vendredi 22 juin 2012

Questions directes à Félix Tshisekedi Tshilombo

Questions directes à Félix Tshisekedi Tshilombo


Félix Tshisekedi Tshilombo, secrétaire national de l’UDPS chargé des Relations extérieures. Photo CIC
 
L’UDPS d’Etienne Tshisekedi wa Mulumba, l’Apareco d’Honoré Ngbanda Nzambo ko Atumba et l’ARP (Armée de résistance populaire) qui se réclame du général Faustin Munene ont créé jeudi 14 juin 2012 l’événement en annonçant, au cours d’une conférence de presse à Paris, leur volonté de «conjuguer» leurs «efforts et moyens en vue d’aboutir à l’objectif commun de libération de notre pays de l’occupation étrangère, de rétablissement de la souveraineté du peuple congolais et d’instauration d’une véritable démocratie» au Congo-Kinshasa. Les trois organisations invitent les citoyens congolais à "faire usage de l’article 64 de la constitution" lequel "leur confère le droit de recourir à tous les moyens lorsque ses droits fondamentaux sont violés". Objectif : mettre un terme définitif au "régime fantoche et prédateur de l’imposteur" « Joseph Kabila». Les trois groupements accusent les «plus hautes autorités politiques et militaires» d’être les complices des milices et «rébellions» qui sèment la mort, la désolation et qui participent activement au pillage des provinces du Nord-Kivu, Sud-Kivu, Maniema et Province orientale. Des milices créées, organisées, soutenues et manipulées par certains pays voisins de la RDC. Ils ont par ailleurs fustigé «la situation de privation de liberté de mouvement imposée à Monsieur Etienne Tshisekedi wa Mulumba, "véritable vainqueur" du dernier scrutin électoral présidentiel organisé le 28 novembre 2011» tout en exigeant «l’annulation ou la délocalisation» du XIVè Sommet de la Francophonie prévu à Kinshasa du 12 au 14 octobre 2012. Secrétaire national de l’UDPS chargé des Relations extérieures, Félix Tshisekedi Tshilombo a bien voulu répondre à quelques questions de Congo Indépendant.
 
"Nous sommes engagés dans un combat politique. C’est une lutte de longue haleine"


Sept mois après les élections présidentielle et législatives au Congo, vous êtes toujours en Belgique. Quel est le motif de la prolongation de votre séjour?

Je ne suis pas toujours qu’en Belgique. La Belgique représente pour moi une sorte de «Quartier général». C’est ici que vit ma famille. C’est également ici j’ai fourbi mes armes en politique. En dehors du Congo, la Belgique constitue un peu «l’autre chez moi». J’ai été obligé de prolonger mon séjour à l’extérieur dans le but de mener des actions de «sensibilisation» auprès de nos «partenaires». Il s’agit de les éclairer sur l’imposture qui s’est produite au Congo. Je m’inscris dans la logique de notre Président. Logique qui vise à prendre possession de l’imperium.

Comment se porte le président Etienne Tshisekedi ?

Il va très bien. Je l’ai eu au téléphone le jeudi 14 juin. Lorsqu’il est injoignable au téléphone, mes proches se chargent de me donner de ses nouvelles. Il va très bien au plan de la santé. Au plan politique, son moral est très haut. Il est très conscient de l’aboutissement heureux de la recherche de l’imperium. Nous nous inscrivons résolument dans la logique de chasser Kabila l’imposteur de la place qu’il occupe de manière illégale. Nous veillerons à ce qu’il n’aille pas au bout du mandat de cinq ans comme il le croit. Toute la vérité des urnes sera dite et reconnue.

Depuis sa création, l’UDPS a toujours revendiqué un combat politique fondé sur «la non-violence». Par quels moyens votre parti pourra-t-il «chasser» «Joseph Kabila» dont le pouvoir s’impose par la force des armes ?

Nous allons œuvrer à ce que tous les «instruments» du pouvoir se retrouvent entre les mains du président élu Etienne Tshisekedi. C’est un tort de penser que la voie des armes reste la meilleure pour atteindre cet objectif. Nous pouvons inciter la population congolaise à contester pacifiquement Kabila. Nous pouvons mener des actions analogues en direction de l’armée et de la police. L’objectif est de faire reconnaître le Président élu. D’ailleurs, le «clan kabiliste» est entrain de nous «aider» en multipliant des bévues en termes de décisions impopulaires. C’est tout ça qui fait notre force.

Revenons à Etienne Tshisekedi. Depuis plus de six mois, il se trouve en «résidence surveillée» de facto. N’avez-vous pas le sentiment que sa situation quasi-carcérale est en passe d’être «banalisée» dans la mesure où plus personne n’en parle?

