui clamait récemment que ce qui se passe au Nord Kivu est une «affaire congolo-congolaise» offre ses bons offices pour trouver une solution négociée entre Kinshasa et la “nouvelle rébellion” dite “M23″.

C’est l’histoire du pyromane qui offre ses services comme «pompier».


Depuis le déclenchement de la prétendue «guerre» dite des «Banyamulenge» en octobre 1996, le satrape de Kigali a réussi à installer un «régime ami» à Kinshasa par l’«élimination» de LD Kabila et des «kabilistes historiques».

Suite à un “accord secret” conclu entre Kagame et «Kabila» en décembre 2008 après la défaite des FARDC à Mushaki, le chef d’Etat congolais est devenu plus que jamais une marionnette manipulée au gré des intérêts rwandais.

Kagame qui refuse tout dialogue avec ses opposants armés des FDLR voudrait promouvoir la «conciliation» en dehors du Rwanda.

Depuis 1998, l’homme fort de Kigali qui jouit du «laisser-faire» des Etats-Unis d’Amérique se livre à un véritable poker-menteur sur ses intentions sur les provinces du Kivu.

Analyse

Dimanche 12 mai, le tout nouveau ministre congolais de la Défense a effectué à Gisenyi, au Rwanda, une sorte de voyage à Canossa. Dans cette ville frontalière, il a rencontré son homologue rwandais James Kabarebe mieux connu au Congo-Kinshasa sous le pseudonyme de «commandant James».

Dimanche 12 mai, le tout nouveau ministre congolais de la Défense a effectué à Gisenyi, au Rwanda, une sorte de voyage à Canossa. Dans cette ville frontalière, il a rencontré son homologue rwandais James Kabarebe mieux connu au Congo-Kinshasa sous le pseudonyme de «commandant James».

Tous les sous-officiers et officiers rwandais ayant participé à la guerre des «Banyamulenge» de 1996-1997 dite «guerre de libération» étaient désignés par leur prénom.

Il fallait faire croire aux Zaïrois redevenus Congolais, que ce sont des véritables filles et fils du pays qui ont renversé Mobutu Sese Seko.

La supercherie n’a pas duré longtemps. En fait de “libération”, le Congo était occupé et dirigé par des étrangers.

A Gisenyi donc, le «ministre James» a signifié à son interlocuteur congolais la volonté de Kagame d’offrir ses bons offices afin de parvenir à un «règlement à l’amiable» du conflit au Nord-Kivu. Une manière de privilégier une «issue pacifique» à la mutinerie menée par des ex-combattants du Congrès national pour la défense du peuple.

Une organisation politico-militaire qui se pose en défenseur des intérêts des membres de la communauté tutsie du Congo. Un Etat dans un Etat. Au moment où ces lignes sont couchées, nul ne connaissait la réponse donnée par «Joseph Kabila».

Depuis l’humiliante défaite des FARDC à Mushaki, fin 2008, face aux hommes de Laurent Nkunda soutenus par l’armée rwandaise, «Kabila» est mené par le bout du nez par Kagame.
On va sans aucun doute assister à des «négociations» entre le gouvernement congolais et les dirigeants de la nouvelle «rébellion» dite « M23 » dirigée par l’ex-numéro deux de Bosco Ntaganda. Il s’agit du «colonel» Sultani Makenga. Et pourtant.

Dans une récente interview accordée à l’hebdomadaire «Jeune Afrique» n°2677 daté du 24 avril, le chef d’Etat rwandais, interrogé sur le cas Ntaganda, déclarait à haute et intelligible voix que «c’est une affaire qui concerne le Congo et non le Rwanda».

En avril 2008, l’homme débitait des balivernes identiques en parlant de Nkunda : «Je ne m’occupe ni de Nkunda ni de son mouvement. Leur sort et leurs revendications sont des affaires congolo-congolaises». Décidément, l’homme fort de Kigali a le mensonge chevillé au corps. Que veut-il en définitive?

Pourquoi les Etats-Unis d’Amérique et la Mission des Nations Unies au Congo «laissent faire» le Rwanda dont les velléités expansionnistes crèvent les yeux et menacent la paix et la sécurité internationale?

