vendredi 24 août 2012

Le chef maï maï Janvier Karairi dévoile les dessous des cartes à l'Est

Jeudi, 23 Août 2012  AFP Albert KAMBALE



Il se dit courtisé par les autorités de Kinshasa et l'ONU, prêt à faire barrage aux rebelles du M23 en échange d'armes. Mais le chef maï maï Janvier Karairi, échaudé par son expérience au sein de l'armée régulière, reste prudent et veut des garanties.

A 55 ans, ce chef d'une milice locale basée dans les collines du Nord-Kivu, région volcanique de l'est de la République démocratique du Congo (RDC), revendique trois brigades, 4.500 hommes. Ce qui est invérifiable.

L'état-major de son mouvement, l'Alliance du peuple pour un Congo libre et souverain (APCLS), est basé près du village de Lukweti, de l'autre coté d'une rivière qui se traverse sur un pont de cordes.

La réputation de féroces combattants de ces miliciens issus de communautés de la région vient de leur forte implantation locale, des croyances et pratiques qui les font, disent ils, échapper aux balles grâce à une coupe de cheveux, à un badigeon d'eau sacré, à une attitude la veille du combat.

La zone d'action de l'APCLS jouxte celle conquise par le M23 au nord de Goma, la capitale provinciale, et s'étend à l'ouest jusqu'au territoire voisin de Masisi. Le M23 est un mouvement d'ex-militaires mutins qui a, en quelques semaines, conquis un secteur avec l'aide du Rwanda selon l'ONU, une aide que Kigali dément apporter. Depuis un mois il menace Goma.

Mardi, raconte Janvier, deux hélicoptères des Nations unies se sont posés sur le terrain de football du village voisin, transportant le vice-gouverneur, le député Mwami Bahati, également chef coutumier, une représentante des Nations unies et le commandant en second de la région militaire.

"Ils sont venus me demander de m'allier à l'armée pour lutter contre le M23", affirme-t-il. Méfiant derrière sa petite barbe, Janvier leur a répondu qu'il y mettait une condition : "ne pas se mélanger aux soldats des FARDC", les forces régulières, car, dit-il, "ils ont des gens du M23 dans leurs rangs".

Résolument anti tutsi

"Nous voulons avoir notre propre axe", explique-t-il. Il a en outre demandé à être doté en matériel et en équipement. Pendant la visite les journalistes de l'AFP n'ont pas vu d'armes lourdes, juste quelques mitrailleuses mais surtout des AK47 et des lance-roquettes.

En 2004, raconte-t-il, il a accepté l'offre du gouvernement d'intégrer les rangs de l'armée, d'être "brassé" (mélangé) au sein de brigades composées de soldats issus de régions, ethnies et ex-milices différentes. Mais quand un colonel tutsi a été placé au dessus de lui, il est reparti avec ses hommes.

"L'ennemi des APLCS, dit-il, c'est celui qui accepte l'invasion du Congo par le Rwanda, l'Ouganda ou le Burundi", désignant les pays alliés contre le pouvoir de Kinshasa au cours des deux dernières guerres régionales (1996 et 1998).

Il s'affirme résolument "anti-tutsi". Ces Tutsi rwandais parvenus au pouvoir à Kigali après le génocide dirigé contre eux en 1994, et que le chef maï maï ne semble pas distinguer de ceux, congolais, qui vivent dans l'est de l'ex-Zaïre depuis des décennies.

Janvier ne reconnaît toutefois aucun contact avec les FDLR, ce groupe rebelle hutu qui compte dans ses rangs des participants au génocide et sont depuis 1994 réfugiés dans les forêts de la RDC d'où ils menacent le Rwanda.

"Les FDLR, c'est l'affaire des Nations unies c'est à eux de tout faire pour les faire retourner chez eux", dit Janvier.

Ancien commerçant à Kichanga, au nord-ouest de Goma, chaleureux avec les journalistes, Janvier Karairi est respecté, personne ne parle s'il n'en donne l'ordre et tout le monde se lève à son entrée.

Au camp d'entrainement de l'APCLS, à Nyabiondo, à une vingtaine de kilomètres de Lukweti, des cases de paille abritent femmes et enfants. Non loin un camp des FARDC est installé. Plus loin, un camp de la Monusco, les forces de l'ONU, abrite un détachement d'Indiens ravitaillés par hélicoptère.

Sur la route du retour, deux hommes armés en tenue civile tentent de se dissimuler à l'approche de la voiture, "ce sont des FDLR", dit un APCLS qui escorte les journalistes.

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