Effectivement ! C’est notamment pour cette raison que nous parcourons le monde pour mener des actions de sensibilisation. Il y a eu une mobilisation internationale pour la Birmane Aung San Suu Kyi lorsque les dirigeants militaires de son pays l’avaient assignée à résidence. Il est surprenant de constater le silence complet dans le cas qui nous occupe. J’ai été reçu dernièrement au Parlement européen. J’en ai profité pour dénoncer le mutisme de la communauté internationale à ce sujet. Mes interlocuteurs m’ont promis l’adoption prochaine d’une «position ferme» par l’Union européenne. Je peux vous assurer que nous ne baisserons pas les bras. La lutte va continuer. La situation que vit le président Tshisekedi ne date pas d’aujourd’hui. Sous le régime du président Mobutu, le président de l’UDPS a été relégué pendant neuf mois dans son village avant que les pressions internationales s’exercent sur le pouvoir de l’époque. Moi qui vous parle, je faisais partie de sa suite. C’est suite aux pressions internationales que le pouvoir de l’époque avait commencé par relâcher les enfants dont moi-même. S’il est vrai que la voie diplomatique souffre souvent d’une certaine lenteur, il n’en demeure pas moins qu’elle reste la plus efficace. Je trouve que ce «combat» est beaucoup plus intéressant que d’aller faire le "mariole" à l’Assemblée nationale.

L’UDPS, l’Apareco et l’Armée de résistance populaire (ARP) ont organisé le jeudi 14 juin une conférence de presse conjointe à Paris. Que répondez-vous à ceux qui doutent de la participation effective de votre parti à cette rencontre?

Je vous confirme la participation de notre parti à cette rencontre. Le président de notre parti avait donné son aval.

Par contre, vous étiez absent alors que votre présence a été annoncée…

J’ai été retenu à Bruxelles pour répondre à un rendez-vous politique tout aussi important prévu au même moment. Comme vous pouvez l’imaginer, c’est nous qui sollicitons des entrevues avec des personnalités de la communauté internationale. Il arrive souvent que notre emploi du temps soit tributaire des rendez-vous qui nous sont fixés. J’ai été informé 48 heures plus tôt. C’est la raison pour laquelle j’avais demandé au représentant du parti en France, Edouard Olito, d’occuper ma place.

Qui est l’initiateur de ce «cartel» ou «plate-forme»?

J’ai cru comprendre que l’initiative émane de l’Apareco. Lorsque l’Apareco a pris langue avec notre parti, elle a constaté que l’UDPS partage les mêmes préoccupations. Je suppose qu’il en est de même de l’ARP. Je dois souligner que je n’ai pas eu de contacts avec ce mouvement. Voilà pourquoi, nous avons décidé de prendre cette position commune. Au plan diplomatique, je peux vous dire que l’acte posé, jeudi 14 juin, à Paris, présente un intérêt indéniable. Cette démarche aura pour effet de nous ouvrir d’autres portes. Il est désormais clair qu’il n’y a pas que l’UDPS qui réclame la vérité des urnes, dénonce l’insécurité à l’Est et demande la «délocalisation» du sommet de la Francophonie prévu à Kinshasa. C’est un excellent signal de voir les forces politiques du pays faire la même lecture des événements. C’est une avancée qui ne pourrait qu’engendrer des retombées positives.

Comment allez-vous concilier vos actions avec l’Apareco et l’ARP alors que l’UDPS ne cesse de clamer son ancrage dans la lutte politique non-violente ?

C’est exact !. Je tiens à préciser que les trois mouvements n’ont pas constitué une «alliance». Il n’est pas question non plus d’une «plate-forme» des organisations qui vont cheminer ensemble. Les moyens pour parvenir à nos objectifs sont différents. Ils resteront différents. Ce qui s’est passé à Paris c’est comme une «photo instantanée» prise à un moment donné de l’Histoire. Les trois organisations partagent la même lecture de la situation générale de notre pays. Elles ont fait trois constats. Primo : le Président élu Etienne Tshisekedi est privé de sa victoire. Il y a une imposture qui s’est installée à la tête du pays et dont il faut absolument «chasser» du sommet de l’Etat congolais. Secundo : Nous avons déploré très vivement l’insécurité qui prévaut l’Est du pays. Une situation qui dure depuis une quinzaine d’années. Une situation intolérable d’autant plus que nous avons de plus en plus des preuves attestant la complicité du pouvoir de Kinshasa. Enfin : Nous avons fortement déconseillé à la France, laquelle constitue le fer de lance de la Francophonie, de tenir le prochain sommet de cette Organisation, prévu au mois d’octobre, à Kinshasa. Toute action contraire serait non seulement interprétée comme une «légitimation» d’un despote mais aussi une injure à la mémoire des victimes de la brutalité du régime en place.

Allez-vous désigner un "coordonnateur"?

Il n’y aura pas de coordonnateur. Nous nous sommes réunis pour dire haut et fort notre désaprobation sur la situation du pays. Désormais, chacune des organisations va regagner ses «quartiers» pour vaquer à ses occupations. Pour moi, la polémique n’a pas lieu d’être. J’insiste : il n’y a ni alliance ni coordination !