Flashback. Après la prise du pouvoir par l’AFDL (Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo-Zaïre), les dirigeants rwandais et ougandais avaient cru trouver en Laurent-Désiré Kabila, le nouveau président, l’homme lige pour défendre leurs intérêts dans l’ex-Zaïre.

La rupture n’a pas tardé. Fin juillet 1998, LD Kabila mettait fin à la «coopération militaire» entre son pays et ceux de ses anciens mentors Kagame et Yoweri Museveni. En août de cette même année, une «nouvelle rébellion congolaise» voit le jour…à Kigali. Il s’agit du RCD (Rassemblement congolais pour la démocratie).

Au mois de novembre, le MLC (Mouvement de libération du Congo) est créé sous la férule ougandaise. L’Est de la RD Congo est à nouveau occupé.

En décembre 1998, le ministère des Droits humains dirigé par Léonard She Okitundu publiait un «Livre blanc» portant «sur les violations massives des droits de l’Homme et des règles de base du droit international humanitaire par les pays agresseurs (Ouganda, Rwanda Burundi) à l’Est de la République démocratique du Congo».

Le régime de Kigali est y accusé notamment d’avoir tenté de «s’emparer de Kinshasa, par le Bas-Congo, pour renverser le gouvernement de salut public et assassiner le président laurent-Désiré Kabila en vue d’y installer un régime Tutsi ou d’obédience Tutsi ; etc.» C’est dire toute l’ampleur du “contentieux” entre les trois pays.

En juillet 1999, les belligérants signent l’Accord de cessez-le-feu à Lusaka. Le 16 janvier 2001, LD Kabila disparaît. Il est remplacé par «son» fils «Joseph Kabila» désigné, semble-t-il, par «vote secret» par les membres du gouvernement.

Fin 2002 a lieu le dialogue intercongolais au cours duquel les participants ont procédé au «partage des responsabilités». En juin 2003, les institutions de transition sont mises en place.

A l’époque, un membre du RCD originel est resté à Goma. Il n’a pas pris part au «festin». Son nom : Laurent Nkunda Mihigo.

Celui-ci est pourtant promu «général-major» dans les FARDC. La partie orientale de la RD Congo (Province Orientale, Nord Kivu, Sud Kivu et Maniema) a été occupée officiellement de 1998 à 2003 par les armées ougandaises et rwandaises.

Le régime de Kigali avait même mis sur pied un «Desk Congo» avec pour mission de gérer les ressources en provenance du Congo voisin.

Kagame avait manifestement gardé Nkunda comme «Joker» pour empêcher toute réintégration des provinces du Kivu et du Maniema dans le giron congolais.

En mai 2004, Nkunda et son acolyte Jules Mutebusi organisent l’attaque de la ville de Bukavu. Motif : protéger les «Banyamulenge». Dans un communiqué publié le 14 juin 2004, sous la signature de l’amiral Liwanga Mata Nyamunyombo, l’état-major général des FARDC informait l’opinion que «les Banyamulenge n’ont jamais fait l’objet d’une quelconque haine tribale (…)».

« Les exactions imaginaires auxquelles auraient été les Banyamulenge procèdent de la ruse à laquelle recourent habituellement les officiers indisciplinés comme Nkunda, Byamungu, Gishondo, Mutebusi et Ruhorimbere pour justifier la barbarie, les assassinats, les pogroms, les massacres et les tueries à vaste échelle de nos populations comme à Kisangani. (…) ».

Il n’est pas sans intérêt de relever l’ambiguïté de l’attitude de la «communauté internationale» en général des Etats-Unis d’Amérique en particulier. «(…) malgré l’attaque de Bukavu, les Etats-Unis signent le 14 juillet 2004 un partenariat militaire avec le Rwanda, (…) », écrit Stewart Andrew Scott à la page 160 de son ouvrage «Laurent Nkunda et la rébellion du Kivu», publié en 2008 aux éditions Karthala.

Le 25 août 2005, le CNDP devint un mouvement politico-militaire. Sans doute par duplicité ou forfanterie, «Joseph Kabila» décide de recourir à la force militaire pour «normaliser» la situation au Nord Kivu. Dix mille hommes vont être déployés dans la région.

