Le policier en fuite "Fabrice", ex-garde du corps du "général" John Numbi Banza Tambo. Image Congomikili
Saura-t-on la vérité sur ce qui s’est réellement passé le mardi 1er juin 2010 au «QG» de la police nationale congolaise? Trois années après l’assassinat du défenseur des droits de l’Homme Floribert Chebeya Bahizire, un ancien garde du corps de l’ex-patron (?) de la police nationale, refugié à Pretoria, en Afrique du Sud, vient de livrer sa «part de vérité» sur les circonstances de la mort du regretté directeur exécutif de l’association de défense des droits humains «La Voix des Sans Voix pour les droits de l’Homme» (VSV) et de son chauffeur et compagnon d’infortune, Fidèle Bazana Edadi.
C’est le troisième flic à tenter de soulager sa conscience après Jacques Mugabo, alias Amisi Mugangu, et Paul Mwilambwe. C’est le site www.congomikili.com qui a obtenu une interview en lingala. Au moment des faits, Fabrice assumait, selon ses propres dires, les fonctions de chauffeur de Numbi.
Il confirme que «Floribert» a été exécuté par étouffement. Il confirme également que le mobile découle de la résolution de la VSV de faire déférer, devant la Cour pénale internationale (CPI), les policiers impliqués dans le double massacre des adeptes de Bundu dia Kongo en 2007 et 2008.
Pour le reste, «Fabrice» est resté évasif tout en chargeant «John». Selon lui, ce dernier aurait ordonné l’élimination physique de «Floribert» à l’insu du «pauvre bougre» que serait «Joseph Kabila».
Casquette basque, blouson en cuir, bras croisés, regard fuyant.
C’est ainsi qu’est apparu l’adjudant en chef de la police nationale
congolaise, prénommé «Fabrice». Celui-ci tait sciemment son patronyme.
L’intervieweur reste muet à ce sujet. Au lendemain de la découverte du
corps sans vie de Chebeya, ce jeune policier, âgé d’une quarantaine
d’années, a été arrêté avec d’autres collègues. C’était le 4 juin 2010,
dans le cadre de l’enquête ad hoc ouverte par le Conseil national de
sécurité dirigé par Pierre Lumbi.
Il avait bénéficié d’une «libération
conditionnelle». Aussi a-t-il profité pour s’enfuir en Afrique du Sud où
il vit «sans-papiers». «Il est temps de crever l’abcès. Le général
Numbi qui me suit doit faire éclater la vérité...», dit-il sur un ton de
lamentations.
Le témoignage de «Fabrice»
Les déclarations de cet ex-garde de Numbi pourraient se résumer comme suit: Qui a ordonné l’exécution de Floribert Chebeya et de Fidèle Bazana ? «L’ordre a été donné par le général John Numbi Banza».
Le témoignage de «Fabrice»
Les déclarations de cet ex-garde de Numbi pourraient se résumer comme suit: Qui a ordonné l’exécution de Floribert Chebeya et de Fidèle Bazana ? «L’ordre a été donné par le général John Numbi Banza».
Qui a exécuté
matériellement cet ordre ?
«C’est le major Christian Ngoy qui a étouffé
Chebeya avec un sac en plastique de marque Viva. Il a accompli cette
opération avec quelques policiers swahilophones appartenant au bataillon
Simba».
Quel en était le mobile ?
«La VSV avait déposé une plainte
contre le général John Numbi devant la CPI au sujet du dossier Bundu dia
Kongo. Numbi avait reçu une convocation à se présenter à La Haye».
Qu’en est-il de Fidèle Bazana ?
«Fidèle Bazana attendait dans la
voiture, dans la rue. Il a été attiré de force dans l’enceinte du
quartier général par des agents chargés du protocole. Comme il était
costaud et opposait une vive résistance, Bazana a été abattu dans la
cave du QG et son corps a été livré aux chiens de la Brigade canine de
la police».
Inspecteur chargé de la sécurité au siège de la police, Paul
Mwilambwe suivaient ce double crime via les cameras installés à
l’intérieur et à l’extérieur du bâtiment.
Selon le policier Fabrice, Floribert devait être reçu par Numbi, ce mardi 1er juin 2010, à 9h30. Le rendez-vous a été repoussé à 16 heures.
