jeudi 9 août 2012
Okwess International est son orchestre avec lequel il effectue une tournée européenne. Jupiter Bokondji, ce fils d’un diplomate congolais, est un artiste musicien qui mêle culture, musique et contes dans ses œuvres. Son histoire, sa carrière et ses prestations sont retracés dans cette interview accordée à africultures.com.
Vous êtes, comme certains grands musiciens congolais, issu d’un peuple (les Mongo) qui a une grande tradition polyphonique…
Oui, le peuple Mongo, c’est la passion de la mélodie, parce que nous sommes très proches des Pygmées, on dit d’ailleurs que nous en sommes musicalement les héritiers. Je les fréquente beaucoup, nous avons des groupes communs. D’autre part je suis d’une famille de griots et de guérisseuses, celles qu’on appelle les Zebola, qui soignent les gens par les chants et les tambours. Donc j’ai commencé par la musique de mon peuple, qui m’a vraiment frappé, puis je me suis documenté pour découvrir les musiques d’autres peuples du Congo.
Toutes les ethnies du Congo arrivent-ils encore à créer des musiques nouvelles à partir de leur tradition ?
Non, malheureusement, mais la plupart y parviennent plus ou moins, je dirais 80 %. Tu sais, c’est très compliqué, de passer des instruments traditionnels aux instruments modernes. Le problème, c’est d’inventer la sauce qui permet de mélanger le passé et le présent.
Votre père était diplomate et vous aviez grandi à Berlin en Allemagne ?…
Berlin Est ! C’était au temps du mur, et moi j’étais privilégié, car avec mon passeport diplomatique, je vivais comme un prince, le "petit nègre" que j’étais pouvait passer la frontière, alors que les "Blancs" étaient bloqués. C’était une situation extraordinaire, et j’en ai bien profité. J’ai baptisé mon premier groupe Die Neger (les Nègres), on a eu du succès, on faisait du rock, mais la musique qui m’intéressait alors, c’était le soul, le funk, les Jackson Five, Kool & the Gang, etc.
Quand je suis rentré à Kinshasa, j’ai commencé à me passionner pour les musiques de nos ethnies, à me documenter là-dessus, et c’est comme ça que tout est parti. Pendant des années, ma démarche, ma musique n’a intéressé que les étrangers, les "expatriés". Mais j’avais l’espoir, j’étais sûr de moi, de l’importance de ce mélange entre musiques modernes et traditionnelles. Je n’ai jamais voulu devenir musicien, c’est la musique qui a voulu que je sois là. La musique, c’est aussi une autre forme de diplomatie.
À Kinshasa, vous jouez où, avec Okwess International ?
Dans les ambassades, au Centre culturel français, mais quand j’ai les moyens, j’organise des concerts dans mon quartier. C’est toujours compliqué. On a vu ça dans le film, « La Danse de Jupiter », c’est l’histoire d’une musique électrique qui s’invente dans une ville où le courant peut être coupé à tout moment…
Kinshasa commence à changer. Même si la démocratie est encore timide, je suis confiant, le Congo va avoir sa place. Nous aurons été une génération sacrifiée, j’ai passé la plupart de ma vie dans la misère, comme la plupart des musiciens, considéré comme un fou, comme un voyou, mais me voilà. Kinshasa la belle devenue la poubelle, c’est en train de changer, les Congolais deviennent conscients, et nous y sommes pour quelque chose : car chez nous la musique peut encore faire bouger la tête des gens.
Quelles sont tes relations avec les autres musiciens de Kinshasa ?
Quand je suis rentré au Congo, j’étais très déçu par la musique congolaise, la rumba j’aime bien ça, mais ça va. J’ai une autre idée de l’avenir musical de mon pays. Nous avons un trésor extraordinaire de mélodies, de rythmes, la plupart des musiciens congolais n’en sont pas conscients…
Ils n’ont qu’une idée, le seul rêve qu’ils ont réalisé, c’est d’émigrer en Europe pour jouer de la rumba. Je les rencontre, je les respecte, je ne sais comment ils vivent, ça ne me regarde pas, moi je m’occupe de mes oignons. Je connais bien la misère. Si je fais de la musique ce n’est pas pour devenir riche, j’ai une mission, c’est de changer les données musicales au Congo j’aurais pu faire autre chose. Mais je veux laisser une ouverture pour les générations futures, ça reste. C’est ça ma mission.
À Kinshasa, vous êtes combien dans le groupe Okwess ?
Quatorze. Nous sommes venus à sept à cause de problèmes de budget. Les producteurs m’ont fait comprendre que je devrai d’abord installer ma notoriété pour ensuite frapper fort. À part ça, j’ai plusieurs autres groupes que je contrôle à distance, j’ai une vraie galaxie autour de moi. Dans le film, je jouais les instruments artisanaux pas très bien accordé. Ça faisait parti du charme. Pour dire que dans la vie, il y a toujours un début, un développement et une conclusion. La conclusion, c’est demain.