Lors d’une visite éclair le 1er décembre 2006 à Sake, «Kabila» d’annoncer sa volonté «d’en finir» avec Nkunda. C’est le contraire qui se produit. Le 13 décembre, le «général» John Numbi, est dépêché sur le terrain par le chef d’état-major général d’alors, le général Kisempia Sungila, pour «traquer» les combattants du CNDP et obtenir leur «reddition».

L’homme décide sans doute en accord avec «Joseph Kabila» – le fameux gouvernement parallèle – de négocier avec les «rebelles». Et ce, à l’insu du gouvernement et du Parlement.

Selon un rapport confidentiel de la Mission onusienne au Congo, le CNDP posait trois exigences : le retour des réfugiés congolais d’expression rwandophone au Congo ; la sécurisation des parents des militaires insurgés au Nord Kivu et la reconnaissance des grades des officiers CNDP.

Le 28 décembre 2006, Numbi se rend à Gisenyi où il rencontre Nkunda en présence du général rwandais James Kabarebe alors chef d’état-major de l’armée rwandaise. Une nouvelle rencontre a lieu le 1er janvier 2007 à Kigali.

Des combattants du CNDP sont ainsi intégrés dans l’armée congolaise sans sélection préalable ni enquête de moralité. «En pratique, note par ailleurs ce rapport, on observe que lorsque les militaires de Nkunda se font enregistrer à la SMI, ils remettent leur macaron militaire qui, au lieu d’être conservé, part au Rwanda où il est remis à un Rwandais qui rentre alors avec ce badge sans être inquiété sur le territoire congolais.»

Les dénégations de Kagame
Après plusieurs combats entre les FARDC et le CNDP, les parties au conflit décident, sous l’égide de la «communauté internationale», d’organiser, fin janvier 2008, la fameuse «Conférence sur la paix, la sécurité et le développement des provinces du Nord et du Sud Kivu».

Après plusieurs combats entre les FARDC et le CNDP, les parties au conflit décident, sous l’égide de la «communauté internationale», d’organiser, fin janvier 2008, la fameuse «Conférence sur la paix, la sécurité et le développement des provinces du Nord et du Sud Kivu».

Rankin Haywoord et Timothy Shortley, respectivement représentant de Washington …dans le Nord Kivu et conseiller spécial pour la résolution des conflits auprès de la sous-secrétaire d’Etat US aux Affaires étrangères Jendayi Frazer, ont exercé une pression sur Nkunda.

Celui était donc “fréquentable” pour des officiels américains. Que s’est-il passé par la suite? «Joseph Kabila» a-t-il tenté de revenir sur les termes de cet Accord sur insistance certains membres de son entourage?

Dans un entretien à «Jeune Afrique», édition n°2466 datée du 13 avril 2008, Kagame nie apporter un quelconque soutien à Nkunda. «Je ne m’occupe ni de Nkunda ni de son mouvement, dit-il. Leur sort et leurs revendications sont des affaires congolo-congolaises».

Etrangement, il ajoute que les autorités congolaises «ont essayé de le combattre et elles ont échoué». En quoi cela concerne-t-il le Rwanda?

Dans une autre interview accordée cette fois au «Soir» de Bruxelles daté du 6 septembre 2008, Kagame se fait menaçant au sujet des combats qui ont repris au Kivu : «Je reconnais que Nkunda pose un problème.

Mais ce problème a une histoire. Si on n’attaque pas le problème à la racine, on arrive à rien. Je l’ai dit au président Kabila : «Imaginons que Nkunda disparaisse, vous croirez avoir résolu le problème, mais ce ne sera pas le cas, vous pourrez être confronté à un autre opposant (…)».

«Lorsque j’ai revu le président Kabila à New York, je lui ai dit : vous devez calmer vos extrémistes. Je ne sais pas si vous êtes extrémistes vous-mêmes, mais vous utilisez cela pour servir vos objectifs politiques.

Voyez les problèmes au Nord Kivu, entre Hutus, Tutsis, Banande , Banyarwanda…J’ai l’impression que vous jouez avec cela, mais un jour cela finira par vous revenir au visage».

L’histoire ne dit pas la réponse donnée par le numéro un Congolais face à ces propos comminatoires. La suite est connue : la défaite des FARDC à Mushaki suivie par la signature du fameux « Accord secret » Kabila-Kagame en décembre 2008.