Selon le policier Fabrice, Floribert devait être reçu par Numbi, ce mardi 1er juin 2010, à 9h30. Le rendez-vous a été repoussé à 16 heures.
A en croire ce flic, «Joseph Kabila» avait instruit «John» de passer un "deal" avec Chebeya. Ce mardi 1er juin 2010, le «général» avait chargé Fabrice d’aller rechercher ses enfants à l’école. Après l’accomplissement de cette mission, le policier est rentré chez lui à l’ex-camp Mobutu à Lemba.
«Quelques heures plus tard, raconte Fabrice,
le général Numbi m’informa, via le talkie-walkie, qu’un crime venait de
se commettre au quartier Mitendi sur la route de Matadi. Et que je
devais descendre sur lieu». Arrivé à Mitendi avec un collègue, un
policier leur dira qu’il n’aurait rien constaté de suspect.
«Nous avons
rebroussé le chemin, poursuit-il. En arrivant au «Triangle», nous avons
croisé deux Jeeps de la police escortant la voiture de Floribert Chebeya
de marque Mazda. Le véhicule était conduit par un policier qui porte le
surnom de «Boa». Nous nous sommes salués en faisant le jeu des phares».
Au cours de la journée, Fabrice apprendra la découverte à Mitendi du
corps sans vie du défenseur des droits humains. Selon lui, Numbi a agi
de son propre chef. Il n’avait pas reçu l’ordre de tuer Chebeya.
«Il
devait s’entretenir avec le militant des droits de l’Homme pour le
soudoyer, soutient-il. Il était trop tard quand le bourrique de Joseph
Kabila a appris le décès de Chebeya. Il ne pouvait autrement que de
protéger Numbi qui fait partie de ceux qui l’ont fait roi. Plusieurs
généraux ne font d’ailleurs qu’à leur tête».
L’unique "révélation" faite par ce policier est que le fameux «major Christian» se trouverait au Gabon. Commandant du bataillon Simba, Christian Ngoy avait quitté le pays sur la pointe des pieds en même temps que son collègue et ami Mwilambwe. Il n’est pas sans intérêt de «confronter» le témoignage de Fabrice à ceux du sous-commissaire Jacques Mugabo, alias Amisi Mugangu, et de l’inspecteur Mwilambwe.
Le témoignage de Jacques Mugabo alias "Amisi Mugangu"
Le sous-commissaire Jacques Mugabo, alias Amisi Mugangu, confiait, le 17 juin 2010, à l’auteur de ces lignes – depuis son refuge en Ouganda – que Chebeya a été tué par «étouffement». «Lundi 31 mai 2010, vers 10 heures, relatait-il, l’Inspecteur général (IG) lui-même, le général John Numbi, a appelé le colonel Daniel dans son bureau.
L’unique "révélation" faite par ce policier est que le fameux «major Christian» se trouverait au Gabon. Commandant du bataillon Simba, Christian Ngoy avait quitté le pays sur la pointe des pieds en même temps que son collègue et ami Mwilambwe. Il n’est pas sans intérêt de «confronter» le témoignage de Fabrice à ceux du sous-commissaire Jacques Mugabo, alias Amisi Mugangu, et de l’inspecteur Mwilambwe.
Le témoignage de Jacques Mugabo alias "Amisi Mugangu"
Le sous-commissaire Jacques Mugabo, alias Amisi Mugangu, confiait, le 17 juin 2010, à l’auteur de ces lignes – depuis son refuge en Ouganda – que Chebeya a été tué par «étouffement». «Lundi 31 mai 2010, vers 10 heures, relatait-il, l’Inspecteur général (IG) lui-même, le général John Numbi, a appelé le colonel Daniel dans son bureau.
Le service du
protocole de l’IG peut en témoigner. Au retour du bureau de l’IG, le
colonel nous a réunis, nous les proches. Il nous a dit ceci : sur ordre
du général John Numbi et de la hiérarchie vous devez en finir avec le
fameux Floribert Chebeya de La Voix des Sans Voix. Sans laisser des
traces ».
Qui a exécuté matériellement cette instruction? «Nous étions
au nombre de cinq, le jour de l’assassinat. Le colonel Daniel notre chef
direct, un inspecteur adjoint, une commissaire principale et deux
autres sous-commissaires.» Qui a commandité ce crime?