Onassis Mutombo
Okwess International est son orchestre avec lequel il effectue une tournée européenne. Jupiter Bokondji, ce fils d’un diplomate congolais, est un artiste musicien qui mêle culture, musique et contes dans ses œuvres. Son histoire, sa carrière et ses prestations sont retracés dans cette interview accordée à africultures.com.
Vous êtes, comme certains grands musiciens congolais, issu d’un peuple (les Mongo) qui a une grande tradition polyphonique…
Oui, le peuple Mongo, c’est la passion de la mélodie, parce que nous sommes très proches des Pygmées, on dit d’ailleurs que nous en sommes musicalement les héritiers. Je les fréquente beaucoup, nous avons des groupes communs. D’autre part je suis d’une famille de griots et de guérisseuses, celles qu’on appelle les Zebola, qui soignent les gens par les chants et les tambours. Donc j’ai commencé par la musique de mon peuple, qui m’a vraiment frappé, puis je me suis documenté pour découvrir les musiques d’autres peuples du Congo.
Toutes les ethnies du Congo arrivent-ils encore à créer des musiques nouvelles à partir de leur tradition ?
Non, malheureusement, mais la plupart y parviennent plus ou moins, je dirais 80 %. Tu sais, c’est très compliqué, de passer des instruments traditionnels aux instruments modernes. Le problème, c’est d’inventer la sauce qui permet de mélanger le passé et le présent.
Votre père était diplomate et vous aviez grandi à Berlin en Allemagne ?…
Berlin Est ! C’était au temps du mur, et moi j’étais privilégié, car avec mon passeport diplomatique, je vivais comme un prince, le "petit nègre" que j’étais pouvait passer la frontière, alors que les "Blancs" étaient bloqués. C’était une situation extraordinaire, et j’en ai bien profité. J’ai baptisé mon premier groupe Die Neger (les Nègres), on a eu du succès, on faisait du rock, mais la musique qui m’intéressait alors, c’était le soul, le funk, les Jackson Five, Kool & the Gang, etc.
Quand je suis rentré à Kinshasa, j’ai commencé à me passionner pour les musiques de nos ethnies, à me documenter là-dessus, et c’est comme ça que tout est parti. Pendant des années, ma démarche, ma musique n’a intéressé que les étrangers, les "expatriés". Mais j’avais l’espoir, j’étais sûr de moi, de l’importance de ce mélange entre musiques modernes et traditionnelles. Je n’ai jamais voulu devenir musicien, c’est la musique qui a voulu que je sois là. La musique, c’est aussi une autre forme de diplomatie.
À Kinshasa, vous jouez où, avec Okwess International ?
Dans les ambassades, au Centre culturel français, mais quand j’ai les moyens, j’organise des concerts dans mon quartier. C’est toujours compliqué. On a vu ça dans le film, « La Danse de Jupiter », c’est l’histoire d’une musique électrique qui s’invente dans une ville où le courant peut être coupé à tout moment…
Kinshasa commence à changer. Même si la démocratie est encore timide, je suis confiant, le Congo va avoir sa place. Nous aurons été une génération sacrifiée, j’ai passé la plupart de ma vie dans la misère, comme la plupart des musiciens, considéré comme un fou, comme un voyou, mais me voilà. Kinshasa la belle devenue la poubelle, c’est en train de changer, les Congolais deviennent conscients, et nous y sommes pour quelque chose : car chez nous la musique peut encore faire bouger la tête des gens.
Quelles sont tes relations avec les autres musiciens de Kinshasa ?
Quand je suis rentré au Congo, j’étais très déçu par la musique congolaise, la rumba j’aime bien ça, mais ça va. J’ai une autre idée de l’avenir musical de mon pays. Nous avons un trésor extraordinaire de mélodies, de rythmes, la plupart des musiciens congolais n’en sont pas conscients…
Ils n’ont qu’une idée, le seul rêve qu’ils ont réalisé, c’est d’émigrer en Europe pour jouer de la rumba. Je les rencontre, je les respecte, je ne sais comment ils vivent, ça ne me regarde pas, moi je m’occupe de mes oignons. Je connais bien la misère. Si je fais de la musique ce n’est pas pour devenir riche, j’ai une mission, c’est de changer les données musicales au Congo j’aurais pu faire autre chose. Mais je veux laisser une ouverture pour les générations futures, ça reste. C’est ça ma mission.
À Kinshasa, vous êtes combien dans le groupe Okwess ?
Quatorze. Nous sommes venus à sept à cause de problèmes de budget. Les producteurs m’ont fait comprendre que je devrai d’abord installer ma notoriété pour ensuite frapper fort. À part ça, j’ai plusieurs autres groupes que je contrôle à distance, j’ai une vraie galaxie autour de moi. Dans le film, je jouais les instruments artisanaux pas très bien accordé. Ça faisait parti du charme. Pour dire que dans la vie, il y a toujours un début, un développement et une conclusion. La conclusion, c’est demain.
Onassis Mutombo
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