Allez-vous mettre en place au moins un «cadre de concertation» ?

Aucune décision n’a été prise dans ce sens par nos directions politiques respectives.

Vous allez peut-être sourire en apprenant que la nouvelle «rébellion» dite M23, réclame, elle aussi, la «vérité des urnes»…

(Rires). J’espère que les membres de ce mouvement ont été «touchés» par le saint esprit et veulent maintenant revenir à des «bons sentiments». Il reste que personne n’est dupe au point d’oublier que le CNDP appartenaient encore récemment à la MP (majorité présidentielle). Nous en avons assez de tous ces scénarios où le tragique le dispute au comique. Plus personne n’est dupe…

Y a-t-il eu des contacts entre la direction de l’UDPS et les responsables du
«M23» ?


Pas du tout !

Que répondez-vous à ceux des Congolais qui plaident pour la tenue du sommet de la Francophonie à Kinshasa arguant que le reste du monde aura ainsi l’occasion de constater les violations des droits et libertés ?

C’est une analyse qui ne résiste pas à l’examen. Dans ce monde où règne l’Internet, les représentants des pays membres de la Francophonie n’ont nullement besoin d’aller à Kinshasa pour prendre conaissance des excès du régime en place. Politiquement, le sommet de la Francophonie à Kinshasa ce serait plutôt un satisfecit pour Kabila. Celui-ci subirait en revanche un camouflet dans le cas où l’Organisation internationale de la Francophonie se détournerait de lui. Les forces politiques et sociales du pays seront ainsi renforcées.

Revenons au communiqué conjoint publié à Paris. Les trois organisations demandent aux Congolais «de faire usage de l’article 64 de la constitution». Or – je le cite de mémoire - cet article invite les Congolais à barrer la route à tout individu ou groupe d’individus qui tente d’exercer le pouvoir par la force ou en violation de la Constitution. Concrètement, que va-t-il se passer alors que, selon vous, chaque organisation rentre désormais dans ses «quartiers». Devrait-on conclure qu’à Paris, l’objectif visé se limitait à un «effet d’annonce»?

Nullement! Il n’y a pas eu d’effet d’annonce. La conférence organisée par les trois mouvements avait pour but de sensibiliser la communauté internationale sur les trois points cités précédemment. Aujourd’hui, cette communauté internationale paraît très sensible à ce qui se passe en Syrie. S’agissant du Congo, le désintérêt est manifeste. C’est du deux poids, deux mesures. Un candidat à la Présidence de la République a été élu par son peuple et c’est lui qui se retrouve dans le rôle de victime ; c’est lui que le président sortant enferme et prive de liberté. C’est totalement inacceptable ! Maintenant, chacune des trois organisations va rentrer dans ses «quartiers» afin de poursuivre le combat. Il n’y a donc pas d’effet d’annonce…

Des informations non-officielles laissent entendre que «Joseph Kabila» et son «clan» seraient tentés par l’idée de modifier l’article 70 de la Constitution pour instaurer une Présidence de la République sans limitation de mandat. Quelle est votre commentaire ?

C’est tout simplement inacceptable. Kabila peut toujours rêver de le faire. Nous ne le laisserons pas faire. A l’UDPS, nous nous sommes battus depuis trois décennies avec abnégation et esprit de sacrifice. L’objectif est d’enrayer toute dictature dans notre pays. Notre parti est né sous le régime Mobutu. Notre combat ne se limitait pas à combattre Monsieur Mobutu. A preuve, nous avons opposé la même résistance à Laurent-Désiré Kabila au lendemain de sa prise du pouvoir en 1997. Cette résistance va continuer avec Joseph Kabila. Notre combat ne va pas s’arrêter. Voilà pourquoi notre parti ne siège pas l’Assemblée nationale. Nous savions que celle-ci ne sera qu’une "foire", une simple «chambre d’enregistrement». Je peux vous assurer que nous nous battrons jusqu’au bout pour mettre fin à la dictature dans notre pays. Nous y mettrons fin d’une manière ou d’une autre.

A vous de conclure…

Je voudrais m’adresser à mes compatriotes congolais de la diaspora. Il y a comme un essoufflement de la grande mobilisation qui a eu lieu aux quatre coins du monde au lendemain des élections du 28 novembre dernier. Je voudrais les exhorter à ne pas baisser les bras et à rester déterminés. Nous sommes engagés dans un combat politique. C’est une lutte de longue haleine. Dans un combat, il y a toujours des hauts et des bas. Il ne faudrait surtout pas qu’ils se laissent envahir par le découragement du fait que, par une imposture, Joseph Kabila est encore à la tête du pays...

Propos recueillis par Baudouin Amba Wetshi
© Congoindépendant

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