«Comme je l’ai
dit, l’ordre a été donné par la haute hiérarchie». Quel en est le
mobile? «Pour le Pouvoir et pour l’IG y compris mon chef «colonel
Daniel», «Floribert» était un élément dangereux qui faisait voir au
monde les «points négatifs» du régime.
Floribert est mort à cause des
rapports qu’il a remis aux organisations de défense des Droits de
l’homme impliquant le Pouvoir». Qu’en est-il du corps du chauffeur
Fidèle Bazana ?
«Le corps de Bazana a été jeté dans le fleuve vers
Kinsuka. Nous avions attaché le corps du chauffeur avec une corde et un
gros caillou pour qu’il ne remonte pas».
Depuis le 26 novembre 2010, le sous-commissaire Jacques Mugabo, alias «Amisi Mugangu», alias «Maïkekilo», n’a plus été revu en vie. La dernière fois qu’il a été aperçu, il se trouvait à Kampala. Il devait, disait-il, rejoindre son «chef», le major Christian Ngoy, «quelque part».
Le témoignage de l’inspecteur Paul Mwilambwe
Contrairement aux dénégations acharnées du colonel Daniel Mukalay et ses co –accusés selon lesquelles ils n’ont jamais «vu» Chebeya et Bazana au Quartier général de la Police ce 1er juin 2010, Paul Mwilambwe avait tout vu à partir de son poste.
Depuis le 26 novembre 2010, le sous-commissaire Jacques Mugabo, alias «Amisi Mugangu», alias «Maïkekilo», n’a plus été revu en vie. La dernière fois qu’il a été aperçu, il se trouvait à Kampala. Il devait, disait-il, rejoindre son «chef», le major Christian Ngoy, «quelque part».
Le témoignage de l’inspecteur Paul Mwilambwe
Contrairement aux dénégations acharnées du colonel Daniel Mukalay et ses co –accusés selon lesquelles ils n’ont jamais «vu» Chebeya et Bazana au Quartier général de la Police ce 1er juin 2010, Paul Mwilambwe avait tout vu à partir de son poste.
Dans une interview accordée au cinéaste belge
Thierry Michel en juillet 2012, il confirme quelques éléments
essentiels.
Primo : Chebeya avait effectivement rendez-vous, le 1er juin
2010, avec l’Inspecteur divisionnaire en chef de la police nationale
congolaise, John Numbi.
Secundo : Le directeur exécutif de la «VSV»
était accompagné de son chauffeur Fidèle Bazana. Il attendait dans le
bureau de Mwilambwe.
Tertio : Le major Christian et 8 de ses hommes sont
entrés dans le bureau de Mwilambwe pour chercher Floribert. «Ils l’ont
cagoulé à partir de la réception», assure Mwilambwe. «J’ai dit au major
Christian que Chebeya devait être reçu par le général Numbi,
poursuit-il. On m’a répondu qu’il devait être tué. C’est un ordre
militaire venant de la haute hiérarchie».
Quarto : les exécutions ont
été accomplies au plan matériel par une équipe dirigée par le major
Christian Ngoy Kenga Kenga, qui était le commandant du «bataillon
Simba», une unité spéciale de la police nationale.
Quinto : Pourquoi
avoir tué Bazana ? Mwilambwe d’expliquer : «L’ordre a été donné de faire
subir le même sort à toute personne qui accompagnera Chebeya».
Sexto :
Selon Mwilambwe, les deux corps devaient être ensevelis ensemble,
conformément aux «ordres». C’est le colonel Mukalay qui a finalement
décidé «d’enterrer seulement Bazana».
Dans le film-documentaire «Affaire Chebeya, crime d’Etat ?» réalisé par le cinéaste Thierry Michel, le «colonel Daniel» ne cesse de clamer : «On veut me faire porter le chapeau d’une affaire dont je ne connais ni les tenants ni les aboutissants …».
Dans le film-documentaire «Affaire Chebeya, crime d’Etat ?» réalisé par le cinéaste Thierry Michel, le «colonel Daniel» ne cesse de clamer : «On veut me faire porter le chapeau d’une affaire dont je ne connais ni les tenants ni les aboutissants …».
Dans l’interview accordée au site congomikili, le
policier Fabrice ne dit pas autre chose : «Nous sommes les victimes
expiatoires d’une affaire dont nous ne connaissons ni les tenants ni les
aboutissants…». Qui dit vrai ? Qui fabule ?
© Congoindépendant
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