mardi 22 mai 2012

Sexe et violence (au cinéma), faut-il vraiment y renoncer?


Le film congolais Viva Riva vaut la peine d'être vu. Il donne une nouvelle vision de l'Afrique urbaine. Une oeuvre décalée, provocante et vivifiante.


Nora (Manie Malone), héroïne du film © Copyright Formosa Productions

D’où vient le film Viva Riva? Un OVNI. Un objet non identifié qui s’est posé sur la planète cinéma. Pourquoi voir ou revoir ce film made in Africa?

D’abord, parce qu’il a un caractère jubilatoire. Il donne du plaisir aux spectateurs. Peut-être parce qu’il est sans prétention. Sauf celle de faire partager des sensations fortes. Les sensations fortes de la grande ville, Kinshasa. Donner à voir et à sentir ses rues chaudes. Sans en connaître les sueurs froides.
Sexe et violence à la sauce kinoise

Force est de reconnaître que c’est tonique et surtout inattendu. Combien de films ont montré Kin la belle, Kin la rebelle, ces des dernières années. Trop peu. Pour tous ceux qui ont eu l’occasion de vivre dans cette ville de plusieurs millions d’habitants, le plaisir est réel. Pour ceux qui ont entendu parler de l’âpre capitale de la RDC, le plaisir est aussi grand.

Viva Riva a été comparé à Pulp fiction de Quentin Tarantino. Un Pulp fiction made in Africa. Des mauvaises langues parlent même d’un SAS (série de roman d’espionnage de style léger). Bien sûr, il y du sexe et de la violence à revendre comme dans un SAS.

Pour certains, des scènes de violence ou de sexe un peu gratuites. Notamment celle où une militaire congolaise nous fait découvrir ses passions lesbiennes.


Affiche présentant le trio principal © Copyright Formosa Productions
Mais quelle importance dès lors que ce film ne prétend pas au réalisme? D’emblée, l’histoire est difficile à croire. Le récit emprunte plus au «réalisme magique» cher à l’écrivain colombien Gabriel Garcia Marquez et la littérature latino-américaine.

Un «Cent Ans de solitude» à la sauce congolaise? Pas tout à fait. Mais, bon, il y a de ça. Dans le caractère jubilatoire du récit. Des bandits angolais meurent et ressuscitent. Ils sont trucidés avant de tuer et d’être à nouveau tués. Comme si la violence était uniquement parodique. Une œuvre de l’imaginaire.

De même, les scènes torrides ne sont guère réalistes. Riva, le bandit, s’introduit nuitamment dans la villa de son rival afin de pratiquer un cunnilingus sur la sculpturale compagne de son ennemi. Tout cela à travers des…grilles. Difficile de croire à cette «scène paranormale» qui n’en reste pas moins divertissante.
Un cinéma urbain décomplexé

Avec Viva Riva, l’imagination est au pouvoir. Et compte bien y rester comme dans ces polars urbains qui ont fait le succès de Nollywood -le cinéma made in Lagos- sur tout le continent. Même si Viva Riva est d’une bien meilleure qualité que les séries B de Nollywood, il s’inscrit d’une certaine façon dans la même veine. Celle d’un cinéma urbain très décomplexé par rapport à l’occident.

Un cinéma qui n’essaie pas de faire beau ou réaliste. Un cinéma qui n’essaie pas de «plaire aux blancs». Un cinéma qui essaie juste d’être lui-même. De donner à voir cette nouvelle Afrique qui s’est épanouie dans les grandes villes où les codes sociaux hérités du monde rural ont explosé.

Est-ce un hasard si le héros, Riva, est un bandit? Il s’est affranchi de toutes les morales, de tous les codes sociaux. Il est accusé d’avoir tué son frère et il frappe… son père. Il a volé ses patrons angolais. Il recherche juste son plaisir. Et veut à toute force posséder la femme d’un autre… bandit. Quel qu’en soit le prix.

On est loin du «cinéma calebasse», celui qui narre la vie dans les villages du Sahel. Un cinéma si souvent primé dans les festivals internationaux. Un beau cinéma qui a aussi toute sa place dans les cinémathèques.
Mais un 7ème art qui était bien esseulé. Il avait besoin d’un petit frère urbain et rebelle. Un sale gosse nommé Riva.

Comme un parfum de liberté…

Viva Riva flirte parfois avec le réalisme social. La description des relations sociales est sans concession, cruelle même. «L’argent achète tout. Ou presque» au dire des protagonistes de cette aventure où même les plus vieilles amitiés se vendent pour une poignée de dollars.

Une Afrique âpre, urbaine, violente mais aussi poétique. Une Afrique où les liens familiaux sont distendus. Une Afrique mouvante, cosmopolite. Une Afrique où l’on passe aisément d’une langue à l’autre. En l’occurrence du français ou portugais en transitant par le lingala.

Riva veut avant tout être libre. Intelligent, vif et intuitif, il sait qu’il paiera sa liberté au prix fort. Il sait qu’à Kin, bien des belles histoires se terminent mal, en général.

Mais Riva donne l’impression de s’en moquer éperdument. Dans un éclat de rire, Riva est un «S’en fout la mort». Il aura possédé l’argent et la femme qu’il convoitait dans un bain moussant qui caresse sa peau satinée. Il aura joui de cette courte vie, même si au final, il s’y est brûlé les doigts.

Riva aura vécu sa vie, pleine et entière. Il est un peu emblématique d’une nouvelle Afrique, libérée. Où des feux éclatent sans prévenir. Et brûlent tout sur leur passage. Mais après le passage de Riva plus que l’odeur de brûlé, on sent un parfum de liberté.

Au-delà de la recette éprouvée du triptyque -sexe, violence, exotisme - c’est sans doute ce qui fait aussi la force de ce film.

Longue vie à ce Riva. A qui l’on ne peut que souhaiter une résurrection rapide. A quand un Viva Riva à Lagos, Dakar, ou Johannesburg? Les bandits au grand cœur ne se jouent-ils pas de toutes les convenances. Ne se jouent-ils pas des frontières?

Pierre Cherruau
SlateAfrique

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