Pour mettre fin à la guerre dans l’Est de la RDC, le président congolais et son homologue rwandais s’étaient mis d’accord à la mi-juillet sur le déploiement d’une "force internationale neutre". Néanmoins, sa mise en place demeure hypothétique.
Par Trésor KIBANGULA
Depuis plus de quinze ans, la partie Est de la République démocratique du Congo (RDC) vit dans une insécurité permanente, entretenue par de nombreuses milices locales et étrangères. Depuis avril dernier, la situation s’est empirée avec l’entrée en scène d’un nouveau groupe rebelle, "le Mouvement du 23 mars" (M23), bénéficiant du soutien militaire du Rwanda voisin, selon les experts des Nations unies. Un appui qui fait resurgir les tensions entre les deux pays.
D’un côté, Kigali n’a jamais cessé de soupçonner Kinshasa d’être de mèche avec les Forces démocratiques pour la libération du Rwanda (FDLR), un groupe rebelle hutu rwandais présent depuis des années en territoire congolais. De l’autre, la RDC, qui a toujours accusé Kigali d’apporter son soutien à des groupes armés sévissant dans la région du Kivu (dans l'Est de la RDC).
Quels sont les groupes armés qui sévissent dans l'est de la RDC ?
Pour mettre fin à ces manœuvres, les chefs d’État de la région des Grands Lacs ont convenu le 15 juillet 2012, en marge du sommet de l’Union africaine (UA) à Addis Abeba, de mettre en place une "force internationale neutre" pour surveiller la frontière entre RDC et Rwanda.
Présent à ces assises, le président congolais Joseph Kabila et son homologue rwandais Paul Kagame avaient donné leur "accord de principe". Problème : les deux dirigeants n’ont pas la même lecture de la composition de cette force et de son éventuel mandat.
Même les ministres de la Défense de la Conférence internationale des pays des Grands Lacs (CIPGL), réunis les 15 et 16 août à Goma, capitale du Nord-Kivu, se sont contentés d’annoncer : "La force internationale neutre sera dotée de mandat de l’UA et de l’ONU et comprendra des troupes de pays africains."
Quelles troupes mettre en place ?
Pour Alexandre Luba Ntambo, ministre congolais de la Défense, la nouvelle force pourrait comprendre jusqu’à 4 000 hommes des pays d’Afrique non impliqués dans la crise en RDC. Seraient donc exclues les troupes congolaises, mais aussi celles du Rwanda et de l’Ouganda - deux pays accusés par Kinshasa d’apporter leur soutien au M23.
Joint au téléphone par FRANCE24, Jean-Louis Ernest Kyaviro, porte-parole du gouvernement du Nord-Kivu, province congolaise la plus touchée par le conflit armé, estime : "Ce serait scandaleux de permettre au Rwanda et à l’Ouganda de prendre part à la traque des groupes armés qu’ils soutiennent ; lesquels sont responsables des millions de morts dans l'Est de la RDC."
Thierry Vircoulon, directeur du département Afrique centrale de l’International Crisis Group, se montre sceptique sur la mise en place d’une telle force dans la région des Grands Lacs.
"Aujourd’hui, l’UA, débordée par les différentes crises en Somalie, en République centrafricaine ou au Mali, ne possède pas les capacités militaires nécessaires pour déployer, à court terme, une force dans l’Est de la RDC", explique-t-il à FRANCE 24.
Au-delà de "l’hypothétique déploiement de la force neutre", l’expert doute également de son "efficacité sur le terrain", rappelant que plus de 18 000 Casques bleus sont présents sur le territoire congolais depuis des années, sans parvenir à mettre fin à l’activisme des groupes armés.
"L’option d’une force internationale neutre apparaît comme une vraie fausse solution à la crise dans l’Est de la RDC", estime Thierry Vircoulon. "Pendant ce temps, le M23 va tranquillement s’enraciner, du moins jusqu’à la prochaine réunion des dirigeants des États concernés, prévue en septembre."
Force neutre, "une distraction"
Du côté du M23, on ne croit pas non plus au déploiement d’une telle force à la frontière entre RDC et Rwanda. "C’est une distraction", affirme à FRANCE 24 le lieutenant-colonel Vianney Kazarama, porte-parole de la rébellion.
"Nous attendons de voir comment ces troupes vont se déployer et, surtout, combien de temps leur mise en place va prendre", renchérit-t-il, invitant le gouvernement congolais à privilégier la voie du "dialogue avec [son] mouvement, incluant l’opposition politique et la société civile, pour trouver une solution définitive à la crise".
"Faux", estime Jean-Louis Ernest Kyaviro. "Aucun accord politique ne saurait aujourd’hui démanteler tous les groupes armés actifs dans l’Est de la RDC, soutient le porte-parole du gouvernement du Nord-Kivu.
Il faudra bien une action sur le terrain." Les regards sont désormais tournés vers Maputo, où le sommet de la Communauté économique des États d’Afrique australe (SADC) s’est ouvert vendredi et où les chefs d’Etat se pencheront sur la situation dans l’Est de la RDC.
En attendant, les seigneurs de guerre n’ont aucun mal à poursuivre leurs méfaits, "profitant de l’exploitation illégale des ressources naturelles pour financer leur action", souligne Thierry Vircoulons, pour qui "la stabilisation de la situation dans l’Est de la RDC passe par une exploitation harmonieuse des richesses de la région des Grands Lacs".
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