En janvier 2009, les troupes rwandaises foulent le sol congolais dans le cadre de l’opération «Umoja wetu». Pour avoir dénoncé ce fait, Vital Kamerhe, alors président de l’Assemblée nationale, est invité à se démettre. Ce qui est fait en mars.

«Vital» faisait-il partie des «extrémistes» fustigés par Kagame?

Un mois auparavant, John Numbi, Didier Etumba et James Kabarebe se retrouvaient à Goma pour la cérémonie marquant la fin d’«Umoja wetu». Une manière de sceller l’infiltration de l’armée congolaise par une «Cinquième colonne» pro-Kagame.

Est-ce le prix à payer “Kabila” pour sa survie politique? “Nous avons développé une vraie relation de travail et de confiance mutuelle”. C’est en ces termes que Kagame décrit désormais l’état des rapports entre lui et son homologue congolais.

Haute trahison

Dans une tribune publiée en janvier 2009 dans «The New York Times», reprise dans la rubrique «Kiosque» de «Jeune Afrique» n°2502-2503, l’ancien secrétaire d’Etat adjoint chargé des Affaires africaines, Herman Cohen, ne va pas par quatre chemins en proposant la mise sur pied d’un «Marché commun en Afrique de l’Est» afin de «mettre fin à la guerre» dans la sous-région des Grands Lacs.

Pour Cohen, le rétablissement de l’imperium de Kinshasa au Nord et Sud Kivu équivaudrait pour le régime rwandais à «renoncer» à des «ressources» qui représentent une bonne part de son «produit intérieur brut».

Selon lui, il importe de prendre en compte la «dimension économique» du conflit. D’où l’idée d’«un projet de Marché commun» incluant six pays de la sous-région dite des Grands Lacs. A savoir : le Burundi, la RD Congo (l’Est), le Kenya, l’Ouganda, Rwanda et la Tanzanie.

«Cet accord, argumentait-il, autoriserait la libre circulation des personnes et des biens et garantirait aux entreprises rwandaises l’accès aux ressources minières et aux forêts congolaises. Les produits fabriqués continueraient d’être exportés via le Rwanda».

Et d’ajouter : «En outre, la libre circulation des populations viderait les camps de réfugiés et permettrait à des pays à forte densité de population comme le Rwanda et le Burundi de fournir de la main d’œuvre à la RDC et à la Tanzanie.»

La conclusion de l’ancien sous-secrétaire d’Etat US est sans équivoque : «Si un tel marché commun était instauré, le Rwanda et la RD Congo n’auraient plus besoin de se faire la guerre.»

Dans une interview accordée au quotidien bruxellois «Le Soir» daté du 13 février 2001, l’Italien Aldo Ajello, alors “Monsieur Grands Lacs” de l’Union européenne, considérait déjà que l’exigence sécuritaire brandie par Kagame pour justifier les incursions de ses troupes au Congo n’était que du «bluff».

«Certains sont convaincus que ce qui intéresse réellement Kigali, c’est d’exploiter les ressources du Congo et de s’étendre territorialement».

Pour ce faire, Kagame a besoin d’hommes pouvant servir de paravents. Hier, Nkunda et Bosco Ntaganda ont joué ce rôle. Aujourd’hui, la mission revient à Sultani Makenga et son «M23».

Il est clair que «Joseph Kabila» ne fait pas le poids face à son ancien mentor. «Kabila» a trahi le Congo-Kinshasa. D’abord pour avoir permis le “noyautage” des institutions tant nationales que provinciales par des «agents» de Kagame. Ensuite, pour avoir fermé les yeux face aux pillages des ressources naturelles du pays par des milieux maffieux rwandais.

Sous d’autres cieux, l’intérêt national en péril devrait être sauvegardé à tout prix. Comment ? Par la destitution du traître qu’est “Joseph Kabila” et sa mise en accusation pour haute trahison. Utopique?

Question finale : Au nom de quel principe, Kagame peut-il «conseiller» aux Congolais de trouver une «solution à l’amiable» avec des sicaires sans foi ni loi pendant qu’il exécre d’engager des pourparlers avec ses opposants tant politiques qu’armés ?

La réalité est là : Paul Kagame est le véritable pyromane dans les deux provinces congolaises du Kivu. C’est une imposture de sa part de se muer en “pompier”…

Baudouin Amba Wetshi
© Congoindépendant

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